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Sunday 2 August - Dimanche 2 août 2015
Plus jamais faim, plus jamais soif
Par le père Ludovic FrèreNous ne devrions jamais oublier que les mêmes lectures sont proclamées chaque dimanche dans toutes les églises catholiques du monde. Au coeur des bidonvilles d’Amérique du Sud comme dans les quartiers chics de Paris, dans des pays en guerre et des nations en vacances, dans des communautés chrétiennes persécutées comme dans celles qui vivent en paix. Toutes entendent, chaque dimanche, les mêmes lectures de la Parole de Dieu.
En reprendre conscience peut faire grandir notre sens de la communion fraternelle, mais aussi nous interroger sur la juste interprétation de certains passages bibliques. Ainsi, je me demande alors comment nos frères et sœurs vivant dans l’indigence peuvent entendre aujourd’hui cette parole du Christ : « celui qui vient à moi n’aura plus jamais faim, celui qui croit en moi n’aura plus jamais soif ».
Quand on a, comme nous ici, de quoi rassasier nos faims et étancher nos soifs, ces mots ont-ils la même signification que dans les contrées du monde où manger et boire est le plus grand problème ?
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Une première lecture de cette promesse du Christ devrait alors nous placer devant notre responsabilité à l’égard des affamés. Jésus assure qu’en venant à Lui, on n’aura plus jamais faim ni soif. Or, la mission de l’Eglise – notre mission de baptisés – consiste à poursuivre l’œuvre du Christ en vivant de Lui. Nous formons tous ensemble le corps du Christ ; alors, si Jésus dit qu’en venant à Lui, on n’aura plus faim, c’est donc qu’en venant à nous, tous devraient trouver de quoi subvenir concrètement à leurs besoins les plus élémentaires.
En ce lieu où Benoîte a souvent donné aux pauvres, jusqu’à beaucoup se priver elle-même, il peut être opportun de décider un petit « plus » que nous pourrions tous donner au cours de ce mois nouveau, quitte à nous priver personnellement de quelque chose. De toute façon, il est clair que nous ne pouvons rester impassibles devant la réalité présente de ceux qui ont faim et soif. Juste un petit engagement au cours de ce mois, et la promesse du Christ pourra se réaliser davantage : « qui vient à moi n’aura plus jamais faim ».
Un appel à plus de générosité dans nos attentions aux besoins matériels et physiologiques des autres, mais aussi un appel à être davantage missionnaires. Car les besoins humains ne sont pas seulement ceux du corps. Notre monde est affamé et assoiffé de relations vraies, de paix dans les familles, de guérisons des corps, de vie sociale fraternelle et de libération du mal. En fait, même sans vouloir ou pouvoir le reconnaître, tous sont assoiffées de Dieu, de sa miséricorde, de sa tendresse et de son salut !
Or, de tout cela, seul le Christ peut rassasier vraiment. Annoncer l’évangile, c’est en un sens, une œuvre humanitaire, pour le bien de chacun et du monde entier. Nous ne pouvons donc pas renoncer à cette mission, aussi difficile soit-elle dans le contexte actuel ; c’est une question de non-assistance à personnes en danger, si nous restons là dans une foi bien individuelle alors que tant de monde crève par manque de sens, manque de vie, manque de Dieu. « Qui croit en moi n’aura plus jamais soif ! »
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Toutes ces faims, qui nous tiraillent parfois jusqu’à faire mal, le Christ nous révèle qu’il peut les rassasier ; qu’il est d’ailleurs le seul à pouvoir le faire totalement. De cela, nous avons à la fois un signe et une concrétisation dans le mystère eucharistique, où le Seigneur se donne en nourriture.
Au Laus, un jour de l’année 1700, Benoîte reçoit la communion d’un ange, aucun prêtre n’étant disponible pour pouvoir la lui donner. Après avoir communié, la bergère lui dit : « Bel ange, j’ai à cette heure tout ce qu’il me faut » (CA G. p. 198 XIII [244]). Ne pourrions-nous pas nous exclamer nous aussi, à chaque communion : « j’ai à cette heure tout ce qu’il me faut » ?
Je vous invite à le faire aujourd’hui, après avoir répondu un « amen » enthousiaste et profond lorsque le Christ se présentera à vous au moment de la communion ; vous dire ensuite, quand vous retournerez à votre place : « Seigneur, j’ai maintenant tout ce qu’il me faut ».
Tout ce qu’il me faut ! Et vivre ensuite la journée en gardant bien à l’esprit que nous avons reçu tout ce qu’il nous faut, donc qu’il ne nous faut rien d’autre… nous n’allons alors pas continuer à courir après des réalités non-comblantes. « Celui qui vient à moi n’aura plus jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura plus jamais soif ».
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Mais l’Eucharistie prépare aussi notre vie à venir ; en communiant au corps du Ressuscité, nous préparons tout notre être - et nous tous ensemble - à vivre avec Lui dans la béatitude éternelle. La promesse du Christ a donc aussi nécessairement une portée eschatologique : elle nous parle de notre destinée éternelle. Oui, nous sommes des exilés affamés sur cette terre et nous le resterons jusqu’à notre dernier souffle.
Mais le terme de notre existence n’est pas cette vie terrestre. « Je pars vous préparer une place », dit le Seigneur à ses disciples avant son Ascension : une place où nous serons totalement rassasiés. Il nous appelle alors aujourd’hui à travailler « non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle ».
En faisant le point sur l’année écoulée avant cette période estivale, pouvons-nous réellement reconnaître que nous avons travaillé pour de la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle plus que pour de la nourriture qui se perd ? Votre présence à l’écart, en ce sanctuaire marial, peut être l’occasion d’un effort de vérité pour voir où vous avez placé votre cœur, votre énergie, vos préoccupations au cours de cette année. Et laisser résonner en vous cette demande du Christ, qui n’est pas idéaliste puisqu’elle est prononcée par Celui qui est la vérité en personne : « travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle ».
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Frères et sœurs, en cette période estivale et en ce lieu de conversion, voici trois pistes à explorer encore par nous tous, quand nous entendons le Christ nous faire cette promesse : « celui qui vient à moi n’aura plus jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura plus jamais soif ».
Première piste : des actes concrets pour que nous continuions l’œuvre du Christ en rassasiant ceux qui ont faim et soif, tant de nourriture que de la présence de Dieu.
Deuxième piste : une participation renouvelée à l’Eucharistie, en vous disant lorsque vous communiez : « j’ai maintenant tout ce qu’il me faut ». Et même si vous êtes empêché de communier, posez le même acte de foi !
Troisième piste : discerner comment répondre davantage à l’appel du Christ afin de travailler pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle.
Ainsi pourrons-nous rester, tout au long de notre vie, des pauvres mendiants, comme les disciples qui le supplient : « Seigneur, donne-nous de ce pain-là, toujours ». Amen.