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Sunday 15 March - Dimanche du Laetare
Que vouloir de plus ?
Par« Le Seigneur, le Dieu de leurs pères, sans attendre et sans se lasser, leur envoyait des messagers ».
« Dieu est riche en miséricorde »
« C’est bien par grâce que vous êtes sauvés, et par le moyen de la foi. Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu ».
« Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé ».
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Après avoir entendu ces paroles bouleversantes, comment s’étonner que l’Église nous offre aujourd’hui un dimanche du laetare, un dimanche de la joie, pour les faire résonner de plus belle dans toutes les églises du monde ?
Et nous le faisons sans même attendre Pâques : si l’Alléluia de la résurrection n’est pas encore chanté, la joie de nous savoir sauvés et non pas jugés illumine notre marche de Carême, au point que le violet pénitentiel est déjà éclairé par la lumière de la résurrection.
La liturgie nous rappelle alors notre condition présente : en attente de la joie éternelle, nous sommes déjà rejoints par la lumière du Ressuscité, ce qui fera dire au pape François, dans son exhortation apostolique sur la Joie de l’évangile : « Je reconnais que la joie ne se vit pas de la même façon à toutes les étapes et dans toutes les circonstances de la vie, parfois très dure. Elle s’adapte et se transforme, et elle demeure toujours au moins comme un rayon de lumière qui naît de la certitude personnelle d’être infiniment aimé, au-delà de tout » (EG n° 6).
Oui, aimés au-delà de tout ! Et la Parole de Dieu insiste aujourd’hui : « Sans attendre », « sans se lasser », « riche en miséricorde », « don de Dieu », « pas pour juger »… À l’annonce d’une telle nouvelle, laissons donc nos cœurs tressaillir d’allégresse, comme Marie dans son Magnificat ! Qu’ils répondent plus librement à l’appel que nous lance le Seigneur, dans le livre d’Isaïe : « jubilez, criez de joie ! » (Is 12,6). Est-ce que notre joie d’être sauvés se fait cri ? Est-ce qu’elle nous fait jubiler ? Est-ce qu’elle fait tressaillir nos communautés chrétiennes ?... Joie de Pâques, viens donc éclairer nos visages et nos vies !
Bien entendu, dans notre assemblée de ce matin, certains sont plus disposés que d’autres à la joie. Si la semaine a été bonne, nous pouvons avoir le cœur léger et disponible pour exulter. Mais si elle a été morose, médiocre ou mauvaise, nos cœurs ne sont sans doute pas à la joie. Pourtant, même si nous ne sommes pas tous dans un état d’esprit de fête, nous sommes vraiment tous invités à nous laisser emporter par les vagues successives de consolation et d’affermissement que la Parole de Dieu vient de nous offrir. Et sans doute : plus la vie est lourde, plus il est nécessaire de la laisser saisir par ce grand élan de joie qui vient d’En-haut.
Saint Jean-Paul II faisait alors ce constat : « savoir que Dieu n’est pas loin mais proche, qu’il n’est pas indifférent mais plein de compassion, qu’il n’est pas un étranger mais un Père miséricordieux qui nous suit avec amour en respectant notre liberté : tout cela est le motif d’une joie profonde, que les diverses péripéties de la vie quotidienne ne peuvent entamer ». Jésus parlera d’une joie – et pas n’importe laquelle : « sa » joie (Jn 15,11), c’est-à-dire la joie qu’il partage de toute éternité avec le Père et le Saint-Esprit - : c’est « sa » joie qu’il nous donne et que « personne ne pourra jamais [nous] ravir » (Jn 16,22).
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Allons donc sans tarder puiser aux sources de la vraie joie ! Laissons-nous prendre par le mouvement de la joie… ou peut-être, laissons tomber tous ces poids dont nous nous chargeons et qui étouffent la joie sous des tonnes d’inquiétudes permanentes ; et si nous n’avons même pas la force de nous en décharger, laissons le Seigneur s’en occuper Lui-même, car il a porté sur la croix tout le poids de nos existences trop lourdes.
« La joie du Seigneur est notre rempart », chante le prophète Néhémie (Ne 8,11) : un rempart qui protège contre les assauts et qui rend solide malgré les fragilités d’une vie qui peut virer d’un instant à l’autre de la fête au drame, du jeu à l’accident, de la vie à la mort.
La joie est aussi un rempart contre la tentation de broyer du noir, quand nous nous laissons caresser l’esprit par la tristesse mélancolique et nostalgique, par l’insatisfaction permanente ou par l’incapacité à nous contenter de ce qui nous est donné.
Le remède à toutes nos inquiétudes et nos mécontentements nous est offert aujourd’hui, pour qu’il se diffuse dans tout notre être au cours de la 2e partie de ce Carême. Ce remède, c’est d’entendre ce que nous a dit saint Paul : « Dieu est riche en miséricorde ». Ce remède, c’est de se laisser toucher par le livre des Chroniques, qui nous a parlé de toute l’histoire du salut où le Seigneur a agi « sans attendre et sans se lasser ». Ce remède, c’est encore d’écouter le Christ révéler que sa venue dans le monde n’est pas pour le juger, mais pour le sauver.
Fort de cette foi, on comprend que Paul Claudel se soit exclamé : « le chrétien n’a qu’un seul devoir, celui d’être joyeux ». Un devoir, fort comme un torrent débordant qu’on ne peut contenir en soi !
« Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé ». Comment la joie d’une telle nouvelle pourrait-elle rester enfermée en nous ? Comment pourrait-elle se limiter aux murs de cette église ? Comme un feu dévorant, comme une vague que rien n’arrête, cette nouvelle décisive doit se propager pour ce qu’elle est : la meilleure des bonnes nouvelles qu’on n’ait jamais diffusées sur la Terre !
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Le temps du Carême n’est-il pas utile pour nous faire redécouvrir la vraie saveur de la Bonne Nouvelle ? Peut-être aussi, nous demander si c’est vraiment pour nous une si Bonne Nouvelle que cela ; et si cette Nouvelle prend réellement place au cœur de nos vies, comme elle habitait, voici tout juste un mois, le cœur de ces 21 chrétiens égyptiens, décapités l’un après l’autre sur une plage libyenne.
Sur les images cyniquement filmées par Daech, on les voit à genoux, ces 21 disciples du Christ. Leurs lèvres bougent ; ils récitent probablement une prière. À moins qu’ils ne se redisent ces paroles de l’Évangile : « Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé ». Et leur fidélité est devenue martyre ; et leur martyre contribue au salut du monde, peut-être même au salut de leurs bourreaux : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ! » (Luc 23,34)
C’était le 15 février. Nous sommes le 15 mars et nous fêtons le dimanche de la joie. Un mois après ce drame, les proches de ces chrétiens, qui étaient de jeunes époux et des pères de famille, ont-ils aujourd’hui le cœur à la joie ? Nous pourrions prier pour qu’ils en soient comblés, de cette joie du salut proclamée par les lectures de ce jour ; qu’elle soit pour eux un rempart contre le désir de vengeance ou la tentation du désespoir d’avoir perdu un proche ou de ne pas voir d’issue à la situation présente dans leurs pays.
Nous pourrions aussi rendre hommage et ne pas laisser vain le martyre de ces jeunes hommes, en nous demandant comment témoigner à notre tour de la joie d’être chrétiens, même si c’est avec moins de risque que nos frères et sœurs du Moyen-Orient. Je vous propose de demander ensemble à l’Esprit-Saint, au cours de cette messe, de nous donner la force et l’audace de savoir crier, chanter, apporter cette semaine au moins à une personne la joie d’être chrétiens, la joie d’être fidèles, la joie d’être porteurs d’une Bonne Nouvelle qui change radicalement la face de la Terre : « Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé ».
Amen.