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Sunday 8 January - Homélie de la solennité de l'Epiphanie
"Nous sommes comme les mages"
Par le Père Ludovic Frère, recteur du sanctuaire
Hérode tremble et tue ; les mages cherchent et se prosternent.
Si la venue du Messie nous fait craindre de perdre quelque chose, nous risquons bien de faire comme Hérode : nous cramponner à ce que nous possédons, et refuser d’accueillir la vérité.
Si la venue du Messie nous met en marche et nous fait quitter nos habitudes sans rien craindre, nous serons comme les mages, à la recherche de l’endroit exact où nous pourrons adorer le vrai Dieu.
La venue dans la chair du Roi de l’univers nous place donc devant ces deux réponses possibles : celle d’Hérode ou celle des mages. Une réponse qui refuse ou une réponse qui adore.
* * *
En un sens, on peut dire qu’Hérode a la foi, car s’il ne craignait pas le pouvoir de l’enfant de Bethléem, il ne se serait pas inquiété de sa naissance. Il a donc une forme de foi, mais une foi qui vit dans la peur : celle de perdre quelque chose avec le Christ.
Pour nous, il est peut être profitable, au seuil de cette année nouvelle, de nous demander si notre vie spirituelle ne s’habille pas parfois de telles peurs. On craint la confession, la conversion, le temps perdu dans la prière, car on a peur de ce que l’on doit abandonner de nous-mêmes pour être au Christ.
Cette peur d’abandonner va conduire Hérode dans une spirale de mensonges, de dissimulations et de violences. Tout cela, au nom de « son dieu », c’est-à-dire lui-même, pour conserver son ridicule piédestal. Un évêque du 5e siècle, au nom quasi-imprononçable, saint Quodvultdeus, interroge le roi de Jérusalem : « pourquoi as-tu peur, Hérode, en apprenant la naissance du Roi ? Il ne vient pas pour te détrôner, mais pour triompher du diable ». Et le saint évêque de conclure que si Hérode avait cru en Jésus-Christ, « il aurait été ici-bas en sécurité, et dans la vraie vie, il aurait régné sans fin ».
Mais Hérode le Grand préfère sa petite vie à la vraie Vie. Alors, pour conserver ce qu’il possède, il est prêt à toutes les horreurs, devenant ainsi le prototype de l’égoïste et de l’égocentrique, disposé à détourner la vérité à son compte et à devenir la référence de tout, quitte à tuer pour cela.
Tout bien considéré, il n’est peut-être pas si certain que nous n’ayons pas en nous - toutes proportions gardées, bien sûr - quelque chose d’Hérode, qui a peur de perdre ce qu’il possède, qui préfère se cramponner à la vie présente plutôt que de s’ouvrir à la Vie éternelle, et qui craint que le Christ vienne retirer quelque chose à son bonheur.
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Les mages, eux, prennent du temps pour venir de contrées lointaines et découvrir l’endroit où l’enfant-Roi les attend. Ils ont aussi leur forme de foi, qui a besoin de se laisser guider, d’abord par un signe du ciel, ensuite par la parole de Dieu rappelée à Jérusalem. Ils sont donc conduits par un astre et par la Parole, on pourrait dire : par la science et par la foi, comme deux jambes par lesquelles ils ont pu marcher jusqu’à Bethléem.
Une fois arrivés devant le nouveau-né, spontanément, ils se prosternent et offrent leurs présents. Ils se dépossèdent pour servir le Messie, alors qu’Hérode avait le souci de tout garder pour lui.
Comme les mages, déposons dans la crèche notre or, notre encens et notre myrrhe.
En offrant notre or, libérons-nous de ces attachements matériels qui nous emprisonnent et qui nous donnent l’illusion de pouvoir nous conduire au bonheur.
En abandonnant aux pieds du Sauveur notre encens, libérons-nous de toutes nos auto-glorifications, toutes ces occasion où nous nous encensons nous-mêmes par l’orgueil ou par la critique des autres.
En présentant au Roi Messie notre myrrhe - signe de l’embaumement des morts - lâchons-lui nos peurs de la mort, la nôtre et celle de ceux que nous aimons, car ces peurs nous empêchent de vivre dans la paix et d’accueillir la grande espérance déposée pour l’instant dans la crèche, bientôt exposée sur la croix, et qui sortira vainqueur du tombeau.
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Mais plus encore que leurs cadeaux, les mages ont certainement dû abandonner devant la mangeoire leur conception théorique de Dieu. Venant d’un Orient assurément somptueux, étant passés par le grandiose palais d’Hérode, quelle n’a du pas être leur surprise en découvrant la crèche ! Or, rien ne nous est dit de leurs hésitations : devant l’humilité de l’enfant-Roi, ils comprennent que la vérité est là.
De même, nous avons, par la foi, cette conviction d’évidence que Dieu se révèle totalement en Jésus-Christ, même s’il est peut-être difficile pour nos intelligences de le conceptualiser. Nous prosterner devant le Sauveur, c’est accepter de quitter l’idée théorique que l’on se faisait de Dieu, pour s’ouvrir à la manière dont Lui-même a voulu se révéler : la petitesse de la crèche et la faiblesse de la croix.
Ne fuyons donc ni la crèche, ni la croix ; soyons, comme les mages, convaincus que la vérité est là, même si nous peinons à la décrire conceptuellement. Ceux qui refusent le Christ ont souvent une idée bien arrêtée de qui est Dieu - ou de ce qu’il n’est pas, s’ils refusent de croire en Lui.
Mais les mages, des hommes savants, expérimentent déjà ce pour quoi le Christ rendra grâce à son Père : « ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits ». Le voyage des mages les a transformés : de sages et savants, ils ont commencé par accepter de se laisser guider, c’est-à-dire de ne pas décider du chemin par eux-mêmes.
Ensuite, en arrivant devant la crèche, ils se sont prosternés, ils se sont faits tout-petits et ils ont découvert le Sauveur : « Père, ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits ».
Méditant avec gravité le terme de notre existence terrestre, le Pape Benoît XVI disait : « au crépuscule de notre vie sur terre, au moment de notre mort, nous serons jugés en fonction de notre ressemblance ou non avec l’Enfant qui va naître dans la pauvre grotte de Bethleem, car c’est Lui le critère de mesure que Dieu a donné à l’humanité » (Angelus du 9 décembre 2007).
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C’est bien cette ressemblance que nous sommes venus chercher ce dimanche encore, car chaque Eucharistie nous fait ressembler davantage à Celui qui se donne en nourriture et qui s’est fait petit dans la crèche, petit dans l’hostie.
C’est cette ressemblance que nous sommes venus chercher, comme les mages en quête de l’enfant Roi. Chaque messe nous fait reprendre le chemin des mages venus d’Orient. Chaque messe est précédée pour nous d’une mise en marche, pour venir jusqu’au lieu de la rencontre avec le Sauveur. Les mages suivaient une étoile ; nous, nous avons pu suivre ce matin un désir – celui de participer à la messe – un besoin – Celui de nous nourrir du Ressuscité – ou une belle habitude – celle d’éclairer chaque dimanche par l’Eucharistie.
Puis, comme les mages ont été renseignés par la Parole de Dieu, nous avons écouté cette Parole, nous l’avons reçue pour qu’elle nous oriente vers le Christ.
Et nous voici maintenant aux portes de la crèche ; nous allons y entrer avec la liturgie eucharistique. L’offertoire va nous permettre de déposer, comme les mages, nos présents aux pieds du Sauveur ; prenons bien soin, aujourd’hui, de réfléchir à ce que nous allons offrir de nous-mêmes au cours de cet instant essentiel qu’est l’offertoire.
Ensuite, nous entrerons dans la crèche,
nous contemplerons le Sauveur du monde,
et nous allons l’adorer…
et nous nous laisserons toucher par son cœur qui bat pour nous.
Puis, comme les mages, nous repartirons… « par un autre chemin », car chaque Eucharistie nous transforme, que nous en ayons conscience ou non. Chaque messe nous fait repartir « par un autre chemin », celui de l’espérance, celui du courage à faire le bien, celui du désir d’une proximité plus grande avec le Seigneur.
Nous sommes comme les mages, en recherche.
Nous sommes comme les mages ; nous avons trouvé le Sauveur du monde.
Et « nous sommes venus l’adorer ». Amen.
Télécharger l'homélie du dimanche 8 janvier 2012 - Solennité de l'Epiphanie - Année B (document PDF)