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dimanche 22 juillet - 16e dimanche du temps ordinaire, année B
Reposez-vous un peu
Par le Père Ludovic Frère, recteur du sanctuaire
« Venez à l’écart…Reposez-vous un peu ». Je ne sais si l’Eglise a spécifiquement choisi, ou si c’est la providence qui s’en est chargée, mais il se trouve qu’au cœur de la période estivale, il est bien opportun que les paroles du Christ nous parlent de pauses salutaires.
Ainsi le Seigneur nous rend-il attentifs à la nécessité de savoir lâcher la pression pour reposer le corps et l’esprit. Mais nous savons qu’il existe de bonnes et de mauvaises façons de nous détendre ; et nous pouvons vraiment nous demander s’il n’y pas une manière chrétienne de prendre des vacances.
Le repos proposé par le Christ est ainsi spécifié : « Venez à l’écart dans un endroit désert ». C’est même à deux reprises que cette précision est apportée, sans doute pour nous inviter à vraiment y prêter attention : le repos que le Seigneur veut pour nous est un repos à l’écart, loin de l’agitation. Or, en fonction du lieu ou des modalités de nos vacances, il n’est pas toujours évident qu’elles permettent d’apaiser nos agitations et de nous reposer vraiment.
Mais plus encore, le Christ appelle à venir à l’écart « dans un endroit désert » ; or, dans la géographie biblique, le désert est le lieu de l’expérience spirituelle véritable et de la confrontation à soi-même. Notre repos doit donc être l’occasion de nous retrouver nous-mêmes, d’améliorer nos qualités de relations avec les autres et de choisir de nouveau le Seigneur comme notre seul fondement.
Dans la vie monastique, on sait que les récréations tiennent ainsi une place particulière, pour le bien de la communauté et de chacun de ses membres.
Récréation qui devient ainsi re-création : une véritable pause est effectivement l’occasion de laisser le Seigneur nous recréer en profondeur ; le laisser remettre un peu de calme dans nos corps trop sollicités au cours de l’année et un peu de paix dans nos esprits parfois déstructurés par des épreuves de la vie, des choix difficiles ou des pressions du quotidien.
Re-création.
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Chers pèlerins, vous avez choisi de vivre ce dimanche - et pour beaucoup parmi vous : tout un séjour – dans un sanctuaire qui est un lieu privilégié de recréation. Car ici, récréation et recréation sont bien une seule et même réalité. Si le Sacrement de la réconciliation est le premier lieu, en notre sanctuaire, où se vit cette œuvre de recréation, c’est aussi chacune des activités, chacun des endroits du Laus et chacune des personnes rencontrées qui contribuent à cet apaisement et à cette reconstruction intérieure tellement nécessaires.
A l’écart du bruit et de la suractivité, ce lieu répond vraiment au projet délicat du Seigneur sur nos corps et nos esprits : le projet de nous reposer, de calmer nos rythmes fous et de nous permettre de revoir ce qui est vraiment essentiel dans nos vies.
Alors, que votre présence en ce sanctuaire soit pour vous tous l’occasion d’une « récréation recréatrice ». Et si quelques parties de votre corps, de votre psychologie ou de vos relations ont particulièrement besoin de cette re-création, ouvrez-vous à la présence délicate du Seigneur, car il est le bon berger présenté, en filigrane, dans l’Evangile de ce jour.
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« Jésus fut saisi de pitié (envers les foules) parce qu’elles étaient comme des brebis sans berger ». Le Christ remarque nos épuisements, il est saisi de pitié par nos égarements. Il veut alors nous conduire, comme un berger mène son troupeau jusqu’au repos du pâturage. Les foules n’ont rien demandé de particulier au Christ ; elles sont juste accourues vers lui, et lui les a prises en pitié. Pour quel miracle, pour quel exaucement, pour trouver quelle direction les foules sont-elles venues jusqu’au Seigneur ? L’Evangile ne le précise pas ; mais elles courent vers lui, pour être certaines de ne pas manquer de le rencontrer.
Et ainsi, en reliant les deux épisodes de l’appel au repos et de la rencontre du Christ avec les foules, nous percevons à quel point le repos proposé – voire exigé – par le Seigneur, ne peut être qu’un repos en sa compagnie, un repos pour nous rapprocher de lui et le laisser s’occuper de nous. Oui, frères et sœurs pèlerins, laissez donc le Seigneur s’occuper de vous. Prenez du temps dans la prière, la contemplation, une marche en silence ou un temps d’Adoration, pour laisser le Seigneur s’occuper de vous, intégralement.
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Mais ce repos, à la suite du Christ Bon berger, peut aussi être une occasion favorable pour revoir derrière quels bergers nous marchons au quotidien. Au cours de cette année, qui avons-nous suivi ? Dans quel but, avec quels espoirs, pour quels résultats ? Entre les élections présidentielles, les événements sportifs plus ou moins glorieux ou d’autres préoccupations encore, qu’avons-nous espéré ? Auprès de quel berger avons-nous cru pouvoir trouver un peu de paix, d’attention, voire même de sens à notre vie ?
Certains bergers, nous a prévenu le livre de Jérémie dans la première lecture, ne s’occupent pas de leurs brebis. Il s’agit de le saisir et de ne pas nous laisser berner : bien des bergers se contentent d’utiliser les brebis pour leur profit, dans la politique, le commerce ou d’autres domaines.
Le temps estival est donc un moment favorable pour revoir quels ont été nos bergers cette années : quelles personnes, quelles idées, quels projets, quels désirs nous ont conduits ? Une fois identifiés ces bergers, demandons-nous vraiment s’ils nous ont guidés vers de bons pâturages… ou vers des impasses.
Il y a un critère de discernement pour cela, comme le révèle le livre de Jérémie : en suivant de mauvais bergers, les brebis restent « apeurées et accablées ». Inversement, ce n’est qu’en suivant le bon berger que les brebis peuvent trouver la paix et reprendre des forces. Alors, nos choix de cette année nous ont-ils apporté de l’apaisement ou davantage d’inquiétudes ? De l’épanouissement ou de l’épuisement ?
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Un deuxième critère de discernement du bon berger est communautaire : un bon pasteur rassemble son troupeau. Ainsi en est-il du Christ, qui nous rassemble en lui, comme saint Paul l’exprimait dans la deuxième lecture : « il a fait tomber ce qui les séparait, le mur de la haine ». L’Apôtre parle de l’alliance dans le sang du Christ, qui a fait tomber le mur de séparation entre Israël et les païens. Mais ce sont toutes nos relations que le sang du Christ a également transfigurées. « Le mur de la haine » est tombé, par la seule grâce de Dieu. Alors que les faux-bergers entretiennent les murs qui séparent (c’est d’ailleurs souvent leur fond de commerce), seul le vrai berger fait tomber les murs.
Alors, cette période estivale est peut-être pour vous l’occasion de laisser le bon berger faire s’effondrer quelques murs. Des murs de rancoeurs accumulées ou de sentiments intérieurs refoulés ; tout ce qui peut séparer et ressusciter la haine que le Christ a pourtant tuée en sa personne… tout cela, que la pause de l’été vous donne de l’identifier et que votre présence au Laus vous offre de vous en libérer.
Gloire au Christ, repos de ceux qui sont fatigués, unité de ce qui est dispersé, notre force et notre joie, notre unique sécurité, notre seul berger.
Amen.