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Sunday 12 April - Le plein dans l’apparence du vide
Messe du Saint Jour de Pâques
Par le père Ludovic Frère, recteurMesse du Saint Jour de Pâques - Dimanche 12 avril 2020
Homélie du Père Ludovic Frère, recteur du sanctuaire
Le plein dans l’apparence du vide
Au matin de ce jour de Pâques, voici les premiers témoins de la grande Victoire : Marie-Madeleine, Pierre et Jean. Avec trois comportements bien différents devant le tombeau vide.
Il y a d’abord Marie-Madeleine, la première à s’y rendre. Elle voit la pierre enlevée, mais elle reste à l’extérieur. Plus tard viendra la rencontre ; mais, pour l’instant, aucun acte de foi chez cette femme. Postée « à l’extérieur » de la tombe, elle se tient à l’extérieur du mystère.
Le deuxième à atteindre le tombeau, c’est Jean. Le plus jeune des apôtres court logiquement plus vite que Pierre. Il va aussi plus loin que Marie-Madeleine, puisqu’il ne reste pas à l’extérieur, mais il « se penche » vers la tombe ; il voit le linceul, pourtant « il n’entre pas ». C’est pourquoi, à ce moment-là, il ne croit pas encore.
Le troisième à arriver au tombeau, c’est Pierre. Il entre, il regarde. On ne sait pas ce qu’il comprend. Personne n’est dans le cœur de l’autre pour saisir ce qu’il vit face à la tombe ; On ne peut rendre compte que d’une expérience personnelle. C’est pourquoi seul saint Jean, l’évangéliste, peut ensuite témoigner : je suis entré, j’ai vu, j’ai cru.
* * *
Et vous, aujourd’hui, comment vous situez-vous ? Où êtes-vous ?
- à l’extérieur du tombeau pour constater simplement un vide ?
- Ou vous penchant vers le tombeau, pour accepter de vous laisser au moins interroger ?
- Ou entrant dans le tombeau, pour poser LE grand acte de foi ?
Comment vous situez-vous face au tombeau vide, face au grand vide de la mort, face à tous les vides de la vie ?
Cette interrogation me semble essentielle, d’autant qu’aujourd’hui, pour nous tous, il y a bien des vides ! Le vide de pouvoir célébrer ensemble la grande fête de Pâques. Le vide de ne pas vous rassembler en famille, peut-être, pour le repas pascal. Le vide de ne pas communier substantiellement au Christ ressuscité. Et bien sûr le triste vide, si vous venez d’apprendre la mort d’un proche ou d’une connaissance.
Devant tous ces vides, comme devant le tombeau vide, comment vous comportez-vous ?
- Comme Marie-Madeleine, pour simplement déplorer ce qui n’est plus ?
- Comme Jean, qui se penche mais n’ose pas encore entrer dans le mystère d’un vide où quelque chose pourrait être donné à recevoir ?
- Comme Pierre, qui entre, sans un mot, sans rien de dire ce qu’il vit actuellement ?
- Ou comme Jean, entré à son tour, qui ne voit rien d’autre qu’un tombeau vide, mais qui croit à un « plein » ?
Devant l’apparence du vide, croire au plein : voilà bien l’acte de foi. C’est la grande espérance pascale, c’est la grande joie des chrétiens !
Constater du plein quand il est là, tout le monde peut le faire. On s’appuie alors sur ses forces de constat, et on ne bouge pas. Mais constater du plein dans l’apparence du vide, ça c’est la foi !
* * *
En ce jour de Pâques, notre foi est donc profondément interrogée par tous les vides que nous vivons en cette période troublée ; et qui renvoient à tous les autres vides d’une existence humaine ; et qui placent aussi devant le grand vide de la mort.
Que nous dit alors ce jour de Pâques ? Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité ! Alléluia ! Ne regardez pas l’apparence de vide, quand Dieu se donne en plénitude ! Ne vous arrêtez pas à ce qui est enlevé, mais ouvrez-vous à ce qui est donné !
Ainsi, nous voyons Pâques à l’œuvre, ici et maintenant ! Nous voyons la mort traversée et le Mal terrassé. Cette victoire est là ! Elle se déploiera éternellement sans plus aucune ombre ; mais, déjà, elle illumine et remplit les vides du présent.
* * *
Oui, regardez à travers les vides, comme saint Jean qui voit du plein dans le tombeau vide. Regardez Pâques à l’œuvre aujourd’hui, quand des gens qui ne se parlaient pas entre voisins se retrouvent désormais, par balcons ou jardins interposés, pour chanter ensemble ou faire de la musique.
Pâques est à l’œuvre aujourd’hui, quand des professions que l’on déconsidérait, comme les caissières ou les éboueurs, reçoivent des « mercis » parce qu’on découvre leur mission bien plus nécessaire que les blogeurs, influenceurs et autres stars du moment.
Pâques est à l’œuvre quand des soignants prennent de grands risques pour sauver des malades, et qu’on applaudit chaque soir la valeur du don de soi, qu’on avait tendance à négliger dans un monde hédoniste.
Pâques est à l’œuvre quand des enseignants mettent tout leur cœur à accompagner leurs élèves ; ils réinventent l’école, tout en gérant souvent en même temps leurs propres enfants à la maison.
Pâques est à l’œuvre quand les forces de l’ordre font respecter le confinement, et que les militaires aident la population, pour que le bien commun l’emporte sur l’individualisme égocentré.
Pâques est à l’œuvre, quand le noyau familial se trouve réuni, ce qui parfois n’avait pas eu lieu depuis longtemps. Et on réapprend la vie de famille, la joie d’être simplement ensemble, avec des frictions bien sûr ; mais dans un amour qui est bien là, sans toujours être dit.
Pâques est à l’œuvre quand on éteint les écrans pour se retrouver autour d’un jeu de société, ou tout simplement pour se parler et pour manger ensemble.
Pâques est à l’œuvre, quand le directeur du Laus m’apporte chaque jour une part du repas familial, sachant bien qu’en me laissant seul à cuisiner, pour le coup, ce ne serait pas la joie pascale !
Pâques est à l’œuvre quand des gouvernants font passer la vie humaine avant les priorités du marché ; et surtout la vie des plus fragiles et des plus âgés, ceux-là même qu’on mettait de côté dans la course aux gains économiques et aux lois éthiques inhumaines.
Pâques est à l’œuvre quand la communion universelle devient une évidence, parce que la moitié des humains sont aujourd’hui confinés, parce que l’inquiétude est mondialisée, même si cette communion universelle peut être mise à mal, quand on voit simplement l’autre comme un potentiel contaminateur.
Pâques est à l’œuvre, quand en réaction à ceux qui volent des masques aux soignants - signe que le Mal cherche toujours à prendre sa part - d’autres, tellement plus nombreux, cherchent à en coudre avec les moyens du bord.
Pâques est à l’œuvre, quand on réfléchit à l’après ; pour se convaincre que ce ne sera plus comme avant, mais que ça peut être bien mieux qu’avant.
Pâques est à l’œuvre, quand derrière les chiffres quotidiens du nombre de décès du coronavirus, nous savons reconnaître des personnes uniques qui sont parties, et des familles en deuil qui souffrent ; mais aussi quand nous savons voir dans ces nombreux décès une procession lumineuse qui s’avance vers le Seigneur miséricordieux.
Pâques est à l’œuvre, à l’œuvre aujourd’hui : grande traversée, qui nous conduit avec le Christ Sauveur de la mort à la vie !
* * *
Alors oui, dans notre existence, il y a des vides. Mais n’en restons pas au tombeau vide !
Ne soyons pas comme Marie-Madeleine plantée à l’extérieur ; soyons Marie-Madeleine rencontrant ensuite son Seigneur au jardin de l’espérance, et criant sa joie de la victoire du Vivant !
Ne soyons pas comme Jean, se contentant de se pencher un peu ; soyez Jean qui rentre dans le vide apparent pour y découvrir le Plein de Dieu !
Ne soyons pas comme Pierre, silencieux devant un vide qui peut tant troubler ; soyons comme Pierre à la Pentecôte, rempli de l’Esprit Saint, qui proclame, et nous avec lui :
Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité ! Alléluia !
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