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Sunday 15 November - 33ème dimanche du Temps Ordinaire
Ne nous laissons pas terroriser !
Par le père Ludovic FrèreChaque fin année, à l’approche du terme de notre cycle liturgique, nous entendons des récits apocalyptiques. On a beau savoir qu’il s’agit d’un genre littéraire particulier, avec ses codes et ses priorités ; il n’empêche qu’entendre parler de détresses et de signes inquiétants peut nous interroger : n’est-ce pas pour maintenant ?
L’interpellation du Christ : « cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive » a de quoi nous ébranler, même si la « grande détresse » qu’il annonce est suivie d’une révélation éblouissante : « vous verrez le fils de homme venir dans les nuées avec puissance et grande gloire ».
Face à un drame terrible comme celui de vendredi soir, on peut se demander s’il n’est pas l’un de ces signes que Jésus nous appelle à savoir bien discerner dans la vie du monde.
Évidemment, chaque époque a pu s’interroger de la sorte. Nous célébrions mercredi l’armistice de la 1e guerre mondiale ; il y a fort à croire que sur le front, dans les tranchées ou ailleurs, ces événements effroyables ont pu être compris comme des signes évidents de la fin des temps. Mais nous voyons dans quelle impasse nous nous trouvons à vouloir déterminer si, cette fois-ci, c’est « la bonne », si l’on peut dire ainsi.
Non, c’est assurément autre chose que le Christ nous appelle à savoir accueillir ; une autre réalité, avec le regard particulier que nous incite à poser sur nos vies la collusion bouleversante entre les événements de vendredi et les récits apocalyptiques de ce dimanche. Car dans les deux cas, il s’agit de ne pas nous laisser terroriser. Dans les deux cas, il s’agit de choisir un camp : les porteurs d’espérance ou les violents.
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Les porteurs d’espérance n’ont que deux armes, mais pas n’importe lesquelles. Elles sont celles du Christ, grand vainqueur du mal et de la mort. Elles paraissent dérisoires aux yeux du monde, mais ce sont elles qui sauvent le monde. Elles s’appellent : la prière et le courage pour tendre l’autre joue.
La prière, c’est notre plus grande force, mais nous y croyons peut-être tellement peu, qu’à chaque fois qu’elle révèle ça force, ça nous étonne encore, ou nous trouvons d’autres explications que son efficacité. La prière qui peut changer les cœurs ; voilà ce que le Christ a pratiqué très concrètement dans tout son ministère. Et sans doute n’aurait-il pas pu toucher les profondeurs de Zachée, de la Samaritaine ou de la femme adultère s’il n’avait auparavant passé de longues heures en prière.
Les apparitions du Laus attestent, à leur niveau de révélations privées, de cette puissance de la prière contre toutes les œuvres de mort. Une prière pour la paix, comme elle est demandée par un ange à Benoîte le 29 octobre 1690. Voilà ce que rapportent les manuscrits du Laus : « L’ange dit à Benoîte, dans l’église, de prier Dieu que la paix se fasse […]. Mais, parce que le peuple ne prie pas, ne recourt pas à Dieu et qu’on est toujours plus méchant, la guerre durera encore assez longtemps » (CA G. p. 155 XII [201] – année 1690).
Il est bien évident que ces prières ne visent pas à fléchir le cœur de Dieu pour qu’il consente enfin à faire cesser la guerre. La prière est plutôt une circulation d’amour, qui permet aux cœurs durs de se laisser toucher par la grâce de la réconciliation.
Nous devons croire à l’efficacité de la prière et nous devons prier avec plus d’ardeur pour la paix et contre toutes les formes de terrorisme qui assaillent notre monde. Sans doute n’y croyons-nous pas assez. Il faut alors une mobilisation générale de la prière, pour que toutes les pulsions de mort et de haine se trouvent enfin balayées par la puissance d’un amour jailli de nos cœurs. Croyons-nous que notre prière peut désarmer les terroristes ?
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Cette mobilisation générale doit aussi passer par une autre arme, employée par le Christ et laissée à ses disciples : la tendresse, la douceur. Rompre avec les logiques de violence, avec les comportements d’attaque qui précèdent toute chance de rencontre. Rompre avec nos tendances à regarder surtout ce qui ne va pas chez les autres, au lieu de nous intéresser à ce qui est bon en eux. Rompre avec les logiques de jalousie, de comparaison et cette diabolique tentation de vouloir exister en faisant triompher nos idées.
Dans la lutte contre toutes les formes de terrorisme, il nous faut identifier et refuser ce qu’il y a de violent en nous. Dans le cadre familial déjà, le Ciel nous appelle à ce comportement de tendresse. Voilà ce que dit encore un messager céleste à Benoîte, en la même année 1690 : « L’ange lui dit d’avertir un chef de famille de donner le bon exemple à ceux qui dépendent de lui, de les caresser et de les traiter doucement ; que, par cette voie, tout serait en paix et chacun ferait son salut » (CA G. p. 154 VII [200] – année 1690).
Cette douceur nous paraît peut-être une arme de pacotille à côté de ceux qui attaquent à la mitraillette ou à la grenade. Mais c’est la véritable force. Jésus nous l’a promis, il nous en a montré le chemin ; chemin déconcertant bien sûr, que celui de la victoire de la croix ! Mais c’est le seul chemin pour que notre monde puisse battre au rythme du cœur de Dieu. Et c’est très concrètement que nous pouvons nous associer à cette victoire, en refusant nettement toute pensée, tout acte, tout regard violent sur les autres.
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Alors, frères et sœurs, les révélations apocalyptiques qui nous sont présentées en ces jours qui nous ébranlent ne sont pas là pour nous effrayer et nous faire douter de l’amour de Dieu. Elles sont au contraire le grand remède à toutes les tentations de trouver par nous-mêmes des solutions fortes et violentes à tous les problèmes du monde.
Et si ce monde nous fait peur – il y a bien de quoi, même si céder à la peur, c’est donner raison à ceux qui la provoquent – si ce monde nous fait peur, regardons l’étoile, invoquons Marie, comme nous y encourage saint Bernard dans sa grande et belle prière si connue.
Pour saisir cette présence active de la Vierge Marie dans tout ce qui nous terrorise, permettez-moi un exemple tout simple, que j’ai puisé dans un regard amusé sur mes neveux ou d’autres enfants s’aventurant dans l’exploration d’une boîte de chocolats. On voit le regard de l’enfant se fixer sur un chocolat appétissant. Il s’en empare, mais au moment où il croque dedans, c’est la grimace : ça ne lui convient pas du tout ! Que fait alors l’enfant ? Bien souvent, j’ai constaté qu’il tendait généreusement le chocolat à sa mère, avec un gentil : « tiens maman, c’est pour toi ! » J’ai rarement vu alors une mère refuser le dégoûtant cadeau que lui faisait son enfant !
La Vierge Marie fait assurément la même chose avec tout ce qui peut nous terroriser : osons lui confier ce que nous n’aimons pas. Comme une mère, elle ne saurait le refuser et elle nous en débarrasse !
En ce lieu de paix et de calme qu’est le Laus, ne manquons pas de remettre tout ce qui nous fait peur dans les mains de celle qui reçut de l’ange cette parole formidable : « Ne crains pas, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu ! » Ne craignons pas, ne craignons rien : nous avons trouvé grâce auprès de notre Dieu ! Amen.