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Sunday 25 May - 6e dimanche de Pâques. Première communion de Louis-César, Constance, Gabrielle, Théophile, Anne-Gaëlle, Enzo
Respirer, manger, se laver
Par le père Ludovic Frère, recteur du sanctuaireFrères et sœurs pèlerins, vous comprendrez, s’il vous plaît, que je m’adresse d’abord à nos premiers communiants ; et que je le fasse en leur proposant une petite énigme…
Voici cette énigme : mon premier, nous le faisons environ 22 000 fois par jour, sans même nous en rendre compte, en tous cas sans avoir besoin d’y penser. Mon deuxième, nous le faisons 3 fois par jour, et les enfants ont plutôt tendance à le faire 4 fois. Mon troisième, il serait bien que nous le fassions une fois par jour, même si certains enfants résistent un peu à le faire…
Ces trois réalités sont essentielles à notre vie ; elles sont indispensables à la subsistance de nos corps et à nos relations avec les autres. Avez-vous deviné de quoi il s’agit ?
Mon premier, c’est la respiration : nos poumons inspirent et expirent environ 22 000 fois par jour. Mon deuxième, c’est la restauration : nous mangeons 3 fois par jour, les enfants 4 fois si l’on ajoute le moment essentiel du goûter. Mon troisième, c’est la toilette : nous nous lavons normalement au moins une fois par jour.
Bien : tout cela est acquis, même s’il n’est pas toujours facile de faire manger les enfants ou peut-être surtout de les conduire jusqu’à la douche. Mais nous savons que ces actes sont indispensables à notre vie. Notre corps les réclame.
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Mais il se trouve que nous ne sommes pas seulement un corps : nous ne sommes pas qu’un ensemble de cellules qui interagissent les unes avec les autres dans l’unité d’une enveloppe de peau. Nous sommes des êtres humains ; et si Dieu nous a créés avec un corps à respecter, il nous a aussi créés avec une âme, cette dimension invisible de notre être qui nous rend vraiment uniques, qui nous unit à Dieu et nous relie les uns aux autres par l’amour.
Il en est de l’âme comme ce que Jésus nous a dit de l’Esprit-Saint dans l’évangile : « Le monde est incapable de le recevoir, parce qu'il ne le voit pas et ne le connaît pas » (Jn 14,17). Beaucoup vous diront que l’âme n’existe pas… ils sont incapables de recevoir cette révélation. Ou peut-être ont-ils peur de l’admettre, car si l’on reconnaît que l’on a une âme, on perçoit tout de suite qu’elle a besoin d’être nourrie, d’être lavée et de respirer comme notre corps en a besoin.
La respiration de notre âme, il faudrait qu’elle soit aussi fréquente que la respiration de notre corps. 22 000 fois par jour, il faut que notre âme respire, c’est-à-dire… qu’elle prie ! Oui, il faudrait prier au moins 22 000 fois par jour… d’ailleurs saint Paul demande aux chrétiens de prier « sans cesse » (1 Thess 5,17). Non pas qu’il faille dire 22 000 « Notre Père » chaque journée - ce ne serait pas possible et même pas souhaitable. Mais chaque pensée tournée vers Dieu est une prière, chaque regard attentif aux autres ou chaque acte d’amour - même minuscule - peut être une prière… et cela, nous pouvons le faire des centaines, des milliers de fois par jour !
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Ça, c’est pour la respiration de notre âme. Mais elle a aussi besoin d’être nourrie, notre âme…si elle respire de la prière, elle se nourrit de la présence du Christ dans l’Eucharistie : « prenez, mangez, ceci est mon corps » ; « prenez, buvez, ceci est mon sang ». Nous venons participer à la messe pour nous associer au don du Christ qui nous donne notre grande nourriture : double nourriture de la Parole de Dieu et de la présence eucharistique.
Alors, nous voilà interrogés : pour notre corps, nous mangeons 3 à 4 fois par jour… et notre âme, quel est donc son régime ? L’Eglise, notre mère, attentive à ce que nous ne défaillions pas en route, nous demande de venir nous nourrir une fois par semaine, le dimanche. Elle en fait même une obligation – désolé d’employer ce mot, mais il est significatif : obligation, parce que notre Mère l’Eglise sait que nous avons besoin de nourriture, sans quoi nous défaillons. Alors, chaque dimanche, nous devons venir à la messe.
On peut nourrir notre âme plus fréquemment ; c’est d’ailleurs ce que nous vivons au sanctuaire, où il y a bien sûr la messe tous les jours ; mais c’est surtout le jour du Seigneur, jour de la résurrection, c’est le dimanche qu’il nous faut venir nourrir notre âme. Et Benoîte rappellera à ceux qui sont empêchés de pouvoir communier qu’ils sont tout autant nourris par la communion de désir.
Les enfants, à la maison, vous ne venez peut-être pas toujours à table avec beaucoup d’entrain, surtout quand vous êtes pris dans un jeu ; il est pourtant nécessaire que vous mangiez. De même, on ne vient pas toujours à la messe avec beaucoup d’enthousiasme. Oui, aujourd’hui Anne-Gaëlle, Louis-César, Gabrielle, Constance, Théophile et Enzo, vous êtes heureux d’être là et impatients de communier… mais il y aura des jours où vous ne voudrez pas venir à la messe. Pourtant, il le faudra, car on ne vient pas seulement à la messe quand on en a envie ; on y vient parce que c’est vital pour notre âme comme le repas est vital pour notre corps.
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Mais avec la respiration de l’âme et la nourriture de l’âme, il reste une troisième nécessité : laver nos âmes. Nous l’avons fait une fois pour toutes quand nous avons été plongés dans l’eau du baptême. Mais les salissures du mal dont nous sommes parfois complices nous contraignent à venir de nouveau nous laver dans les eaux de la miséricorde ; ainsi, notre âme a besoin du sacrement du pardon. D’ailleurs, Constance, Gabrielle et Louis-César, vous avez vécu ce sacrement pour la première fois au cours de la Semaine Sainte. Les autres, vous l’aviez déjà vécu. Et chacun d’entre vous s’est de nouveau confessé hier, pour que votre âme et votre corps se présentent à Jésus dans leur plus grande beauté.
Oui, il faut se laver…Pourtant, quand on est enfant, on n’y va pas toujours volontiers ; il faut que les parents insistent parfois lourdement pour que vous alliez à la douche ou au bain. Il se trouve qu’avec le sacrement du pardon, ça arrive aussi… même à des adultes : certains ne vont vraiment pas volontiers au bain de la miséricorde ! C’est bizarre de préférer rester sale et sentir mauvais que de laisser le pardon de Dieu nous laver…
Les enfants, vous trouverez même des adultes qui vous diront qu’ils ne vont pas se confesser parce qu’ils savent qu’ils vont de nouveau pécher par la suite. C’est comme si vous disiez à votre maman qui vous demande d’aller vous laver que ce n’est pas la peine, puisque vous allez bien vous salir de nouveau ensuite. C’est étonnant comme raisonnement !
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Comme quoi, il ne faut pas toujours suivre les exemples des adultes. Je pense même que c’est vous, Enzo, Théophile, Louis-César, Gabrielle, Constance et Anne-Gaëlle, qui pouvez être aujourd’hui pour nous des modèles de la joie d’être des chrétiens. En voyant votre désir profond de communier, nous sommes tous appelés à renouveler notre propre désir, nous qui pouvons si facilement banaliser la grandeur de l’Eucharistie à force d’y participer.
Et voilà qu’en ce sanctuaire, ici-même, se sont passés des événements qui nous montrent la beauté de ce sacrement. Je vous cite un exemple dans les Manuscrits du Laus : « Benoîte, entendant la messe, vit un ange en l’air, au-dessus du tabernacle, qui souriait au prêtre, aux servants de messe et aux personnes dévotes. Il dit à Benoîte, à la fin de la messe, de dire les litanies pour ces personnes ; mais elle eut de la peine à les dire, tant elle avait de joie et de consolation »[1]. Vous voyez : quand nous participons à la messe, nous sommes nourris d’une manière si délicieuse que la joie et la consolation envahissent nos âmes, même si nous ne les ressentons pas. Quant aux anges du Ciel, ils sourient d’une belle messe !
Ou encore, en prenant justement la comparaison avec les besoins du corps, pour lesquels nous savons très bien nous bouger, Benoîte interpelle un jour un religieux, qui se demandait s’il n’était pas mieux qu’il reste chez lui à prier plutôt que de venir à la messe. La servante du Laus lui répond : « pour une raison qui me saute aux yeux, ne sortez-vous pas de votre cellule pour aller chercher de quoi vivre ? […] Je vous demande pardon, mon frère, de la liberté que je prends de vous répondre sur la demande que vous m’avez faite. Car ce n’est pas à moi, une simple fille idiote, de vous parler des choses que vous savez mieux que moi" »[2].
Eh oui, pourquoi redire ce que nous savons déjà très bien ? Nous savons bien que notre âme a faim et soif ; nous savons qu’elle a besoin de respirer et de se laver. Alors pourquoi tant de discussions intérieures, tant de réticences et de paresse ? Nous avons besoin de vivre corps et âme, besoin de respirer, d’être nourris, d’être lavés. D’autant plus besoin qu’à chaque fois que nous vivons les sacrements et la prière, nous nous unissons davantage les uns aux autres pour être tous ensemble le corps du Christ. Et à chaque fois aussi, nous nous préparons à la vie du Ciel.
Alors, Théophile, Gabrielle, Constance, Anne-Gaëlle, Enzo et Louis-César, n’oubliez jamais que ce que vous vivez aujourd’hui est vraiment indispensable à votre vie, que vous ayez entre 6 et 9 ans comme maintenant, mais aussi quand vous en aurez 15, 40 ou 90.
Alors, en ce jour de la fête des mères, laissez l’Eglise notre mère vous dire ce dont vous avez besoin et revenez souvent à la messe ; laissez Marie notre mère du Ciel, graver dans vos cœurs cette nécessité de venir souvent rencontrer son Fils dans l’Eucharistie, dans la confession, dans la prière et le service.
C’est vital ! Si vous voulez vivre, bien grandir, vous unir aux autres et avancer sur le chemin de la sainteté, c’est vital : il faut soigner vos âmes, les nourrir, les laisser être lavées, les faire respirer. Amen.
[1] CA G. p. 77 XV [123] – année 1672
[2] CA G. p. 82 VI [128] – année 1673