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dimanche 20 octobre - 29e dimanche du temps ordinaire C
"Osons !"
Par le père Ludovic Frère« Le fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » La conclusion de l’évangile de ce dimanche pose une grave question. Le Christ reconnaît qu’il est possible que la foi se perde totalement avant son retour en Gloire. Mais cette éventualité est bien sûr insupportable : notre terre a été foulée par le Verbe qui s’est fait chair ; elle a été abreuvée par le sang du Sauveur donnant tout sur la croix ! Serait-il donc acceptable que notre monde puisse un jour l’oublier ? Après le Christ, pourrait-on passer à autre chose, une autre ère, un changement de civilisation, qui relèguerait le christianisme au rang des grandes curiosités du passé, à côté des pyramides d’Egypte ou des temples mayas ?
Certains groupes d’influence, franc-maçonnerie en tête, souhaitent et encouragent ce passage à une autre civilisation que celle du Christ. Le forcing pour instituer le pseudo-mariage homosexuel en a été un navrant témoignage. Passer à autre chose, en finir avec la foi chrétienne et ses valeurs, même quand elles disent seulement la loi naturelle. Alors, oui, le Christ peut s’interroger lui-même : « Le fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »
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Frères et sœurs, allons-nous accepter de nous laisser ainsi momifier ? Resterons-nous toujours les bras ballants, entre fatalisme et paresse, quand on veut étouffer la parole de vérité du Christ ?... Eh bien, ce dimanche de la mission nous dit avec force que ce n’est pas possible.
Ecoutons ce qu’écrivait le saint Père dans son message pour cette journée mondiale des missions : dans notre monde, il est urgent « de porter avec courage, au sein de chaque réalité, l’Evangile du Christ, qui constitue une annonce d’espérance, de réconciliation, de communion ; une annonce de proximité de Dieu, de sa miséricorde, de son salut ; une annonce du fait que la puissance de l’amour de Dieu est capable de l’emporter sur les ténèbres du mal et de conduire sur le chemin du bien. L’homme de notre temps, conclue le pape François, a besoin d’une lumière sûre qui éclaire sa route et que seule la rencontre avec le Christ peut donner ».
On ne peut donc renoncer à évangéliser, sous prétexte que chacun peut faire le bien même sans connaître le Christ. Quand on pense d’ailleurs aux nombreux chrétiens dans le monde, qui risquent parfois chaque jour leur vie pour rester fidèles à leur foi et annoncer l’Evangile, ne serions-nous pas honteux de rester dans le confort de nos silences ? OSONS, frères et sœurs ! Osons !
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Osons, comme saint Paul y invite Timothée dans la deuxième lecture, quand il lui écrit : « proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, mais avec une grande patience et avec le souci d'instruire ». Une pédagogie délicate, un amour pour les autres, mais aussi un amour de la vérité. Osons, frères et sœurs !
Osons, comme la veuve de l’évangile, qui sait la justesse de sa démarche et qui reste alors jour et nuit devant la porte du juge inique. Sa persévérance finit par payer ; la nôtre ne peut que payer aussi, pour que la Bonne Nouvelle soit entendue partout, dans tous les contextes de la vie, dans toutes les graves questions de société. Osons la persévérance, comme ces « veilleurs », qui refusent de renoncer à maintenir en alerter des consciences que le vote d’une loi pourrait avoir endormies.
Osons, comme Benoîte Rencurel, qui nous offre en ce lieu le beau témoignage d’une missionnaire courageuse. La servante du Laus a osé, elle n’a pas eu peur de dire les choses parce qu’elle ne les disait pas pour elle-même. La peur de dire vient souvent de la crainte du regard qui va être posé sur nous ; une peur égocentrique, en somme. Et nous voyons ici la servante du Laus qui ose humblement, même devant ceux qui l’impressionnent. Ainsi, les Manuscrits du Laus rapportent qu’en 1678, soit 14 ans après les premières apparitions, « Benoîte reçut l’ordre de la Mère de Dieu d’avertir Monseigneur l’Archevêque qui était au Laus, que s’il ne prenait pas plus de soin de ce saint lieu, ce serait son plus grand regret et sa plus grande condamnation. Ce qu’elle fit. Il s’en étonna beaucoup et ne lui dit pas un mot »[1].
Oser pour la vérité, quoi qu’il en coûte. Benoîte a su le faire ; plus exactement, la Vierge Marie l’a accompagnée pour faire grandir en elle le courage d’oser. Car les Manuscrits du Laus ne manquent pas de noter aussi les réticences de Benoîte à dire les choses. Par exemple, un jour son ange lui dit « d’avertir un prêtre de son commerce avec une fille, du temps du nombre de ses péchés, et de toutes leurs mauvaises actions criminelles. Mais Benoîte n’ose pas le faire, par crainte ou par timidité »[2]. Nous sommes sept ans après l’annonce courageuse devant l’archevêque, ce qui prouve que rien n’est jamais totalement acquis dans le courage à dire les choses ; Benoîte a parfois osé, parfois hésité, parfois renoncé… comme nous, sans doute.
Mais le Seigneur, Lui, ne renonce pas ; par l’intermédiaire de Marie et des anges, il ne cessera d’encourager Benoîte, voire de la réprimander ou de lui rappeler qu’il n’y a pas à tergiverser avec la vérité. Ainsi, dans ce même épisode du prêtre à la vie dissolue, il nous est dit que, puisque Benoîte n’osait pas parler à ce prêtre, « la veille de Noël, la Mère de Dieu apparaît à Benoîte et lui ordonne de le faire, pour éviter le scandale de ce prêtre avec cette fille, sur lequel plusieurs personnes murmuraient déjà ». Et on nous dit alors que, sur ces paroles de Marie, cette fois-ci « Benoîte avertit ce prêtre, qui avoue tout, la remercie très humblement de ses avis salutaires, promet de ne plus y retourner, d’amender sa vie et de faire pénitence de tous ses péchés »[3].
Frères et sœurs, pourquoi ne pas demander à la Vierge Marie ce même courage que Benoîte ? Nous ne recevons sans doute pas d’ordre directement par une voie céleste ou une apparition, mais nous avons la Parole de Dieu, nous avons l’Eglise, nous avons notre conscience, qui nous disent clairement que nous ne pouvons pas taire l’Evangile. Nous devons dire la Bonne Nouvelle, comme saint Paul le demande à Timothée : « à temps et à contre temps, […] fais des reproches, encourage, mais avec une grande patience et avec le souci d'instruire ».
Combien de fois, au cours de la semaine qui s’achève, avons-nous osé dire les choses en vérité, soit pour encourager, soit pour aider à se convertir ? Et sommes-nous disposés, en cette semaine qui commence, à avoir ce courage ? En famille, dans la vie de couple ou l’activité professionnelle : oser dire les choses avec patience, douceur et souci d’instruire ; car la patience, la douceur et le désir de faire grandir l’autre révèlent la vérité de notre intention : non pas nous défouler, mais conduire davantage les autres jusqu’au Christ, qui est la Vérité.
Alors, osons, frères et sœurs ! Osons être missionnaires du Christ dans une demande de pardon. Osons aussi renoncer à un avantage égoïste, à une querelle stérile, à un projet qui n’est sans doute pas de Dieu. Osons ne pas chercher toujours l’emporter, osons écouter sans toujours vouloir nous justifier. Osons donner aussi : du temps, de l’argent, de la prière, de l’attention et de la joie. Osons comme saint Paul, comme la veuve, comme Benoîte.
Osons intervenir plutôt que baisser les bras par fatalisme, sans pourtant croire être obligé de s’occuper de tout. Vouloir être présent partout empêche de prendre sa part concrète dans l’amélioration des choses. Osons donc, en discernant bien ce sur quoi nous sommes appelés à agir, sans vouloir que le monde entier nous suive dans cette action et sans prétendre non plus pouvoir tout changer tout seul. Humblement, donc : osons !
Si rien n’est fait par les chrétiens dans les lieux et sur les questions où il se passe quelque chose dans le monde, l’Eglise ne sert plus à grand-chose et nous ne sommes plus missionnaires du Christ. Souvent, quand les folies des peuples se déchaînent, quand la pensée humaine se fourvoie, la parole chrétienne n’ose plus s’exprimer, elle paraît dérisoire de faiblesse. Mais si cette parole est de feu, comme nous le croyons vraiment, elle peut embraser le monde qui n’est souvent que paille. Alors, osons, frères et sœurs !
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« Le fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »
Cette question n’est pas laissée à l’incertitude de l’avenir. Elle est déposée dans nos consciences et dans nos cœurs, pour que nous osions prendre notre part dans l’annonce de l’Evangile. Missionnaires du Christ, parce qu’il est le sens de tout, le fondement de tout, la raison d’être de tout ce que vous vivons et de tout ce que nous sommes !
Alors, que cette journée missionnaire mondiale nous unisse à tous ceux qui annoncent l’Evangile à travers le monde ; mais qu’elle nous pousse aussi à trouver au moins une occasion, au cours de cette semaine, de témoigner concrètement du Christ et de lui permettre ainsi de gagner toujours plus profondément toutes les réalités de notre terre et de nos vies. Il y a un bonheur à oser témoigner, un enthousiasme à être missionnaires du Christ, un peu de folie aussi, certainement ; mais c’est la folie de l’Evangile, celle qu’il faut oser laisser nous guider ! Amen.
[1] CA G. p. 101 XIII [147] – année 1678
[2] CA G. p. 134 VI [180] – année 1685
[3] CA G. p. 134 VI [180] – année 1685