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Sunday 16 April - Solennité de la Résurrection du Seigneur Jésus – Saint Jour de Pâques – 16 avril 2017
Mort, où est ta victoire ?
Par père Ludovic Frère, recteur du sanctuaireSolennité de la Résurrection du Seigneur Jésus – Saint Jour de Pâques – 16 avril 2017
Homélie du père Ludovic Frère, recteur du sanctuaire
Mort, où est ta victoire ?
« Il est inutile d’y songer, dit Épicure. Tant que nous sommes là, elle n’est pas ; quand elle est là, nous ne sommes plus ». Une véritable énigme du père Fouras, n’est-ce pas ! « Tant que nous sommes là, elle n’est pas ; quand elle est là, nous ne sommes plus ». De quoi s’agit-il ? De la mort, bien sûr !
En fait, il s’agit d’une certaine conception de la mort, considérant que, dans la vie, il faut se contenter du présent, face à l’incertitude de « l’après ». Même : en doutant qu’il puisse y avoir un « après ». Saint Paul en tire cette conséquence : « Si les morts ne ressuscitent pas, mangeons et buvons, car demain nous mourrons » (1 Co 15,32). Point final.
Mais un tel regard sur la mort rejoint-il vraiment notre expérience réelle ? La mort est bien là, dans nos vies, avant de devenir notre mort. Elle vient faucher nos proches, assombrir le monde, couper net les amours les plus belles et les projets les plus généreux.
La mort fait partie de notre réalité humaine. Tous ceux qui cherchent à l’oublier ne peuvent pas vivre vraiment. S’ils mangent et s’ils boivent, c’est toujours avec un goût amer à la bouche !
* * *
Et vous, frères et sœurs, avez-vous peur de la mort ? Peur de mourir ou peur de voir s’en aller ceux que l’on aime : quand on y pense, c’est le vertige ! On ne peut se résoudre à la mort des autres… la vie sans eux paraît tellement vide ! Et pour soi-même, elle n’est pas davantage acceptable : on est fait pour la vie ! POUR LA VIE !
Mais on la voit défiler, cette vie, trop rapidement. Chaque année, chaque jour, on prend de l’âge… Des rides en plus, des forces en moins… un pas après l’autre jusqu’à la tombe… C’est donc vraiment cela, être « vivant » ?
Alors, on se raccroche à ce qui peut rassurer. Pour certains, c’est l’argent, le pouvoir, l’orgueil, les divertissements en tout genre. Ça rassure parfois, mais ça ne guérit pas de la peur de mourir.
Et voilà que d’autres, avec raison, s’appuient sur une mère. Comment ne pas en parler, dans un sanctuaire marial ? « Priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort ». Avez-vous remarqué qu’en priant Marie, on regarde la mort en face ? Et l’on s’y prépare, sans crainte, sous son doux manteau !
Mais, dans cette prière, ce qu’on demande surtout, c’est de saisir plus profondément que la mort n’est plus le point final de l’existence. Il faut même oser le dire avec les paroles de saint Paul, et interpeller ainsi la mort : « Mort, où est ta victoire ? » (12 Co 15,55) Pour la narguer ainsi, il faut être certain qu’elle ne peut plus nous mordre ! Comme un chien qui aboie férocement, mais dont on n’a pas peur, parce qu’on le voit prisonnier de son enclos ou enchaîné à sa niche.
« Mort, où est ta victoire ? » « La mort a été engloutie dans la victoire » (1 Co 15,56), dit encore l’Apôtre. La victoire, celle de Pâques : victoire qui a englouti la mort, qui a enterré la mort. Au tombeau, la mort pensait enfermer le Prince de la Vie, mais c’est elle qui s’est retrouvée prisonnière !
La mort est morte, osons le confesser à la lumière de ce grand jour. Jésus l’avait déjà annoncé à Marthe, devant le tombeau de Lazare : « Quiconque vit et croit en moi ne mourra pas ! » Et il interrogeait son amie : « crois-tu cela ? » CROIS-TU CELA ? Le croyez-vous, frères et sœurs ? Oui, nous croyons ! La mort est morte, pour qui vit du Ressuscité !
La mort est morte, et avec elle l’esprit du Mal s’est retrouvé coincé dans les abîmes ; il pensait l’avoir emporté, le voilà bien roulé, comme la pierre du tombeau. Il pensait être parvenu à faire taire le Verbe fait chair, comme il cherche à Le faire taire dans nos cœurs. Mais il a perdu, définitivement PERDU !
Alors, nous, chrétiens, ne restons pas à regarder vers le sol ! Ne restons pas dans les tombes de nos inquiétudes, de nos erreurs du passé, de nos peurs de demain. Christ est ressuscité !
Nous, chrétiens, ne restons pas dans la peur de la mort. Quand nous regardons vers des tombes, nous ne devrions jamais dire que nos proches sont « ici » ; nous confessons que c’est leur mort qui a été coincée ici, verrouillée dans un cercueil. En regardant le sol, nous disons la défaite de la mort ! Nous confessons que la vie est plus grande, qu’elle est plus élevée et plus belle que tout ce que nous pourrons jamais en saisir sur Terre !
Par la puissance de son offrande, par la pureté de son amour, par le désir de ne pas nous laisser séparés du Père, Jésus-Christ a fait de sa mort un acte de libération du péché et d’affranchissement de la mort elle-même. Alors, désormais, la vie ne se déroule plus inexorablement jusqu’à l’arrêt de notre cœur et la célébration de nos funérailles. La vie s’élève en promesse d’éternité ! Alléluia !
* * *
Soyons pourtant bien clairs : être chrétien, ce n’est pas s’évader de la condition mortelle, mais c’est arrêter de la subir, pour la considérer comme un acte à accomplir.
La Semaine Sainte vient de nous replonger dans cette réalité essentielle : pour ne pas craindre la mort, acceptons tout au long de notre vie de mourir avec le Christ. Celui qui est déjà mort n’a plus peur de mourir ! Acceptons de mourir à nous-mêmes, correspondons profondément au baptême qui nous a fait revivre, et la mort n’aura plus sur nous aucun pouvoir. Plus aucun pouvoir !
Bien sûr qu’elle continue à nous marquer ; elle nous peine profondément quand nous voyons mourir ceux que nous aimons. Mais l’espérance de ce Saint Jour, c’est que nos défunts sont partis pour le meilleur, infiniment meilleur que les plus beaux moments de la vie sur Terre !
Alors, en ce grand jour de Pâques, jour le plus important de l’année, prenons le temps de raviver la flamme de notre grande plongée baptismale, qui fait dire aujourd’hui à saint Paul : « Vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut ». L’apôtre poursuivait, dans notre 2e lecture : « En effet, vous êtes passés par la mort », ça y est, c’est fait ! « Et votre vie reste cachée avec le Christ en Dieu » (Col 3,3-4). Il y a encore quelque chose à accomplir.
Voilà ce qu’est aujourd’hui une vie humaine, une vie de ressuscité ! C’est notre vie à nous tous, frères et sœurs ! C’est le grand sens de notre existence : non pas nous contenter de passer sur Terre quelques décennies, en meilleure santé possible, avec de belles joies familiales et des succès mondains ; mais reconnaître que nous sommes déjà passés par la mort avec le Christ, et que c’est Lui qui est notre Vie !
Cette sublime puissance de vie, qui nous habite désormais, reste encore « cachée » aux yeux du monde, dit l’Apôtre. Cachée, elle doit cependant rayonner par notre générosité à donner sans compter. Elle doit éclater par notre désir profond de nous convertir sans cesse et de vouloir que tous soient sauvés.
Célébrons donc la vie, aimons la vie, sans retourner à notre ancienne peur de la mort. Ainsi, conclut saint Paul, « quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui dans la gloire ».
Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité ! Alléluia !