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Sunday 25 March - Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur
Pourquoi tant de haine ?
ParRameaux en mains, nous n’aspirons pas seulement, je l’espère, à repartir d’ici avec quelques branches portant, en elles seules, des promesses de bénédictions pour nous-mêmes, pour nos proches ou pour le monde. Nos rameaux et notre présence ce matin nous engagent. Et c’est d’abord cela que le Seigneur vient bénir !
Car en pénétrant dans l’église avec nos rameaux, nous allons dire notre acceptation d’entrer dans ce mystère de Jésus-Christ, Fils de Dieu, qui donne sa vie pour nous libérer éternellement du mal et de la mort. Nous allons consentir aussi à ce que ce mystère devienne toujours davantage celui de notre vie quotidienne. Et raviver notre désir de vivre en cohérence avec le Christ ; ainsi, que jamais nous ne transformions les rameaux en fouets, ni les « hosannas » en « crucifie-le ».
Demandons la grâce de rester fidèles à Celui que nous acclamons maintenant ; suivons-le, pas à pas, des portes de Jérusalem au repas de la sainte Cène, du jardin des oliviers au prétoire de Pilate, de la colline de la crucifixion au cimetière où reposera son corps. Accueillons le Sauveur du monde ! Accueillons sa présence, non seulement pour ce qu’il peut faire afin d’alléger nos souffrances de la Terre, mais aussi pour ce qu’il vient donner afin de nous ouvrir les portes du Ciel !
Pourquoi tant de haine ? C’est la grande question qui jaillit de ce terrible récit de la Passion. Pourquoi tant de haine ? Pourquoi l’être humain choisit-il si souvent le mal, alors que ce mal est déjà le grand tourment de sa vie ? Aux « pourquoi » des maladies qui nous tombent dessus et des catastrophes qui endeuillent le monde, s’ajoute le grand « pourquoi » de nos complicités avec le mal !
Le récit de la Passion est ainsi un résumé de toute l’histoire humaine ; un condensé de ce qui peut habiter nos cœurs, capables de tant d’amour mais aussi de tellement d’indifférences et de mépris, jusqu’à la soif du sang !
En découvrant pourquoi Jésus est mis à mort au cri de « crucifie-le », on peut ainsi mettre en lumière les raisons de nos propres complicités avec le mal, ce mal qu’on a pourtant en horreur mais qu’on ne rejette pas totalement de nos vies. Pourquoi ?
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Pourquoi sinon d’abord parce que l’être humain est porteur d’espoirs. Il a des désirs, des grands désirs, des beaux désirs de paix et de bonheur. Regardez les contemporains de Jésus : légitimement, ils attendaient une vie meilleure, plus libre et moins marquée par les souffrances. Alors, en entendant Jésus et en le voyant agir, ils ont mis en lui leur espoir, jusqu’à chanter : « Hosanna, béni soit celui qui vient ! » Tous leurs désirs d’en finir avec des situations douloureuses, cet homme visiblement si lié au Ciel semblait pouvoir y répondre. Forcément, on a misé sur lui.
Mais le voilà aujourd’hui emprisonné, humilié, « insulté sans rendre l’insulte », affaibli sans réagir par la force. Alors, c’est la déception. Si l’on veut tuer Jésus, c’est qu’il a lui-même tué cet espoir de vie meilleure qu’on avait mis en lui. Les briseurs de rêves, on les crucifie.
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À moins que cette haine ne trouve sa cause dans une forme d’instinct de survie : se protéger d’un danger en allant jusqu’à tuer celui qui nous menace. C’est vrai qu’en un certain sens, Jésus peut être menaçant : menaçant pour nos compromissions avec le confort qui anesthésie les grands élans d’amour. Menaçant pour ce qui peut devenir le choix-même d’une existence : être centré sur soi, vivre d’orgueil et de satisfactions terrestres. Celui qui vient renverser de tels choix de vie, on veut le faire taire. Plutôt sa mort à lui que la mort à nous-mêmes !
Les disciples du Christ ne sont même pas épargnés d’un tel instinct de survie. Regardez Simon Pierre, tellement sûr de lui au soir du dernier repas, qui pourtant renie son maître quelques heures après : « je ne connais pas cet homme » ! » Plutôt survivre que « sur-vivre », que vivre au-dessus de soi, c’est-à-dire de ne plus vivre pour soi !
Ainsi, le récit de la Passion, comme porte d’entrée dans la semaine sainte, nous appelle tous à faire la vérité sur ce qui nous habite en profondeur, avec 3 questions essentielles que je vous encourage à entendre :
- Quelles déceptions en vos cœurs peuvent bloquer votre espérance ?
- Quels instincts de survie vous poussent à des repliements sur vous-mêmes ?
- Et quels avantages personnels vous conduisent à refuser une vie plus élevée, plus donnée ?
Déception, survie, avantages personnels : qu’est-ce qui doit mourir en vous pour que vous soyez davantage vivants en Dieu ?
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Mais cette semaine, nous n’allons pas en rester à des questionnements. Nous allons nous préparer à recevoir à nouveau Celui qui nous sauve du mal et de la mort. Par sa faiblesse en sa Passion et par sa croix, le Christ ne vient pas tuer nos espoirs de vie meilleure ; il vient au contraire les rejoindre, les saisir et les porter bien plus haut que nos seules visées humaines, pour que nous soyons non seulement bien plus vivants mais aussi éternellement vivants !
Ce n’est donc pas l’espoir d’une vie meilleure qu’il veut tuer en nous ; c’est le drame d’une vie stoppée qu’il vient anéantir. C’est la mort qu’il vient tuer. Dans la première lettre aux Corinthiens, saint Paul pourra alors narguer la mort, en lui disant : « Eh, mort, où est donc ta victoire ? » (1 Co 15,55). Une question qui n’en est pas une ! C’est plutôt un constat : « Mort, c’en est fini pour toi ! Par le Christ, tu as perdu ton statut de mort pour devenir passage, grand passage vers la vie ! »
Saint Paul avait d’ailleurs osé, dans les versets précédents de cette même lettre, dire des mots que je vous invite à garder comme une sorte de cap pour toute cette semaine sainte. C’est dans la première lettre aux Corinthiens, chapitre 15, versets 50 à 54 :
« Je le déclare, frères : (…) ce qui est périssable ne reçoit pas en héritage ce qui est impérissable. C’est un mystère que je vous annonce : (…) tous nous serons transformés, et cela en un instant, en un clin d’œil, quand, à la fin, la trompette retentira. Car elle retentira, et les morts ressusciteront, impérissables, et nous, nous serons transformés.
Il faut en effet que cet être périssable que nous sommes revête ce qui est impérissable ; il faut que cet être mortel revête l’immortalité. Et quand cet être périssable aura revêtu ce qui est impérissable, quand cet être mortel aura revêtu l’immortalité, alors se réalisera la parole de l’Écriture : La mort a été engloutie dans la victoire. »
Voilà tout le sens de nos rameaux : à travers des branchages périssables, nous confessons notre foi en Celui qui est l’Arbre de vie, éternellement verdoyant !
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Alors, ces trois grandes inquiétudes du cœur humain, qui peuvent conduire à choisir le mal (déception, instinct de survie et avantages personnels) les voilà tirées de terre pour devenir : espérance, vie éternelle et communion avec les autres.
Pour cela, à nous d’accepter d’entrer dans le mystère qui fait choisir l’impérissable, plutôt que nous épuiser à vouloir seulement entretenir ce qui est périssable. Ne mettons pas notre cœur dans ce que nous n’emporterons pas au Ciel !
Au lieu des déceptions du monde, choisissons l’espérance plus forte que tout. Au lieu de l’instinct de survie, sachons découvrir en nous l’instinct spirituel de vie éternelle. Au lieu de la recherche d’avantages personnels, vivons la communion avec Dieu et entre nous.
Ainsi, au terme de cette grande semaine qui va nous transformer, nous pourrons renouveler les promesses de notre baptême en reconnaissant que nous sommes déjà des ressuscités ! Amen.