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Tuesday 25 December - « Le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous ! »
Solennité de la Nativité
Par le Père Ludovic Frère, recteurPardonnez-moi, mais ce n’est pas aujourd’hui qu’il faudrait fêter Noël ! C’est neuf mois plus tôt que le Verbe s’est fait chair. Depuis neuf mois déjà, il vivait avec l’humanité une alliance corps à corps dans le ventre de Marie.
Dieu s’est fait fœtus pour nous rejoindre jusque-là, dans l’expérience formidable de la conception, car c’est bien à ce moment-là qu’un être humain commence à exister ; ce n’est pas seulement quand on le voit, bien sûr ! Le mystère de Dieu qui prend chair, c’est à l’annonciation que nous le célébrons. Le mystère de Dieu qui se rend visible à nos yeux, c’est aujourd’hui que nous le contemplons.
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Noël a pris le pas sur l’Annonciation en matière de joie festive. Mais il faudrait qu’on célèbre avec la même ferveur la fête de la conception de Jésus qu’on le fait pour ce jour où il vient reposer dans la crèche. Peut-être même faudrait-il fêter l’Annonciation avec davantage d’émerveillement encore, pour dire que c’est bien à ce moment-là que la deuxième personne de la Très Sainte Trinité commença à prendre chair.
À notre époque où la conception humaine est interrogée par des techniques qui risquent de la dénaturer ; en des temps où l’orgueil humain conduit à décider jusqu’à quand le fœtus n’est qu’une chose et à partir de quand il devient une personne ; en ces moments troubles où nous sommes, il est vraiment précieux de faire remonter le mystère de Noël jusqu’à l’Annonciation, jusqu’à la conception de Jésus.
Non pas pour amoindrir la grande fête que nous célébrons aujourd’hui, mais pour l’inscrire dans une histoire : l’histoire d’une vie, l’histoire de toute vie humaine et donc l’histoire de l’humanité entière.
Nous avons tous commencé par exister dans le ventre de notre mère. Expérience unique au monde mais partagée par tous. Première relation à un autre que soi, tout en étant physiquement relié à soi. Première acceptation de vivre en recevant d’un autre : c’est ce que fait l’enfant pour pouvoir se développer et grandir. Acception aussi de se donner à l’autre : c’est ce que fait une mère en partageant ce qu’elle est pour qu’une autre vie que la sienne puisse éclore et se développer.
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Fêter Noël dans un sanctuaire marial, c’est alors vraiment un appel à aller jusque-là : dans la contemplation de la relation magnifique unissant une mère à son enfant dès sa conception.
Pour la Vierge Marie comme pour toute mère à la naissance de son enfant, c’est en ce jour de Noël la joie de voir son bébé pousser ses premiers cris, pouvoir le caresser et le prendre dans ses bras. Mais c’est aussi la fin de cette relation privilégiée, cette expérience unique qui nous fait passer les neuf premiers mois de notre existence dans le ventre maternel.
Aujourd’hui, la Vierge Marie quitte une relation privilégiée avec son fils. Bien sûr, cette relation va prendre d’autres formes sans perdre de sa beauté. Mais pour l’instant peut-être, c’est surtout pour Marie la fin de quelque chose : il faut couper le cordon ombilical. Quelque chose s’achève aujourd’hui pour Marie.
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Ou plutôt : c’est aujourd’hui le commencement d’un grand déploiement universel ! Et c’est là que nous sommes profondément concernés. Car pour la Vierge Marie qui perd en ce jour la relation corps à corps avec le Fils de Dieu, il faudra attendre la mort de ce fils, sa résurrection au 3e jour et son ascension 40 jours après, pour qu’elle retrouve cette relation privilégiée vécue pendant 9 mois avec son divin enfant.
Ou est-ce qu’elle la retrouvera ? Eh bien, quand elle participera à l’Eucharistie. À ce moment-là, la Vierge Marie recevra de nouveau dans son corps celui qu’elle avait porté pendant neuf mois dans ce même corps. À chaque Eucharistie, Marie retrouvait cette grande union corps à corps avec son Fils. Elle redevenait le tabernacle de sa présence.
C’est dire que, nous aussi, à chaque messe, nous vivons une expérience réellement semblable à celle de Marie pendant les neuf mois précédant Noël. Je vous invite à y penser aujourd’hui. Quand vous approcherez pour communier ou quand vous en exprimerez le désir sans communier : pensez alors que vous vivrez une expérience semblable à celle de Marie quand elle recevait en son corps le Fils de Dieu et qu’elle le laissait grandir en elle. C’est la même chose que nous vivons dans l’Eucharistie ! Quel grand mystère : une sorte de Noël permanent !
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Mais en ce jour de la nativité du Sauveur, il nous faut confesser que nous ne sommes pas seulement appelés à accueillir le Christ comme Marie. Nous devons reconnaître et vouloir aussi vivre comme Marie l’enfantement de son Fils au monde. De même que la Vierge a donné naissance à Jésus pour nous, de même nous ne pouvons pas le garder en nous : il faut lui donner naissance dans le monde.
Comme Dieu est sorti de Lui-même en prenant chair de la Vierge Marie ; puis il est sorti de Marie pour s’offrir au monde ; nous aussi, par Lui, avec Lui et en Lui, nous sommes appelés à faire sortir le Christ de nous-mêmes.
Aujourd’hui, pour que le Sauveur de l’humanité transfigure notre terre, c’est à nous de l’enfanter au monde. À nous comme Eglise, mère qui donne la vie, qui nourrit et accompagne la croissance. Et à chacun d’entre nous comme baptisé, et peut-être particulièrement à celles parmi nous qui sont femmes et mères : vous qui percevez donc avec plus d’acuité sans doute, combien l’enfantement, la sortie de soi, est nécessaire même s’il y a forcément abandon de quelque chose. Il faut couper le cordon. Ce n’est facile certainement ni pour la mère, ni pour l’enfant. Mais c’est ce qui permet à la vie de continuer, de se déployer.
C’est ce que nous devons faire comme Marie et avec Marie : le Verbe fait chair qui vient habiter nos corps dans l’Eucharistie comme il a habité le corps de la Vierge pendant neuf mois, il ne faut pas seulement l’accueillir en nous, il faut aussi l’offrir au-dehors de nous. C’est même le plus beau, le plus essentiel des cadeaux de Noël : offrir le Christ aux autres !
Je vous encourage alors à profiter de ce jour de fête pour y être particulièrement attentifs : en famille ou dans la vie fraternelle du sanctuaire, je nous encourage tous à vouloir laisser sortir Jésus de nous pour qu’il s’offre aux autres.
Ça se vit dans les petites choses les plus concrètes, parce que Dieu est venu habiter les petites choses concrètes. Dès qu’on sort de soi-même, en écoutant quelqu’un qui a besoin de parler, en s’intéressant à ce que vivent les autres, on offre Jésus. Mais aussi parfois, en se taisant parce qu’on est fatigué et qu’on risque de mal parler, de mal répondre, en fait : on offre Jésus. Ou encore, en servant une personne dans le besoin, en laissant passer quelqu’un devant soi, on offre Jésus. En élevant nos cœurs par de belles discussions ou en gardant un juste rapport à la nourriture pour ne pas en faire le plus important de ce qu’il y a à vivre au cours de ces fêtes, on offre Jésus !
Dès qu’on sort de soi, comme Dieu est sorti de Lui-même puis sorti de Marie, on l’offre au monde, on change le monde ! Les cadeaux de Noël vont donc pleuvoir aujourd’hui si nous veillons à donner Jésus aux autres dans les moindres petites choses ! Nous nous offrons alors le plus beau des cadeaux de Noël !
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Mais on n’offre que ce que l’on a : pour donner Jésus, il faut d’abord l’accueillir. C’est ce que nous faisons dans cette Eucharistie. Chacun de nous le fait avec le soutien des autres. Mais c’est aussi nous tous ensemble, comme un seul corps : nous accueillons et nous enfantons le Christ pour qu’il naisse au monde. Et le monde en est éclairé, et le monde en est transformé ! Profondément transformé, plus encore que ce qu’on en voit. C’est notre acte de foi, le plus beau à poser en ce jour. Car, nous le confessons : « Le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire ! » Joyeux Noël !