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Sunday 4 September - Homélie du 23e dimanche du TO
"Tous des Benoîte !"
Par le Père Ludovic Frère, recteur du sanctuaireChacun sa foi, chacun ses choix, chacun chez soi ! Ce pourrait être le slogan de notre époque, où l’on ne se préoccupe plus guère du salut des autres, en confondant « liberté de conscience » et « indifférence ». Mais, le moins que l’on puisse dire, c’est que la Parole de Dieu n’encourage pas à cette attitude individualiste.
Bien entendu, nos paroles sur les péchés des autres sont à manier avec prudence. D’ailleurs, les donneurs de leçons, le Christ les a clairement prévenus : « qu'as-tu à regarder la paille dans l'œil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ? » (Luc 6,41).
Mais sans hypocrisie - et donc avec humilité - le Seigneur nous appelle à aider les autres à grandir dans la foi et à leur faire clairement découvrir quand ils sont dans le péché. Pour assumer cette mission délicate, les lectures de ce dimanche sont un éclairage très précieux.
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Au prophète Ezéchiel, le Seigneur demande : « tu avertiras le peuple de ma part ». Et à ses disciples, le Christ enseigne, de la même manière : « si ton frère a commis un péché, (…) montre-lui sa faute ».
Oui, nous sommes concernés par les péchés des autres ; nous sommes concernés par leur salut, concernés par leur sainteté. Ce n’est pas : « chacun pour soi, et on se reverra peut-être au Ciel ». C’est tous ensemble ; non seulement parce qu’il y aurait non-assistance à personne en danger – en danger de mort spirituelle – à se taire quand il faut parler pour avertir ou dénoncer, mais plus encore parce que nous formons un seul corps dans le Christ. Et, dans ce corps, nous avons la mission de veiller les uns sur les autres.
Ainsi, au prophète Ezéchiel, le Seigneur annonce : « je fais de toi un guetteur ». Le prophète n’est donc pas un donneur de leçons, il est un « guetteur » : c’est-à-dire que s’il abandonne son poste ou s’il manque d’élever la voix quand l’ennemi approche, c’est toute la ville qui est menacée de perdition, c’est tout le corps qui est en péril.
Nous devons donc être des veilleurs les uns pour les autres, afin de dénoncer le mal et d’encourager à la sainteté ; une mission que nous devons avoir le courage d’assumer, aussi bien dans une vie de couple ou de famille, que dans toutes nos relations - et particulièrement dans une communauté de frères et sœurs chrétiens.
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Au sanctuaire Notre-Dame du Laus, cette responsabilité du salut des autres, Benoîte Rencurel l’a courageusement assumée. C’est même une triple mission que le Seigneur, par la Vierge Marie, l’a invitée à accepter : désigner les péchés, amener les pécheurs à se confesser, et veiller à ce qu’ils fassent de bonnes confessions.
On peut trouver consolant que Benoîte ait cherché parfois à se décharger de cette redoutable mission ; il lui est arrivé de ne pas oser se présenter à un pécheur pour lui dénoncer ses fautes au nom du Seigneur ; et la Vierge le lui a vivement reproché.
Mais, bien plus souvent, Benoîte a osé le faire, consciente que c’était vraiment pour le bien des pécheurs. Ainsi, dans les manuscrits du Laus, on trouve cette affirmation enthousiaste : « qu’on est heureux quand, dans les désordres de sa conscience, on trouve quelqu’un qui vous donne des avis salutaires ».
Benoîte avait le charisme de lire dans les consciences ; et quand on parle de charisme, on parle d’une grâce offerte par le Seigneur pour l’ensemble du peuple. Que Benoîte puisse lire dans les consciences, c’était donc une grâce non pas pour elle, mais pour ceux qui en étaient les bénéficiaires : les pécheurs les plus endurcis.
De même, nous pouvons reconnaître que la mission de dénoncer les péchés des autres, c’est une grâce que le Seigneur nous demande de mettre en œuvre, avec beaucoup de délicatesse, d’amour et de vérité, en ayant bien conscience que c’est pour les servir, non pour les dominer.
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C’est bien sûr une entreprise délicate, et n’oublions jamais la paille et la poutre. Mais chacun d’entre nous est capable de percevoir, quand il reçoit un conseil ou un avertissement, si c’est une remarque pour blesser ou au contraire pour relever.
Nous le sentons très bien, car l’amour ne ment pas. Alors, si ce n’est pas par amour que nous aidons les autres à avancer dans la vocation à la sainteté, taisons-nous. Mais si c’est l’amour qui nous porte, nous n’avons pas le droit de nous taire.
C’est bien ce que le Christ nous enseigne dans l’Evangile de ce jour, où il ne s’agit pas seulement de dénoncer les péchés d’un frère une seule fois, mais trois fois, par trois moyens différents, nous permettant de ne pas ménager nos efforts pour lui éviter de se perdre.
Le premier de ces moyens, Jésus l’exprime ainsi : « si ton frère a commis un péché, va lui parler seul à seul et montre-lui sa faute ». Vous remarquerez que l’être humain a plutôt tendance à appliquer une méthode quelque peu différente, du genre : « si ton frère a commis un péché, va parler aux autres, derrière son dos ! ». Or, Jésus nous dit bien : « seul à seul ». Il s’agit de parler à la personne concernée, non pas de déblatérer sur elle auprès des autres. « Seul à seul », oser faire une démarche de charité et de vérité ; voilà la première consigne donnée par le Christ.
Mais elle est assortie d’une deuxième : « s’il n’écoute pas, prends avec toi une ou deux personnes afin que l’affaire soit réglée sur la parole de deux ou trois témoins ». Cette remarque du Seigneur est importante, car elle ne peut manquer d’être mise en parallèle avec les mots qu’il exprime, quelques instants après, en disant : « quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux ».
« Deux ou trois témoins », « deux ou trois réunis » au nom du Christ : clairement, il s’agit de mettre en valeur la présence du Seigneur et la communion qu’il nous offre de vivre en Lui. Autant Ezechiel était seul, comme guetteur aux portes de la ville ; autant nous, chrétiens, nous ne sommes jamais seuls à dénoncer le mal et à encourager à la sainteté. Nous avons le Christ, présent au milieu de nous, qui nous permet de rester fidèles et qui nous donne la lumière de l’Esprit de vérité, pour que notre jugement soit juste et notre intention pure de toute supériorité sur les autres.
Puis, vient une troisième demande, au cas où le pécheur refuserait d’écouter les deux ou trois témoins : « dis-le à la communauté de l’Eglise », annonce le Christ. C’est la troisième instance, pourrait-on dire. Troisième, pour bien manifester la persévérance dans le désir d’aider le pécheur à se convertir. Troisième : comme les trois reniements de Pierre et ses trois paroles d’amour au Christ, ou comme les trois renoncements au mal dans le sacrement du baptême. Trois : c’est le chiffre de la persévérance, de l’acte décidé, de la conviction profonde.
Ainsi, nous le comprenons : nous ne pouvons pas dénoncer les péchés simplement de manière périphérique, pour nous donner bonne conscience ; mais c’est sans relâche que nous devons nous dépenser pour éviter qu’un seul ne se perde. Nous devenons ainsi des reflets du Seigneur, qui veut « que tous soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité », comme le dit Saint Paul à Timothée (1 Tim 2,4).
Cette troisième instance de dénonciation, c’est « la communauté de l’Eglise », dit le Christ. Il nous présente là une mission essentielle de l’Eglise : tout en cherchant à donner envie de vivre l’Evangile, elle doit aussi assumer sa responsabilité de dénoncer, par exemple quand la vie est mise en péril ou quand la dignité humaine passe au second plan, après d’autres intérêts commerciaux ou idéologiques. L’Eglise doit aussi mettre en garde contre le danger de se perdre ; elle doit aider à identifier le péché.
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Frères et sœurs, le Christ nous présente ainsi trois instances de dénonciation du mal ; il ne peut ainsi que nous rendre convaincus de l’importance d’assumer cette mission en son nom. Nous voici donc tous interrogés sur ce que nous faisons pour le salut des autres.
Sommes-nous d’abord persuadés d’être concernés par leur salut - et pour cela, peut-être faut-il d’abord être convaincu qu’il y a des situations où ce salut est en péril ?
Voulons-nous aider les autres à devenir saints ? Voulons-nous leur bien, non seulement en les aidant sur terre, mais en souhaitant leur bonheur éternel, et en les aidant à y parvenir ?
Si chacun d’entre nous aide ne serait-ce que deux ou trois personnes à devenir plus saintes, notre monde peut déjà s’en trouver transformé. Pourquoi ne pas nous y essayer, dès cette semaine ? Amen.
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