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Sunday 30 June - Pèlerinage des motards
Regarder vers l'avant
Par le père Ludovic Frère, recteur« Quiconque met la main à la charrue, puis regarde en arrière, n’est pas fait pour le royaume de Dieu ». Ce qui est vrai des charrues l’est sans doute aussi des motos. « Quiconque met la main à la moto, puis regarde en arrière, n’est pas fait pour le royaume de Dieu ».
D’ailleurs, si je ne m’abuse : les motos ne possèdent pas de marche arrière. Il y a bien quelques systèmes modernes pour aider à reculer, mais il n’y a pas, à proprement parler, de marche arrière sur ces engins. Comme s’ils nous disaient : Nous ne sommes pas faits pour revenir en arrière !
Les rétroviseurs permettent bien sûr de voir ce qui se passe derrière, évitant bien des déconvenues. Oui, l’expérience du passé aide à vivre au présent, et c’est précieux. Mais on ne vit pas dans un rétroviseur. C’est trop petit, trop déformant, trop tourné vers l’arrière.
Nous ne sommes pas faits pour vivre dans le passé. Tout ce qui est de l’ordre des regrets, de la nostalgie de ce qui n’est plus, et surtout de la culpabilité mortifère… tout cela, il faut le laisser sur le bord de la route pour avancer vers le royaume de Dieu, c’est-à-dire pour transfigurer la vie présente et préparer la vie future au Ciel.
Alors, écoutons bien cet appel de Jésus, cette supplication qui est faite pour nous libérer : Quiconque met la main à la moto et regarde en arrière n’est pas fait pour le royaume de Dieu ! Jésus-Christ nous appelle à renoncer à ce regard en arrière. Une fois que les égarements ont été déposés dans le cœur miséricordieux du Seigneur, on regarde bien droit, bien devant.
D’ailleurs, c’est une évidence pour nous tous : celui qui conduirait en regardant derrière lui plutôt qu’en fixant son regard vers l’avant risquerait un grave accident. Il manquerait les virages et les obstacles, mais aussi : il se priverait de contempler la beauté des paysages. Et il se ferait mal au cou à force de regarder en arrière.
Le Seigneur ne veut pas que nous restions prisonniers du passé, car nous risquerions alors de chuter et de ne pas être disponibles aux beautés du présent. Dieu qui est l’éternel « présent » s’offre au « présent » - comme nous le vivons sublimement dans l’Eucharistie, où nous communions à sa « présence » réelle. Nous sommes donc faits pour être là au présent et disponibles pour avancer sur les routes nouvelles où le Seigneur nous invite maintenant. Voilà comment nous préparons le déploiement éternel de nos vies et de nos relations !
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Vous voici justement ici dans un sanctuaire voulu par la Vierge Marie pour faire renoncer à vivre dans le passé. Les grâces du Laus libèrent de la culpabilité. Elles lèvent la honte sur un passé dont on n’est pas fier… Et c’est tellement essentiel, non seulement pour s’alléger le cœur, mais plus encore pour magnifier la grandeur de Dieu et être disponible à ce qu’il agisse profondément en nous.
Alors, les grâces du Laus sont données pour rejeter loin derrière soi tout ce qu’on n’a pas fait, ou si mal, ou trop peu. L’huile de la lampe du tabernacle, dont la Belle Dame a bien dit qu’elle serait source de guérisons, est un signe de cette libération de la culpabilité, des regrets et des nostalgies. Sur tout cela, passons l’huile de la douceur divine ! Ne restons pas crispés sur le passé : l’huile du Laus est signe de la grâce qui se répand avec douceur pour rejoindre tous les rouages de nos cœurs, tous les blocages de nos mémoires, tous les freins du passé. Les rejoindre pour les dégripper, les décoincer, les libérer ! Car Dieu nous veut libres ; et ainsi, disponibles à son royaume éternel !
Alors, c’est décidé, vous le voulez bien ? On ne regarde plus en arrière. Les deux mains sur le guidon de la vie, on peut avancer bien droit sur les routes du Seigneur. On contemple alors les paysages merveilleux qu’il nous offre, même sur les routes escarpées de la maladie, du deuil ou des difficultés de toutes sortes. Quand on avance bien droit, le regard vers l’avant, on peut rouler sur les routes les plus difficiles sans risquer de tomber. On peut avancer même dans l’obscurité, car on voit devant la lumière qui pointe à l’horizon.
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Frères et sœurs motards ou non-motards, je vous propose de profiter de cette messe pour demander d’abord à l’Esprit Saint de faire la lumière en vous sur une culpabilité, un regret, un acte manqué, une mauvaise décision du passé qui vous empêche d’être en paix. Je vous invite à ce que nous prenions tous quelques instants pour laisser l’Esprit Saint nous éclairer, avec l’aide maternelle de Marie, sur un événement du passé qui nous tire encore aujourd’hui vers l’arrière. Ô Seigneur, vient faire en nous la lumière sur ce passé qui nous empêche d’être libres au présent.
Temps de silence.
Maintenant que cet événement, ou plusieurs, sont remontés à la surface, ne les laissez surtout pas écraser vos épaules et vous gâcher la vie. Il sera peut-être nécessaire de les abandonner à la miséricorde divine dès cet après-midi, grâce aux confessions que vous pourrez vivre entre 14h30 et 17h.
Mais, dès cette Eucharistie, laissez le Seigneur vous décharger de ce poids de misère. Laissez la Vierge Marie vous regarder tendrement pour que vous puissiez oser une démarche peut-être difficile, mais tellement nécessaire : celle qui consiste à se pardonner également à soi-même. Si besoin, redevenez ami de vous-mêmes, pour être là au présent sans rejeter ce que vous êtes.
Et ainsi, priez comme nous l’avons fait tout-à-l’heure avec le psalmiste, qui chantait : « Je garde le Seigneur devant moi, sans relâche ; il est à ma droite, je suis inébranlable ». Le Seigneur devant, le Seigneur à droite : devant pour montrer le chemin, à droite pour accompagner patiemment. Mais pas en arrière, plus jamais en arrière. Nous sommes faits pour aller de l’avant ! Enfourchant la moto de la vie, nous avançons alors résolument, disponibles à la nouveauté que le Seigneur nous donne en abondance et même capables d’offrir nos souffrances à l’Eternel présent qui porte tout.
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Dans quelques instants, vous, les motards, vous allez venir déposer vos casques dans la chapelle des apparitions et devant l’Autel. Pendant ce geste, je nous invite tous, motards ou non, à déposer aussi intérieurement toute notre vie passée.
La déposer là, dans la chapelle où la Belle Dame a visité Benoîte pendant 54 ans. Sous son manteau, Marie prendra tout notre passé pour le présenter à son Fils, en mettant surtout en lumière ce qu’il y a eu de beau.
Ce passé, avec toutes les personnes que nous avons pu blesser et toutes celles que nous avons manquées de rencontrer en vérité, nous le déposerons aussi devant l’Autel : le lieu du sacrifice, le lieu du miracle du pain et du vin qui vont devenir corps et sang de Jésus-Christ. Ainsi, tout ce qui n’a pas été assez beau, tout ce qui a été raté et même tout ce qui nous manque aujourd’hui d’un passé heureux, tout cela sera pris dans le grand mouvement de l’offrande du Christ à son Père, pour faire toutes choses nouvelles dans l’Esprit.
Car à chaque instant, le Seigneur fait du neuf, du nouveau, de l’éternellement beau ! Mettez donc la main à la charrue ou à la moto, peu importe ce que vous conduisez… mais regardez devant ! Devant, vers le royaume éternel qui nous attend, et qui déjà éclaire chaque centimètre de notre route au présent. Amen.