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Sunday 11 December - 3ème dimanche de l'Avent - Gaudete
"Offrir la joie"
Par le Père Ludovic Frère, recteur du sanctuaireNous aimons tous éprouver ce sentiment profond qu’est la joie. Quand elle nous envahit, les soucis s’atténuent et nous sommes capables d’une prise de distance, paisible et salutaire, qui nous unifie et nous fortifie.
Qu’il nous est agréable d’éprouver ces moments de joie ! Des instants de lumière, de douceur, d’allégresse, qui se présentent à nous comme des occasions à saisir.
Et pourtant, dans la deuxième lecture, saint Paul ne présente pas seulement la joie comme une émotion, mais aussi comme une décision : « soyez toujours dans la joie » (1 Th 5,16). C’est un impératif : « soyez dans la joie » ; et un impératif permanent : « soyez toujours dans la joie ».
C’est donc que la joie chrétienne se joue à un autre niveau que la seule émotion procurant un bien-être intérieur. Pour nous le faire comprendre, saint Paul poursuit ainsi : « priez sans relâche ». « Soyez toujours dans la joie » et « priez sans relâche » : il y a donc un lien entre ces deux activités, qui doivent être en nous, chrétiens, permanentes : la joie et la prière.
Dans toute la révélation biblique, la joie reste inaccessible, ou du moins insatisfaisante, en dehors de Dieu. « Devant ta face, Seigneur, débordement de joie », reconnaît le psalmiste. On comprend alors que le chemin qui mène à Noël soit pour nous un chemin d’entrée plus en profondeur dans la joie et que, dans la nuit de la Nativité, les créatures du monde visible et invisible s’unissent pour chanter : « gloire à Dieu, paix aux hommes, joie du Ciel sur la terre ! »
Car, dans l’Incarnation du Fils éternel, la joie n’est plus seulement de se retrouver « devant » la face du Seigneur. Nous entendons aujourd’hui Jean-Baptiste annoncer : « au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ». Il est « au milieu de nous », le Seigneur, le Sauveur ! Plus seulement face à nous, mais au milieu de nous, car, dira le Christ : « je ne suis pas venu pour juger le monde, mais pour le sauver » (Jean 12,47).
Voilà le motif de notre plus grande joie, la raison qui oriente et rend plus solides toutes les autres joies de la terre : nous avons un Sauveur ! Il est « au milieu de nous », il s’est fait l’un de nous, pour tout sauver en nous.
Cette joie est une pure grâce, mais elle est aussi à choisir. Oui, nous pouvons choisir la joie ou la refuser ! Car, plutôt qu’un sentiment fugace de bien-être, le Seigneur nous propose une joie qui dure : la joie de Lui appartenir totalement. Tant que nous ne sommes pas entièrement au Christ, nous courrons après des joies qui n’en donnent pas vraiment, ou en tous cas, pas suffisamment pour assouvir nos cœurs qui attendent bien davantage.
Tant que nous vivons loin du Seigneur, nous pouvons éprouver des satisfactions dans quelque plaisir ou divertissement. Nous pouvons goûter des joies sincères et profondes, dans une relation amoureuse ou amicale. Mais il restera toujours une insatisfaction, un besoin plus grand ; c’est le besoin de vivre en Dieu.
L’expérience du peuple hébreu est là pour nous le rappeler : exilé en terre de Babylone, il n’a plus le cœur à la joie. Et le psaume 136 reconnaît ce que Boney M a mis ensuite en chanson : « sur les bords des fleuves de Babylone, nous étions assis et nous pleurions… C'est là que nos vainqueurs nous demandèrent des chansons, et nos bourreaux, des airs joyeux…Mais comment chanterions-nous un chant du Seigneur sur une terre étrangère ? » Impossible de forcer la joie ; elle n’est pas accessible tant que nous sommes en exil : « comment chanterions-nous un chant du Seigneur sur une terre étrangère ? »
Alors, ne restons pas en terre étrangère à ce que Dieu veut pour nous ! Il nous faut revenir entièrement à Lui si nous voulons goûter en profondeur cette joie plus forte que tout, dont le Christ promet : « votre joie, nul ne pourra vous la ravir » (Jean 16,22). En exil, loin de la terre promise - c’est-à-dire en restant esclaves, sur la terre étrangère de nos péchés, loin du Seigneur - nous ne pouvons pas goûter en profondeur cette joie.
Mais, si nous revenons, alors la joie nous envahit, comme le chante un autre psaume, au retour de Babylone : « Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion, nous étions comme en rêve ! Alors notre bouche était pleine de rires, nous poussions des cris de joie ; alors on disait parmi les nations : ‘Quelles merveilles fait pour eux le Seigneur !’ » (Ps 127).
« On disait parmi les nations : ‘Quelles merveilles fait pour eux le Seigneur !’ » Nous ne pourrons pas donner envie du Christ si nous n’avons pas en nous cette joie, qui fera dire aux nations : « quelles merveilles fait pour eux le Seigneur ! »
A tous ceux parmi nous qui ne savent pas comment témoigner du Christ et qui se désolent, par exemple, de voir leurs enfants ou petits-enfants se détourner de la foi, pourquoi ne pas proposer ce témoignage là : celui de la joie ?
Une joie qui dérangera certains, mais qui pourra rejoindre ce que tous portent au fond du cœur : un désir profond de joie, et une insatisfaction de ne pas trouver sur terre de moyens suffisants pour assouvir un désir si fort.
Nous, par pure grâce, nous connaissons la joie ; nous allons la voir naître dans une étable, d’ici quinze jours. Nous allons communier à sa présence, d’ici quelques minutes. Nous venons d’entendre sa Parole, voici quelques instants. La vraie joie est là, elle s’offre à nous !
Et pourtant, nos vies restent marquées par un manque, car la joie, que nous éprouvons parfois subrepticement, peut vite s’en aller, pour laisser place aux soucis, voire au désespoir. C’est justement pour cela que la joie est offerte à notre méditation en ce temps de l’Avent, où nous reprenons conscience de notre situation présente : le salut déjà là et l’attente de son accomplissement ; le Christ déjà venu, présent sans cesse, mais encore à venir.
En nous replaçant clairement devant la réalité des temps où nous sommes, l’Avent nous permet d’accueillir la vraie joie, en lien avec la patience pour attendre son accomplissement parfait, dans l’éternité. C’est ainsi que saint Paul, aux Romains, redit ces mêmes paroles qu’aujourd’hui : « soyez dans la joie », mais il précise : « soyez joyeux dans l’espérance et patients dans la détresse » (Rm 12,14).
Dans toutes nos détresses, c’est-à-dire dans tous nos manques pour être heureux, nous sommes appelés à laisser resplendir la lumière de l’espérance, comme aujourd’hui cette lumière éclaire le violet de l’Avent pour qu’il passe au rose. Dans tout ce qui nous manque - que ce soit un proche parti au loin, des enfants qui ne vous parlent plus, un être cher qui est décédé - le Seigneur nous appelle, de tout cœur, à être patients et joyeux dans l’espérance.
C’est notre marque, à nous les chrétiens : nous sommes joyeux, même dans le manque et dans l’absence, car nous savons la victoire de la Vie ! Nous avons en nous la joie d’une issue toujours offerte, d’une lumière vers laquelle nous avançons assurément. Et le Pape Paul VI - le seul Pontife de toute l’histoire de l’Eglise à avoir rédigé une encyclique sur la joie - osait écrire : « la souffrance et la joie ne sont plus (dans le Christ) des ennemis irréductibles ». Ce n’est bien sûr pas une apologie de la souffrance, ni même un appel à la résignation, mais bien plutôt un encouragement à la joie, car la lumière est proche et sa victoire est assurée !
Alors, vous tous pèlerins, qui êtes venus célébrer le dimanche de la joie en ce sanctuaire, laissez-vous conduire par l’Esprit pour que la joie vous habite vraiment. Laissez-vous faire, comme Benoîte Rencurel s’est laissée guidée sur les chemins d’une joie inimaginable pour elle.
Dès la première apparition, il est dit dans les manuscrits, au sujet de Benoîte, que « la vision de la Belle Dame et du petit enfant qu’elle tenait par la main lui fit glisser dans le cœur tant de douceurs et de joie qu’elle n’en pouvait plus perdre l’idée ». Que notre joie soit donc comme celle de Benoîte, le fruit de notre douce rencontre avec le Ciel, au point de plus en perdre l’idée.
Préparons-nous donc soigneusement à la joie de Noël, pour partager l’exultation des anges, la réjouissance des bergers et l’enthousiasme des mages. Comme Jean-Baptiste appelé à rendre témoignage à la lumière, rendons témoignage à la joie, au cours des fêtes qui approchent. Sans doute pouvons-nous, comme chrétiens, offrir moins de cadeau, mais partager davantage de joie.
Et pourquoi ne pas faire déjà de cette nouvelle semaine une semaine de la joie ? Pourquoi ne pas nous engager les uns les autres, avec l’aide de la Vierge du Laus et de Benoîte, à offrir davantage de joie au cours de la cette semaine ? Par exemple, nous décider à réjouir une personne par jour, et une différente chaque jour : ainsi, dans une semaine, ce sont sept vies que nous aurons pu éclairer de la joie qui ne vient pas de nous.
Offrons de la joie ! Une joie qui peut se décliner en humour sympathique, en sourire qui prend l’autre en considération, en enthousiasme qui se communique aisément, ou en amour de la vie qui se partage sans jamais se dissoudre.
Seigneur, rends-nous la joie d’être sauvés !
Fais-nous partager la joie de ta présence !
Donne-nous de témoigner de la joie paisible de ton retour !
Maranatha, viens Seigneur Jésus !