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dimanche 29 avril - 5ème dimanche de Pâques
Porter du fruit !
Par le père Ludovic Frère, recteurLes grands vignobles qui font la fierté de notre pays nous rendent sans doute bien sensibles à l’image que Jésus propose aujourd’hui ! Hommage soit donc rendu à toutes ces régions qui produisent des vins excellents, à consommer avec modération. Mention spéciale aux vins de Bordeaux dont nos amis pèlerins du Bazadais sont parmi nous de fervents ambassadeurs !
Que cette légitime fierté nationale ne nous dispense cependant pas d’aller plus en profondeur dans la révélation biblique ! La vigne y est un symbole privilégié des prévenances du Seigneur à l’égard de son peuple. Et aujourd’hui, Jésus s’inscrit dans cette tradition pour nous offrir un splendide enseignement, à lire certainement à partir de sa conclusion : « Ce qui fait la gloire de mon Père, c’est que vous portiez beaucoup de fruit ». Voilà notre vocation commune : porter du fruit pour que Dieu soit glorifié, c’est-à-dire pour que sa puissance, sa grandeur, sa beauté soient davantage reconnues de tous et célébrées par tous… mais aussi une grandeur qui passe par le service des plus petits. Car, comme le disait saint Irénée de Lyon, « la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, l’homme debout ».
Ainsi, par l’image de la vigne et des sarments, c’est la vérité de notre vie dans le Christ qui est interrogée, avec 3 comportements possibles, nous dit Jésus :
1 - le sarment « qui ne demeure pas en moi » ;
2 - « le sarment qui est en moi mais qui ne porte pas de fruit »
3 - et le « sarment qui porte du fruit » mais que le Père émonde pour qu’il en donne davantage.
Spontanément, en entendant cette triple distinction, quel sarment pensez-vous être ? Quel sarment voulez-vous être ? Et quel sarment ne souhaitez-vous certainement pas devenir ? Je vous propose de regarder chacune de ces trois sortes de sarments pour entendre ce que le Seigneur attend de vous aujourd’hui.
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1. Premier sarment : « Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est comme le sarment jeté dehors et il se dessèche ». Séparé de Jésus par choix, ce sarment ne reçoit pas la sève qui donne la vie et qui permet la croissance. Nous voilà donc prévenus : en dehors de l’amour du Christ, une vie se dessèche… et on le sent, n’est-ce pas ? Quand on s’éloigne de la présence de Jésus, on perd la paix et on perd pieds. On perd le goût de se donner, le goût des choses simples et vraies.
On ne devrait donc jamais pouvoir supporter d’être séparé de la puissance de vie qui vient du Christ. Jamais on ne devrait accepter non plus que d’autres se coupent ainsi de la source de vie, peut-être même jusqu’à faire comme Benoîte, selon ce que nous disent les Manuscrits du Laus : « Son zèle est si grand pour le salut de son prochain qu’elle voudrait […] être retranchée de l’Église et séparée de Jésus afin que ses frères y soient unis[1]. » Voyez jusqu’où va l’amour de notre bergère ! Bien évidemment, le Seigneur ne la prendra pas au mot, mais il se servira de son zèle pour renverser les cœurs pendant ses 54 années de mission et les renverser aujourd’hui encore par son intercession. Alors, peut-être est-ce pour vous aujourd’hui que Benoîte est encore prête à tout donner, afin que vous preniez conscience que vous êtes trop éloigné du Christ.
Voilà pour le premier sarment : celui qui ne demeure pas uni à la vie de Jésus se dessèche ; mais une nouvelle greffe est toujours possible sur terre, toujours ! Car le Seigneur ne peut se résoudre à nous laisser nous dessécher.
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2. Il ne peut non plus se résoudre à ce que nos vies soient stériles. Et voilà le deuxième sarment : « tout sarment qui est en moi, mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l’enlève ». Être baptisé et pratiquant ne suffit donc pas ! Il ne s’agit pas seulement de rester lié à Jésus par la prière ou par la proclamation de la foi. Il faut encore accepter de porter du fruit.
Par l’image de la vigne et des sarments, le Christ nous fait alors comprendre qu’une sève coule en nous, sève qui vient de Lui. Cette sève, c’est son sang versé pour nous sauver. Cette sève coule dans nos veines ! Oui, la vie du Christ coule en nous, mais qu’en faisons-nous ? Saint Jean l’a clairement dit dans la deuxième lecture : « N’aimons pas en paroles ni par des discours, mais par des actes et en vérité » ;
Si notre proclamation de foi ne porte pas de fruits, elle est inutile ! Inutile au sens où Jésus le dit ailleurs en reprenant une citation d’Isaïe : « Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. Il est inutile, le culte qu’ils me rendent » (Mc 7,6-7). Inutile donc, le culte des sarments qui sont fixés au cep mais qui ne laissent pas la sève les rejoindre et les vivifier !
Peut-être vous sentez-vous actuellement de ces sarments-là : vous percevez alors que c’est davantage votre propre sang que le sang du Christ qui coule dans vos veines. Mais une transfusion est toujours possible : laissez le sang sauveur vous donner sa vie pour produire un fruit nouveau et délicieux ! voilà pour le deuxième sarment ; il peut encore ressusciter !
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3. Le troisième sarment, Jésus le présente ainsi : « tout sarment qui porte du fruit, (mon Père) le purifie en le taillant. » On sait bien que, si la vigne n’est pas taillée, sa sève s’épuise dans du feuillage et des ramifications trop nombreuses. Les fruits sont alors trop peu matures pour faire du bon vin. Quel dommage ! Pour que la vigne porte du fruit, elle doit donc nécessairement être taillée. Une vigne préférant rester touffue et luxuriante ne produirait que des fruits rabougris et un vin plus proche de la piquette que du grand cru… Eh oui, il peut arriver aux disciples du Christ d’être parfois imbuvables !
La vigne doit donc faire confiance au vigneron, qui sait très bien où il faut tailler et quand il faut tailler. Le message est clair : pour que nos vies portent du fruit, il faut que Dieu le Père vienne les tailler. Etes-vous disposés à être ainsi taillés ? Pas évident, n’est-ce pas ? Tailler dans nos projets, dans notre portefeuille, tailler dans notre orgueil… voilà ce que vient faire le Père vigneron, parce qu’il nous aime trop pour nous laisser nous épuiser dans l’inutile et le futile. Alors, il taille dans nos mondanités et dans nos soucis de richesses matérielles pour que nous produisions des fruits véritables.
Mais quand le Seigneur nous taille ainsi, la tentation peut être grande de nous en plaindre. Car un regard trop peu spirituel fait souvent préférer la tranquillité à la fécondité. Et vous, honnêtement, que préférez-vous : la tranquillité ou la fécondité ?
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Ce dimanche qui nous prépare à entrer dans le mois de Marie est donc un temps favorable pour stimuler notre désir de porter du fruit. Avec d’abord un effort de lucidité : des trois profils de sarments présentés par le Christ, lequel pensez-vous être ? Le sarment sec, le sarment lié au Christ mais qui ne porte pas de fruit, ou le sarment qui porte du fruit mais qui doit encore se laisser tailler pour en porter davantage ? Quel sarment êtes-vous aujourd’hui ?
Une fois osé cet effort de lucidité, il devient possible de creuser le désir d’être de meilleurs sarments. Pour cela, nous sommes gâtés d’être au Laus. Car dans sa vigne, le Seigneur a voulu le plus beau de tous les sarments : la Vierge Marie. Le pape Benoît XVI parlait d’elle comme du « sarment parfait », en disant : « C’est d’elle qu’a germé le fruit béni de l’Amour divin : Jésus, notre Sauveur[2]. »
Alors, frères et sœurs pèlerins, à l’avant-veille de la grande fête de Notre-Dame du Laus, il nous faut bien l’entendre : pour laisser la sève du Christ couler en nous et nous vivifier, nous pouvons nous greffer au sarment parfait qu’est Marie ! C’est elle qui a donné à Jésus la sève, le sang par lequel il nous a sauvés ; c’est unis à elle que nous pouvons porter du fruit, une fruit excellent pour un vin de joie éternelle… à consommer sans modération ! Amen.
[1] Manuscrits du Laus, CA G. p. 351 XIII [397]
[2] Angélus du 21 septembre 2008