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Wednesday 1 March - Mercredi des Cendres
Revenez à moi de tout votre coeur !
Par le père Ludovic Frère, recteur« Revenez à moi de tout votre cœur dans le jeûne, les larmes et le deuil ». Ces paroles, le Seigneur les donne à son peuple, par la bouche du prophète Joël, dans un contexte particulier. Nous sommes environ 400 ans avant Jésus-Christ. La campagne de Judée vient d’être ravagée par une sècheresse et une invasion de criquets. Le peuple est démuni, il n’a plus rien. Alors, le Seigneur lui montre la voie de son salut : « Revenez à moi ! »
Dans nos vies personnelles comme dans la vie du monde, sécheresses et criquets font sans doute encore des ravages. Sécheresses dans les relations, sécheresses du cœur. Et invasions de criquets, qui viennent parfois tout dévorer, jusqu’aux intentions les plus belles. Ce début de Carême peut donc nous interroger sur nos sécheresses personnelles et sur les criquets que nous laissons venir trop souvent dévorer les plus beaux fruits de nos vies.
Revenons au Seigneur !
« Revenir », c’est prendre un nouveau chemin. Une route est à suivre, un parcours est proposé ; il durera 40 jours, pour expérimenter plus consciemment notre condition de pèlerins sur cette Terre. Un chemin, où tout n’est pas acquis dès le premier jour. Un chemin qui appelle à la persévérance et qui va nous faire traverser des paysages différents. Mais l’important, ce sera de continuer à marcher jusqu’au terme de ce pèlerinage préparatoire aux fêtes pascales.
Revenons au Seigneur !
« Revenir », c’est un chemin intérieur. Le Seigneur le précise : « Revenez à moi de tout votre cœur ». Quelques belles pensées ou quelques actes de charité n’y suffiront pas. C’est « de tout notre cœur », jusqu’à laisser la grâce de Dieu convertir la racine de nos décisions, qu’il nous faut revenir. « Déchirez vos cœurs et non pas vos vêtements » (2, 13).
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Dans l’histoire du Laus, on trouve seulement deux événements rapportés en Carême. Ils illustrent tous deux cet appel à déchirer nos cœurs et non pas nos vêtements, c’est-à-dire à convertir notre vie profonde, et non simplement nous contenter de quelques pratiques de Carême comme la privation de viande le vendredi ou autres choses du même genre.
En l’année 1708, je cite les Manuscrits du Laus : « L’ange dit [à Benoîte] qu’en Carême, on fasse prendre quatre ou cinq bouillons de viande à une personne ; que, si elle ne les eût pas pris, elle serait morte » (CA G. p. 222 IV [268] – année 1708). Dans cette demande angélique, qui s’affranchit des exigences d’un Carême sans viande, l’objectif ultime nous est rappelé : c’est la vie ! Toutes les pratiques de Carême doivent viser un surcroît de vie, car le Carême nous conduit à la grande célébration de la victoire de la Vie sur le mal et sur la mort. Alors, pendant ces 40 jours, comme un résumé de toute notre existence, célébrons la vie, respectons la vie, aimons la vie ! Et aussi : profitons de la vie, non pas en nous gavant l’estomac de nourriture ou le cerveau de divertissements, mais en allant puiser au plus profond de nous-mêmes la joie d’être vivants et de rendre meilleure la vie des autres !
Mais une puissance s’oppose à la vie. Une puissance qui est quelqu’un ; c’est le démon. Le 2e épisode vécu par Benoîte en Carême l’illustre clairement. L’auteur des Manuscrits du Laus fait preuve de pudeur, quand il écrit, en l’an 1687 : « Je ne sais comment parler des inquiétudes et des peines que le démon a faites à Benoîte pendant ce Carême » (CA P. p. 440 [486] – année 1687). On dirait que ce temps particulier de l’année déchaîne les forces diaboliques, car elles savent que le Carême nous conduit à la célébration de leur défaite absolue.
Alors, haut les cœurs, et pas de crainte !
Le Carême est un combat. S’il n’en est pas un, c’est qu’on passe à côté.
Le Carême est un combat contre un ennemi ; autant bien l’identifier pour pouvoir déjouer ses pièges.
Le Carême est un combat avec le Christ ; c’est l’union de nos cœurs à son grand combat qui culminera au Golgotha, sur la croix, et dont il sortira vainqueur en roulant la lourde pierre du tombeau. Suivons donc le Christ jusqu’à la croix, et sa victoire nous envahira entièrement au jour de Pâques !
Comprenons ainsi qu’avec le Christ, un bouleversement radical s’est opéré : nous ne sommes plus à l’époque du prophète Joël, qui ne pouvait relayer qu’un appel à la pénitence : « Revenez à moi de tout votre cœur, dans le jeûne, les larmes et le deuil ». Jeûnes, prières, aumônes et larmes de contrition sont nécessaires à un Carême vérité. Mais désormais, parce que le Christ l’a emporté sur le mal et sur la mort, notre pénitence devient chemin de lumière.
Les paroles de Joël sont donc transformées, sous la plume de saint Paul, en des mots enthousiasmants : « Voici maintenant le moment favorable, voici maintenant le jour du salut ! » (2 Co 6, 2). La primauté n’est pas aux larmes et au deuil, pourtant nécessaires pour laisser la grâce nous purifier ; mais la primauté est à l’enthousiasme de la victoire pascale qui nous rejoint dès maintenant. Le Carême n’est pas qu’un temps de pénitence ; il est un temps de préparation à la joie pascale.
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C’est pourquoi vivre le mercredi des Cendres dans un sanctuaire marial est une magnifique porte d’entrée pour marcher 40 jours en direction de cette lumière qui nous attend. La première en chemin, Marie nous entraîne.
Comme elle l’a fait pendant 54 ans avec Benoîte, la Belle Dame nous encourage quand nous voulons nous arrêter en chemin. Elle nous rappelle la destination finale, quand nous trouvons le temps long dans la marche sur cette Terre. Elle nous sourit comme elle le fit auprès de Benoîte, pour que la purification nécessaire à nos conversions ne soit jamais vécue tristement : « Toi, quand tu jeûnes, parfume-toi la tête ! ».
Et puis surtout, la Vierge Marie, comblée de grâce, nous fait comprendre que tout est grâce. Revenir à Dieu de tout notre cœur, ce n’est pas revenir à Lui par nos seules forces. D’ailleurs, le prophète l’a bien précisé : « Revenez au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment » (2, 13). Revenir au Seigneur, c’est une grâce, une miséricorde qu’il nous fait dans sa tendresse. C’est Lui qui agit, c’est Lui qui donne tout. Serons-nous alors assez disponibles, au cours de ces 40 jours, pour tout recevoir de Lui ? Amen.