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Saturday 7 November - Messe en l’honneur de la Vierge Marie, pour les vocations sacerdotales et religieuses Se faire des amis avec l’argent malhonnête
Samedi 7 novembre 2020 - 31e Semaine du Temps Ordinaire
Par le père Ludovic Frère, recteur<xml></xml>
L’amour de l’argent, c’est vieux comme le monde. En tous cas, vieux comme l’invention de l’argent. Un amour bien dangereux puisque, depuis que l’argent existe, il est « trompeur », dit le Christ ; notre traduction liturgique choisit l’adjectif « malhonnête ». Jésus ne parle pas ici des gens malhonnêtes avec l’argent, mais bien de la malhonnêteté de l’argent lui-même.
L’argent est malhonnête ou trompeur parce qu’il n’offre pas ce qu’il promet. Certes, il peut apporter un certain prestige, mais Jésus dit aujourd’hui : « ce qui est prestigieux pour les gens est une chose abominable aux yeux de Dieu. »
Le Christ ne fait pas dans la nuance… parce qu’il n’y a pas de nuance. L’argent est trompeur, voilà tout. Il vient nous tromper quand nous pensons légitime de tout lui sacrifier : pour un salaire plus important, sacrifier sa vie de famille ou sa santé ; pour une vie plus confortable, sacrifier l’attention aux plus pauvres ou la priorité du salut éternel.
L’argent est trompeur aussi quand il laisse croire qu’il pourrait apporter bonheur ou amour. Il y a des riches qui sont très seuls ; parfois même parce qu’ils sont riches, ils sont seuls. Il y a des riches malheureux, parce que l’argent ne fait pas le bonheur.
« … mais il y contribue », dit-on souvent. Là aussi, c’est trompeur : l’argent contribue à la subsistance ou aux loisirs, mais pas au bonheur. Le bonheur est d’un autre ordre ; il ne s’achète pas. Ne nous laissons donc pas tromper par l’argent malhonnête quant à ses intentions : il ne peut pas procurer le bonheur, pas plus qu’il ne protège du Coronavirus, de la mort ou du désespoir. N’aimons donc pas celui qui nous trompe ! Il est malhonnête ; ne lui confions pas nos cœurs !
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Ce temps de confinement est alors sans doute un moment favorable pour prendre du recul par rapport à l’argent.
Lors du premier confinement, à côté de ceux qui ont le plus souffert économiquement – je pense aux plus pauvres qui ont peiné à trouver des lieux pour être aidés ; je pense aux nombreux étudiants en grande difficulté économique ; je pense encore à ceux qui ont perdu un emploi – ; à côté de tous ceux qui se sont appauvris depuis le début de la pandémie, il y a toute une frange de la population qui a économisé de l’argent, parce qu’elle a moins pu dépenser.
En France, l’épargne n’a jamais été aussi élevée. Ce n’est pas un mal en soi ; mais ça nous montre que ce confinement, en freinant la consommation, permet un certain recul par rapport à la circulation intensive de l’argent. Et puisqu’on a sans doute davantage de temps pour réfléchir, ça permet de s’interroger sur l’utilisation qu’on fait de l’argent et sur l’importance qu’on lui accorde. Cet effort de vérité ne peut être que libérateur ; n’hésitez alors pas aujourd’hui à regarder bien en face votre rapport personnel à l’argent.
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Mais c’est encore ailleurs que Jésus nous conduit par l’évangile d’aujourd’hui, en nous donnant cet étonnant conseil : « Faites-vous des amis avec l’argent malhonnête. » Non pas se faire ami de l’argent, c’est entendu ; mais se faire des amis avec l’argent bien qu’il soit malhonnête. Bien qu’il soit trompeur, l’argent peut être un moyen à utiliser de manière correcte pour favoriser les relations.
Pour essayer de mieux saisir pourquoi Jésus nous encourage à nous faire des « amis » avec l’argent trompeur, c’est donc un regard sur l’amitié qu’il nous faut jeter. J’espère que vous avez de vrais amis… mais justement, qu’est-ce qui vous permet d’affirmer que ce sont de vrais amis ? Qu’est-ce l’amitié authentique vient caractériser dans la relation ?
En y réfléchissant, 3 mots me sont venus à l’esprit pour une amitié véritable : partage, égalité, gratuité. Avec des amis, on veut partager ; avec des amis, on est sur un plan d’égalité ; avec des amis, les relations portent une sincère gratuité.
Fort de cela, faisons-nous des amis avec l’argent trompeur, c’est-à-dire en nous fondant sur ces trois réalités essentielles à l’amitié : le partage, l’égalité et la gratuité.
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D’abord, avec des amis véritables, on partage. L’argent est un moyen de partage, nous interrogeant alors si nous le considérons vraiment comme tel : est-ce qu’avec votre argent, vous veillez à partager ? Cet argent, Dieu vous l’a confié en gérance. Le Seigneur en est le propriétaire, comme il est propriétaire de tout ce qui existe. Nous, nous ne sommes que des gestionnaires, appelés à lui rendre des comptes ; donc, appelés à partager avec les autres ce que Dieu nous a été confié, car tout don de Dieu est nécessairement pour le partage, pour la communion.
Saint Jean Chrysostome disait alors que, lorsque donnons aux pauvres, ce n’est pas du don, c’est de la restitution. Nous rendons ainsi à Dieu ce qu’il nous a donné en gérance. Alors, frères et sœurs, votre cœur et votre portefeuille sont-ils ouverts au partage pour rendre ce que Dieu vous a confié ? C’est seulement par le partage qu’on se fait de vrais amis avec l’argent malhonnête.
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Deuxième caractéristique de l’amitié : pour être vraiment amis, il faut consentir à être sur un pied d’égalité. Entre amis, on peut être de niveaux sociaux différents, de responsabilités professionnelles différentes ; mais si l’on reste accroché à des prétentions mondaines, on ne peut pas être authentiquement amis. Un ami n’est jamais supérieur à son ami.
Se faire des amis avec l’argent, bien qu’il soit trompeur, c’est donc se garder de faire des différences entre les personnes à cause de leurs revenus, de leurs richesses, de leur statut social. Demandons alors au Seigneur de nous purifier de tout orgueil qui peut abîmer l’égalité dans les relations humaines.
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Troisième caractéristique de l’amitié : c’est sa gratuité. Avoir des amis, ce n’est pas un investissement. On n’a pas un ami garagiste pour pouvoir réparer sa voiture à l’oeil ; on n’a pas un ami médecin parce que ça peut toujours servir ; on n’a pas un ami prêtre pour avoir un accès plus direct à Dieu.
L’amitié est authentique quand elle est gratuite. Voilà donc un appel à purifier toutes nos relations de ce qui manque en elles de gratuité. Ce discernement est exigeant, mais il est tellement libérateur pour aujourd’hui et nécessaire pour notre salut.
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À travers ces trois aspects de l’amitié – partage, égalité, gratuité -, nous pouvons tous discerner notre rapport actuel à l’argent et le purifier encore, si besoin.
Il se trouve justement que nous sommes samedi, jour où nous invoquons particulièrement la Vierge Marie. Évidemment, la Mère de Dieu n’a jamais été attachée à l’argent. Déposons donc aujourd’hui à ses pieds tous nos biens, nos compte-en-banque, nos portefeuilles.
Pour cela, je vous encourage à reprendre à votre compte la consécration à Marie de saint Louis-Marie Grignon de Montfort : Je vous choisis aujourd’hui, ô Marie, en présence de toute la cour céleste, pour ma Mère et ma Reine. Je vous livre et consacre, en toute soumission et amour, mon corps et mon âme, mes biens intérieurs et extérieurs, et la valeur même de mes bonnes actions passées, présentes et futures, vous laissant un entier et plein droit de disposer de moi et de tout ce qui m’appartient sans exception selon votre bon plaisir, à la plus grande gloire de Dieu, dans le temps et l’éternité. Amen.