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Sunday 1 July - Messe d'ordination presbytérale de Jean-Marie Dezon et diaconale d'André Girier, Jean-Baptiste Tran, Eric Juretig et Damien de Beaumont
Pris du milieu des hommes
Par Mgr di Falco Léandri
Des santiags, un blue-jean, un blouson perfecto couvert de pin’s, des bagues à tous les doigts de la main, des cheveux jusqu’aux épaules, un visage buriné par le soleil. C’est le Père Guy.
Des souliers à boucle, une soutane, une ceinture à dentelles, une douillette pour l’hiver, un chapeau ou une barrette sans oublier le camail, un visage bien lisse est bien rasé. C’est le Père Thibaud.
Des baskets, un pantalon de velours, un pull jacquard. C’est le Père Jean-Bernard.
Un complet veston, une cravate aux couleurs agressives, une croix microscopique sur le revers de la veste. C’est le Père Gaëtan.
Un pantalon noir, une veste noire, une chemise de clergyman noire, les cheveux bien gominés. C’est le Père Louis.
J’arrête là cette description que, je l’espère vous recevez avec humour. Vous aurez reconnu, je pense, quelques-unes des différentes tenues que portent aujourd’hui les prêtres.
Loin de moi de justifier n’importe quelle manière de s’habiller pour un prêtre. Je constate c’est tout. Un laïc m’écrivait récemment à ce propos : « Quelle que soit la manière dont un prêtre s'habille, il porte normalement un signe distinctif qui dit qu'il est prêtre. Que donne à voir un prêtre qui ne porte pas de signe distinctif, que ce soit une croix au revers de la veste, ou pendue autour du cou, un col romain ou une soutane ? Eh bien qu'il le veuille ou non, il donne à voir à qui ne le connaît pas qu'il n'est pas prêtre.
Le prêtre est pris par Dieu du milieu des hommes. Certes il reste pécheur, faillible, mais il est avant tout et pour tous prêtre de Jésus Christ, et on entend l'approcher comme tel.
Ceci étant, y aurait-il parmi eux, quel que soit son habit, l’un ou l’autre qui serait plus prêtre ou mieux prêtre que les autres ? Bien sûr que non ! C’est le même désir qui habite chacun de ces prêtres, celui de servir le Christ à travers leurs frères et sœurs en humanité. La diversité des costumes ne doit pas nous faire perdre de vue un seul instant qu’ensemble ils veulent ouvrir les chemins qui conduisent au Christ Jésus et vous accompagner sur ces chemins.
C’est bien ce choix qu’on fait Jean-Marie, André, Eric, Damien et Jean-Baptiste qui se trouvent en ce moment devant vous. Aujourd’hui, le presbyterium et le collège des diacres, c'est-à-dire l’ensemble des prêtres et diacres du diocèse, les accueille en leur sein, et vous aussi frères et sœurs vous les accueillez. Plus que cela, ils vous sont confiés, ils vous sont donnés pour les aimer comme ils auront à vous aimer suivant en cela l’invitation du Christ : « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés »
Je ne voudrais pas altérer par mes propos la joie qui nous rassemble aujourd’hui au pied de l’autel et autour de ces hommes mais je tiens à parler vrai, je dois constater que nous sommes encore loin de vivre ce que le Christ nous demande. Encore loin du moment où l’on pourra dire en nous voyant vivre ce que les païens disaient des premiers chrétiens : « Voyez comme ils s’aiment ».
Une communauté de chrétiens qui ne s’aiment pas, des prêtres qui ne s’aiment pas, qui ne se respectent pas, ne peuvent pas être authentiquement des témoins de l’amour du Christ. Je dis cela avec force ce soir, je vous le dis solennellement, moi, pécheur comme vous, en vertu de l’autorité que me confère ma mission de successeur des apôtres. Et si je le dis ainsi, c’est parce je recueille souvent les confidences de ceux qui me font part de leurs blessures à cause des propos venimeux tenus par l’un ou l’autre de ses confrères, par l’un ou l’autre bon chrétien. Alors, je vous le demande, bannissez les rumeurs, les ragots de tous ordres, les jugements à l’emporte-pièce et pire encore la calomnie.
Le corps du Christ s’accommodera mal à être déposé sur une langue qui distille du venin !
Comment en ce lieu privilégié de la réconciliation ne pas vous inviter à la vivre cette réconciliation entre frères prêtres, entre prêtres et laïcs ?
Dans Presbyterorum ordinis, le décret sur le ministère et la vie des prêtres du Concile Vatican II, on peut lire : « Ce qui ordonne la vie des prêtres à la perfection, ce sont leurs actes liturgiques de chaque jour, c’est leur ministère tout entier, exercé en communion avec l’évêque et les prêtres. » C’est aussi une vie spirituelle de prière solide et régulière.
Souvenez-vous aussi de ce que dit saint Jean :
« Mes bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, puisque l'amour vient de Dieu, et tout homme qui aime est né de Dieu et connaît Dieu ; celui qui n'aime pas ne connaît pas Dieu, car Dieu est amour. »
L’apôtre Jean montre que l'amour fraternel non seulement vient de Dieu, mais que cet amour fraternel, qui fait que nous nous aimons les uns les autres, c’est Dieu lui-même. Par conséquent, en aimant notre frère nous aimons notre frère selon Dieu, par Dieu. Ces deux préceptes ne peuvent pas exister l'un sans l'autre.
Voilà pourquoi l'apôtre Jean dit ensuite :
« Celui qui n'aime pas son frère qu'il voit, comment peut-il aimer Dieu qu'il ne voit pas ? »
La raison qui l'empêche de voir Dieu, c'est qu'il n'aime pas son frère. Celui qui n'aime pas son frère n'est pas dans l'amour ; et celui qui n'est pas dans l'amour n'est pas en Dieu, car « Dieu est amour ».
Vous, André, Eric, Damien et Jean-Baptiste, vous allez vous engager à vivre le célibat. Pour nous, évêques, prêtres, diacres, la chasteté intérieure et extérieure, quand elle est le soutien et le fruit d’un amour vrai, est un chant merveilleux à l’amour de Dieu. Mais quand cette chasteté est un refus d’aimer, quand elle est préoccupée surtout d’une défense froide et implacable, elle peut blesser profondément cette réalité sans laquelle elle n’a pas de sens, c’est-à-dire l’amour. Qui sait si telle froideur hautaine d’une religieuse ou d’un prêtre, tel manque de compassion, tel acte d’orgueil blessant, de mépris dédaigneux, d’égoïsme dur, n’a pas blessé l’un de vous, n’a pas blessé Dieu, n’a pas blessé l’amour, davantage que le péché de chair, que le moment d’égarement d’un autre ?
Jean-Marie, toi qui seras prêtre dans quelques instants, André, Eric, Damien et Jean-Baptiste qui allez devenir diacres et demain prêtres si Dieu le veut, au nom de l’Amour du Christ, je vous demande d’être tout particulièrement aimant et attentifs à celles et ceux qui à cause des aléas de la vie vivent comme une blessure le sentiment de ne pas être bien accueillis dans l’Eglise. Je pense aux divorcés remariés qui souffrent de ne pas pouvoir approcher de la table eucharistique.
Dans un tout autre domaine, car ce n’est pas du même ordre, je pense aux drogués qui ne se droguent pas par plaisir mais à cause d’un mal-être, aux prostituées, qui à cause de l’égoïsme et de l’individualisme ambiants n’ont pas trouvés d’autres moyens de vivre. Je pense à ceux qui succombent à la tentation de l’alcool. Je pense aux homosexuels, hommes ou femmes, qui souffrent du regard impitoyable porté sur eux par ceux qui sont souvent eux-mêmes concernés et qui pensent se dédouaner en les accablant.
Un prêtre qui n’aurait jamais l’occasion d’assister un malade ou un mourant, de rencontrer quelqu’un qui n’est pas en situation régulière vis-à-vis de l’Eglise et qui a besoin d’être accompagné et réconforté, d’une femme, d’un couple qui se voit confronté à l’accueil d’un enfant non désiré, ce prêtre-là risquerait un dessèchement de son être sacerdotal, même s’il est très actif et même si les fidèles sont nombreux dans son église.
Votre mission n’est pas de juger mais d’aimer ! C’est le Pape Benoit XVI qui a dit : « Le prêtre doit-être l’homme de la compassion ». Le prêtre sera d’autant plus témoin de l’amour du Christ qu’il connaitra les réalités du monde dans lequel il vit et qu’il aura un cœur débordant d’amour.
Je lisais récemment le témoignage d’un prêtre que je trouve très éclairant, je vous le livre : « Alors que j’arrivais comme nouveau curé dans une paroisse, dit-il, quelqu’un m’a demandé : "Alors mon père, allez-vous vous occuper des gens qui sont dedans ou des gens qui sont dehors ?" C’est une vraie question : comment choisir ? En réalité ce n’est pas une vraie alternative. Ce que j’ai alors proposé, c’est toujours ce prêtre qui parle, ce que j’ai proposé c’est d’aller dehors avec ceux qui sont dedans ; de s’occuper si bien de ceux qui sont dedans qu’ils iront avec joie dehors, à la rencontre de ceux qui sont encore dehors mais qu’ils pourront accompagner dedans. »
On peut voir ainsi ce dessiner comment peut s’établir la collaboration entre prêtres et laïcs. La diminution du nombre de prêtre nous pousse à changer nos habitudes. C’est la raison pour laquelle le Père Bertrand Gournay a accepté à ma demande d’animer une réflexion entre prêtres et laïcs qui nous permette de nous projeter dans l’avenir tout en ayant conscience de la pauvreté de nos moyens.
A vous ordinands de ce jour je demande de sortir des sentiers battus, pire encore des ornières dans lesquelles vous risqueriez de vous enliser, ne cherchez pas à reproduire des modèles du passé que vous l’ayez vécu ou que vous l’idéalisiez. Inventez, étonnez, surprenez, soyez là où ne vous attend pas. Cela au nom même de l’évangile.
Vous les jeunes qui êtes ici présents ce soir écoutez, écoutez la voix du Seigneur qui peut-être s’adresse à vous comme il s’est adressé à Jean-Marie, André, Eric, Damien et Jean-Baptiste. Ne répondez pas trop vite et laissez grandir en vous cet appel.
Chers frères et sœurs, merci d’être venus si nombreux pour rendre grâce au Seigneur du don qu’il nous fait, un prêtre, des diacres pour servir son peuple.
Chers prêtres, chers diacres, ces ordinations sont une invitation à retrouver au fond de notre cœur la joie qui nous habitait au jour de notre ordination. Souvenez-vous ! En priant avec vous et pour vous je rends grâce au Seigneur qui m’a appelé à être pour vous l’évêque, le père et le frère.
En ce lieu riche des grâces mariales depuis des siècles, comment ne pas placer les nouveaux ordinands par l’intercession de la vénérable Benoîte Rencurel sous la protection de Notre-Dame du Laus.
L’évangile de ce jour nous relate ce dialogue entre le Christ et ses disciples. « Que dit-on du fils de l’homme ? » et dans un second temps, « et vous, dit-il à ses disciples, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? »
Je vous laisse répondre dans le secret de votre cœur à cette question qui s’adresse à nous aujourd’hui : « Pour vous qui suis-je ? »
+ Jean-Michel di FALCO LEANDRI
Evêque de GAP et d’EMBRUN