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Sunday 23 December - 4e dimanche de l'Avent
Nouvelle arche d’Alliance
Par le Père Ludovic Frère, recteur du sanctuaire
Cet Evangile de la visitation, c’est d’abord l’histoire d’une mise en marche, qui va permettre à des proches de se retrouver ; de même qu’en ce week-end de début des vacances de Noël, ils sont nombreux à s’être mis en route pour rejoindre familles et amis. Ceux parmi vous qui ont fait de tels voyages, qu’ils soient particulièrement les bienvenus dans notre belle région !
L’Evangile de la visitation nous est aussi offert aujourd’hui comme la porte d’entrée dans la 4e semaine de l’Avent, qui n’a en fait de semaine que le nom, puisque de même que Marie « se mit en route rapidement » (Luc 1, 39) vers sa cousine Elisabeth, nous sommes appelés à vivre « rapidement » cette dernière semaine de l’Avent qui dure seulement 48 heures. Comme si, cette année particulièrement, il s’agissait pour nous de réveiller une forme d’empressement à aller à la rencontre de celui qui vient. A l’image de l’empressement dont nous serons témoins demain soir, quand les bergers se hâteront (cf. Luc 2, 16) d’aller jusqu’à la crèche.
Alors hâtons-nous ! Sans nous éparpiller ces prochaines heures dans mille préoccupations des fêtes, hâtons-nous d’entrer dans la profondeur du mystère qui nous sera donné à contempler. Nous avons pour cela, aujourd’hui, deux grands modèles de préparation : Elisabeth et la Vierge Marie. Une femme âgée et une jeune fille ; une stérile et une vierge. Mais deux cœurs ouverts pour accueillir l’impossible, qui n’est jamais tel pour Dieu.
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Elisabeth, d’abord, symbolise l’attente. Femme stérile, elle avait dû, pendant bien longtemps, espérer pourvoir donner la vie. Avançant en âge, elle voyait s’éloigner, au fur et à mesure, ses espoirs d’enfanter ; et elle s’était certainement résignée à ne pas pouvoir donner la vie.
Mais cette résignation n’était pas devenue, en elle, amertume. Elle aurait pu en vouloir à Dieu, et donc se fermer à toute relation avec son Seigneur. Mais, au lieu de se remplir de regrets et de reproches, elle a laissé en elle ce vide : une forme de disponibilité qui lui a permis, en rencontrant sa cousine Marie, d’être « remplie de l’Esprit-Saint » (Luc 1, 41), comme le précise aujourd’hui saint Luc.
Elisabeth a pu être remplie de l’Esprit-Saint parce qu’elle n’avait pas comblé son manque par elle-même. A la veille de l’entrée dans les festivités de Noël, gardons donc bien le visage d’Elisabeth présent à notre esprit. Noël est souvent devenue une fête de remplissage. Et s’il est évidemment fort beau que nous puissions être comblés des réjouissances de retrouvailles familiales, d’émerveillements des enfants et de saveurs de la table, nous, chrétiens, nous ne pouvons pas vivre cette fête comme ceux qui nous l’ont volée pour en faire la plus grande soirée-bouffe de l’année.
Alors, dès aujourd’hui, laissons de la place au Christ ; de la place pour que l’Esprit-Saint puisse remplir tous nos manques et nous faire exulter, comme Elisabeth, d’une joie profonde : « Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? » (Luc 1, 43) En accueillant la mère, elle rend grâce pour le fils. Nous aussi, au cours de ces fêtes, sachons nous exclamer : "comment ai-je ce bonheur que le Seigneur vienne jusqu’à moi ? Je n’en suis évidemment pas digne, et souvent je m’éloigne de ce que Dieu attend de moi". Mais c’est lui qui vient, porté par Marie.
Et la Vierge accourt « rapidement » (Luc 1, 39), dit saint Luc. Elle prend la route, même s’il faut grimper sur des montagnes pour nous rejoindre et nous présenter son fils. « Comment ai-je ce bonheur ? » (Luc 1, 43) De toutes les réjouissances de ces jours de fêtes, si celle-ci n’est pas la plus grande, les autres resteront bien pâles.
Et voilà qu’à cette rencontre, « Elisabeth fut remplie de l’Esprit-Saint » (Luc 1, 41) : non pas seulement un peu touchée, frôlée, saupoudrée d’Esprit-Saint, mais « remplie ». Quand le Seigneur vient habiter nos profondeurs, c’est pour remplir.
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Mais pour qu’il y ait quelque chose à remplir, nous devons d’abord laisser de la place : évacuer tout ce qui nous envahit si facilement, à commencer par notre ego et tous nos péchés. Ces quelques heures qui nous restent avant de célébrer Noël sont des instants pour nous préparer et nous convertir à celui qui vient. Des heures pour évacuer tout ce qui empêcherait le Christ d’avoir la première place.
Ne soyons pas, en nous-mêmes, comme ce village de Bethléem, où il n’y avait plus d’endroit pour accueillir le Sauveur du monde. Rendons-nous disponibles, faisons de la place, poussons les meubles, chassons les péchés pour que le Messie puisse vraiment venir en nous et qu’il remplisse tout !
Le sacrement de la réconciliation se présente à nous comme le moyen privilégié, indispensable même, de cette mise à disposition de tout notre être au Seigneur qui vient. Ne boudez pas ce sacrement aux portes de Noël, ne le fuyez pas comme on le ferait d’une exigence qui s’impose à nous mais qu’on refuse de voir. Laissez l’Esprit-Saint tout investir en vous, comme cet hôte indispensable pour préparer la venue du Christ, qui vient tout remplir !
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Pour cela, beaucoup d’entre vous ont fait un choix important, dont il n’est pas évident de mesurer pour l’instant combien il peut transfigurer votre manière de vivre Noël. Vous avez choisi de célébrer ces fêtes dans un sanctuaire marial, afin qu’à l’exemple d’Elisabeth, en saluant la mère vous accueilliez le fils.
Au sanctuaire du Laus, vous pouvez ainsi redécouvrir combien Marie est la nouvelle Arche d’Alliance. Cette Arche accompagnait le peuple hébreu au désert et renfermait les tables de la loi, que Moïse avait reçues au Sinaï. L’Arche était donc la présence de Dieu parmi son peuple, présence symbolique d’un Dieu gravant le témoignage de son alliance sur la pierre. Marie est donc bien la nouvelle Arche, qui porte en elle la parole divine, non plus gravée dans la pierre, mais devenue chair dans ce nouveau-né qui est en gestation en son corps maternel.
Dans le deuxième livre de Samuel, l’arche de l’Alliance était présentée en mouvement, portée par le peuple pour monter jusqu’à la ville, où elle était alors accueillie avec des cris de joie. Comme Marie, qui monte vers Elisabeth et qui est reçue au chant de ces paroles qui deviendront le cœur de l’Ave Maria : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni » (Luc 1, 42).
D’ailleurs, le verbe utilisé pour exprimer la réaction d’Elisabeth qui « cria d’une voix forte » (Luc 1, 42) ne se retrouve, dans la traduction grecque de la Bible (la Septante), que cinq fois, et c’est toujours pour décrire l’exclamation du peuple devant l’Arche d’alliance, comme un émerveillement d’y reconnaître la présence de Dieu. Clairement, Elisabeth voit en Marie la nouvelle Arche, qui porte Dieu.
Et la voilà qui s’exclame : « Comment ai-je bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? » (Luc 1, 43). Accueillir un tel bonheur nécessite certainement plus qu’une attention distraite pour nous, en ces derniers jours de l’Avent. Quelques heures seulement nous séparent de la nouvelle qui va bouleverser le monde ; quelques heures pour creuser en nous une vraie disponibilité et un véritable enthousiasme, une sortie de nous-mêmes et de nos raisonnements souvent trop terrestres.
Un dépassement par le haut, à l’instar de celui qu’exprimait saint Pierre Chrysologue, devant l’apparente impossibilité que le Dieu infini entre dans la finitude par sa naissance dans la chair. Se rappelant que Dieu est amour, Pierre Chrysologue disait : « l’amour ignore la mesure ; l’amour ne se laisse pas arrêter par l’impossibilité ; il n’admet pas que la difficulté soit une solution ».
Alors, frères et sœurs, l’amour de Dieu pour nous est tel qu’il balaye l’inconcevable pour le réaliser ; et nous allons célébrer l’Emmanuel, « Dieu-avec-nous », Dieu qui prend chair et devient l’un de nous. Il n’est plus lointain, étranger, absent ou occupé à d’autres choses. Il est là, tellement présent qu’il doit se cacher en devenant petit ; tellement amoureux qu’il devient celui qu’il aime. « Comment ai-je ce bonheur ? » Amen.