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Sunday 28 April - Dimanche de la Divine Miséricorde
Toucher les plaies
Par le père Ludovic Frère, recteurNous sommes au soir du premier jour de la semaine. C’est-à-dire au soir de Pâques. Au matin de ce même jour, rappelez-vous, Pierre et Jean ont couru jusqu’au tombeau. Ils n’ont pas trouvé le corps de Jésus. Marie-Madeleine a dit qu’elle l’avait vu vivant. Saint Marc résume alors de tout ce qui s’est passé, en disant des disciples : « Quand ils entendirent que Jésus était vivant et qu’elle l’avait vu, ils refusèrent de croire. Après cela, il se manifesta sous un autre aspect à deux d’entre eux qui étaient en chemin pour aller à la campagne. Ceux-ci revinrent l’annoncer aux autres, qui ne les crurent pas non plus. » Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’y a pas que Thomas qui a eu du mal à croire en la résurrection de Jésus ! Ils sont tous hésitants. Ils résistent à cette grande nouvelle.
Alors, en cette soirée de Pâques, les dix hommes sont rassemblés dans une pièce bien verrouillée. Le drame de la croix les a paralysés. Sans compter Judas, leur compagnon, qui s’est pendu. La mort plane sur ce groupe d’amis. Ils ne sont plus que 11, et l’un de ces 11 n’est même pas avec eux : Thomas manque à l’appel. Il est peut-être déjà en train d’organiser sa reconversion. Après tout, après avoir rêvé à un avenir meilleur, il faut bien reprendre la vie normale. Maintenant que tout est fini, on tourne la page et on cherche un nouveau but à la vie.
La première apparition du Ressuscité aux apôtres se fait donc sans Thomas. Forcément, quand il les rejoint ensuite, il a du mal à les croire, comme les 10 autres peinaient à croire les femmes revenues du jardin de Pâques. Car la résurrection n’est pas quelque chose de facile à concevoir. Dans la vie, on en reste légitimement à ce que l’on connaît de la réalité, et cette réalité nous montre la vie, elle nous montre la mort ; mais elle ne nous montre pas la résurrection. Alors, le doute est légitime, il est même plutôt sain. La crédulité n’est jamais bonne conseillère, elle ne fait pas des croyants solides.
Tout cela pour dire que le comportement de Thomas est plutôt normal. La résurrection de Jésus est tellement inattendue, même s’il l’avait lui-même annoncée. Une annonce trop belle pour être vraie… Oui, il y a des choses dans la vie qui sont tellement belles qu’on a du mal à croire qu’elles puissent être vraies. On a besoin de preuves, ou au moins d’arguments solides sur lesquels s’appuyer.
Et c’est là où l’évangile de ce jour est pour nous une lumière formidable. Jésus apparaît de nouveau, cette fois-ci Thomas est présent. « Cesse d’être incrédule, sois croyant ». Ce n’est pas un reproche que Jésus lui fait, c’est un appel. Pas une leçon, mais une invitation. Le Ressuscité propose de toucher ses plaies : les mains, le côté. Thomas touche ce qui était cause de douleur et qui est devenu source de miséricorde. « Sois croyant ». L’acte de foi de l’apôtre va porter sur cela : croire que ce qui était « douleur » est devenu « signe de victoire ».
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Franchement, quand on y pense, mettre les doigts dans une plaie, ça ne donne pas vraiment envie. Mais c’est pourtant ce que Jésus a d’abord fait Lui-même : en prenant chair, le Fils éternel est entré dans les plaies de l’humanité blessée. Et là, il y a versé son propre sang, qui a guéri toutes nos plaies, les empêchant de s’infecter jusqu’à la mort. Dieu est entré dans toutes les plaies que vous avez dans le cœur ou dans le corps. Dans toutes les plaies, il a déposé sa miséricorde, sa puissance de vie.
Oui, tout ce qui vous fait du mal - absolument tout ce qui vous fait du mal -, Jésus est venu le toucher, y mettre ses doigts, y verser son sang. Ne vous épuisez donc pas à croire devoir informer le Seigneur de vos plaies : il les connaît déjà ! Non, il y est déjà ! Il touche vos plaies douloureuses ! Il y est avec sa puissance de Ressuscité. Laissez donc son sang rejoindre vos cellules malades ou vos psychologies blessées. Il veut aussi purifier vos intentions mauvaises et vos désirs égoïstes. Il vient habiter la plaie d’un amour déçu ou d’une confiance trahie qui vous fait mal. Il y vient, il y vit, il y est déjà, bien avant que vous le lui demandiez.
Il y est déjà… et c’est à vous de l’y rejoindre, en mettant vous aussi vos doigts dans ses plaies. Dans ces signes d’un amour qui n’a pas eu peur de souffrir, d’un amour qui a préféré sa mort à la nôtre. Et c’est pourquoi il est sorti vainqueur.
Allez ! Avancez votre main comme Thomas, et touchez l’amour. L’amour vrai, non pas ce que nous appelons parfois « amour » alors que nous le voulons sans les plaies. L’amour vrai qui ne se joue pas des autres, qui ne les exploite pas.
La résurrection n’est pas une preuve au terme d’un savant raisonnement ; elle est quelqu’un à venir toucher. Rappelez-vous ce que Jésus disait à Marthe et Marie devant la tombe de Lazare : « Moi, je suis la résurrection et la vie ! » La résurrection n’est pas à prouver ; c’est Jésus qui est la résurrection. La résurrection est donc à toucher du doigt en s’approchant de Jésus. Dès que nous mettons nos doigts dans les plaies du Christ, nous saisissons qu’il est vivant, et nous, nous sommes vivants en Lui.
Mais quand mettons-nous nos doigts dans ses plaies ? Eh bien, par exemple, quand nous participons à la messe. La messe est un sublime moment où nous touchons les blessures d’où jaillit la vie. Ou encore, quand nous servons les pauvres, les malades, les petits ; chaque acte de charité nous fait toucher du doigt les plaies du Christ, et nous y trouvons la vie en offrant nos soins.
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En ce dimanche de la divine miséricorde, je vous propose alors 3 actes concrets, si vous le voulez bien. Il est possible de les décider dès maintenant : que vous soyez ici, réunis dans la belle basilique du Laus ; ou que vous soyez unis à nous à travers les ondes de la radio. Nous pouvons ensemble vivre ces 3 actes concrets.
Le premier : identifiez une plaie qui est en vous et qui a besoin d’être guérie ; et confessez au plus profond de vous-mêmes que le Ressuscité y est présent, qu’il y met sa lumière, qu’il y verse son sang rédempteur. Allez, prenons déjà quelques instants pour cela : identifiez une plaie en vous qui a besoin d’être apaisée.
Pause.
Maintenant, un deuxième acte concret : au cours de cette messe, mettez votre main dans le côté ouvert du Ressuscité. La messe nous place au pied de la croix. Le corps et le sang de Jésus sont à portée de main. Ne vivez pas la messe à distance, en pensant déjà à ce que vous ferez ensuite. Même si vous la suivez à la radio : ne vivez pas cette messe à distance. Ma proposition, c’est donc que maintenant, nous prenions un petit instant pour vouloir être vraiment là, plongés dans ce mystère qui nous rassemble. Prenez l’engagement de vouloir participer aujourd’hui à cette messe, comme si c’était la première de votre vie, ou la dernière, ou la seule : moment sublime pour plonger dans le côté ouvert d’où jaillissent le sang et l’eau qui nous donnent la vie nouvelle. Jésus, donne-moi la grâce d’être là maintenant, car toi, tu es là, présent !
Pause.
Puis, un troisième acte concret : prendre un engagement d’aller cette semaine toucher une plaie du Christ en rejoignant une personne souffrante. Vous le savez : c’est Jésus qu’on visite quand on visite un malade, ou une personne perdue, ou isolée. Répondez à l’appel du Christ qui vous invite à venir toucher ses blessures ; touchez-les en visitant cette semaine un malade, ou en prenant des nouvelles de quelqu’un qui ne va pas bien, ou d’un vieux parent que vous négligez. Osez une œuvre de miséricorde pour être le Christ qui visite autant que le Christ qui est visité.
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Frères et sœurs, en ce dimanche de la Divine Miséricorde, le Ciel est grand ouvert, les plaies du Ressuscité sont presque là sous nos yeux, comme elles étaient sous les yeux de Benoîte Rencurel, voici 350 ans cette année, quand elle eut sa première vision du Christ crucifié. Benoîte n’a pas touché de ses doigts les blessures du Christ en croix, mais elle a vécu, tout au long de sa vie, ce qu’elle a contemplé alors : l’amour comme un feu d’artifice jailli du côté ouvert ! Comme une source, comme un appel, comme une brûlure et comme un réconfort. Allez, Thomas : avance ta main, mets-là dans la blessure du Christ. Tu y trouveras ta guérison et ta vie. Alléluia.
Amen !
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