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Thursday 31 December - Tout vous sera donné par surcroît
Messe de passage à la nouvelle année – 31 décembre 2020
Par le père Ludovic Frère, recteurVeuillez me pardonner, mais j’ai peur ce soir de vous décevoir. Parce que l’année 2020 a été bien difficile, on peut être soulagé de la voir s’en aller. J’ai alors peur de vous décevoir en vous livrant ma conviction… que le passage au nouvel an ne va rien changer du tout !
Soyons lucides ! Nous savons très bien que ce passage n’est qu’une convention humaine. L’entrée dans la nouvelle année a d’ailleurs varié au cours de l’histoire. Située en mars dans la Rome antique, Jules César la déplace au 1er janvier, le mois de Janus. Il faut dire que ce dieu romain était représenté avec deux visages, l’un tourné vers le passé, l’autre vers le futur. Plus tard, dans l’Europe chrétienne, centrer sur le Christ devenait évident. Avec Charlemagne, l’année en vient donc à commencer à Noël ; avec les rois capétiens, c’est à Pâques. Il faut attendre 1582, avec la réforme du calendrier grégorien, pour que le pape Grégoire XIII fixe de nouveau le début de l’année au 1er janvier.
Alors, pardon pour les faux-espoirs balayés : mais nous célébrons ce soir une simple convention. Attendre du passage à l’an nouveau un changement radical, qui verrait disparaître demain la pandémie et ses contraintes, ou toutes les autres difficultés de la vie, c’est une pure illusion.
Demain, les choses n’auront pas changé, car la vie n’est pas un conte de fée ; quand sonneront les douze coups de minuit, notre vie avec ses épreuves ne va pas se transformer en paradis terrestre comme le carrosse de Cendrillon en citrouille. Nous ne célébrons donc pas ce soir une pieuse illusion, et nous le savons très bien !
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Mais alors, pourquoi ne pas être allé au lit plus tôt ?
Parce que si l’espoir que tout changera à minuit est illusoire, la foi chrétienne, elle, n’est pas une illusion ; le salut dans le Christ n’est pas une illusion.
Alors, d’accord, ce soir est une pure convention. Mais parce que le Christ a sauvé le monde et qu’il le sauve à chaque seconde, nous avons besoin de ces passages qui marquent l’histoire humaine et qui nous unissent dans un nouvel élan commun.
Notre grand élan chrétien se vit à Pâques, bien entendu ; mais au nouvel an, il est partagé par toute l’humanité : chrétiens, croyants d’autres religions, non-croyants. Même si certaines cultures ont leur nouvel an à un moment de l’année, le monde entier se retrouve aujourd’hui dans un même élan, pour souhaiter quoi, sinon un monde meilleur ?
C’est bien le sens de l’échange de nos vœux. Et il est bon que l’humanité entière dise son souhait d’un monde plus paisible, plus heureux, avec moins de violences et moins de larmes ! Il est bon de nous unir dans un tel vœu ; et sans doute que s’y unir sincèrement permet à ce monde meilleur d’advenir un peu plus.
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Alors face à toutes les inquiétudes et devant tous les espoirs, écoutons le Christ qui nous dit ce soir : « ne vous faites pas tant de soucis ». La promesse n’est pas celle d’une libération des problèmes par un coup de baguette magique à minuit précises. C’est un appel à prendre la mesure du présent : « demain aura souci de lui-même ». Le Seigneur tendre et miséricordieux est bien sûr caché derrière une telle affirmation. « Demain aura souci de lui-même » signifie en fait : « le Seigneur a souci de votre demain ». De demain, d’après-demain, et ainsi de suite, jusqu’au dernier jour de 2021 : toute cette année nouvelle est déjà dans les mains du Père éternel. Alors nous, contentons-nous de vivre l’aujourd’hui, car c’est là que le Seigneur vient à notre rencontre et qu’il nous porte.
Ainsi, l’une des grandes demandes du Notre-Père nous fait prier à chacune de nos journées : « donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ». Non pas : donne-nous aujourd’hui le pain pour toute l’année. Non, la demande est centrée sur le présent : « donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ».
Notre prière de ce soir n’est alors pas un investissement pour l’année entière ; elle est une manière de remettre déjà chacune des journée de cette année à venir à la miséricorde de Dieu, à sa bonté, à sa bienveillance, à sa surabondance.
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Ce soir, en louant le Seigneur, en célébrant l’Eucharistie, et tout à l’heure en adorant le Christ au Saint-Sacrement et en recevant sa bénédiction, nous nous remplissons de la présence de l’Éternel qui nous comble dans l’instant présent.
Passer le nouvel an dans la prière plus que dans les cotillons, c’est donc vouloir répondre à l’appel que le Christ nous lance ce soir : « Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera donné par surcroit ». Vous entendez ? Tout le reste ! Alors, n’hésitons pas à chercher le royaume de Dieu et sa justice !
Mais en quoi cela consiste-t-il vraiment ? Saint Paul en a fait écho dans la deuxième lecture, qui peut particulièrement rejoindre peut-être ceux qui se sont attablés ce soir pour un dîner festif confiné. Car l’apôtre révèle : « Le royaume de Dieu ne consiste pas en des questions de nourriture ou de boisson ; il est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint » (Rm 14,17).
Ce soir, nous sommes donc appelés à nous abreuver de justice et de paix plus que de champagne. Cette nuit, nous sommes invités à nous nourrir davantage de joie dans l’Esprit Saint que de foie gras. Et finalement, nous voici interrogés sur ce qui nous abreuve et nous nourrit vraiment.
Voilà une question importante pour un nouveau départ : de quoi allez-vous vous abreuver cette année, qu’est-ce qui va véritablement vous nourrir ? En vous unissant à cette soirée de prière, je crois que vous y répondez déjà.
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Voilà donc trois pistes pour cette nuit, que je vous invite à garder en mémoire au cours de la prière eucharistique, puis de l’adoration et de la bénédiction : 3 pistes pour une vraie bonne année !
- Vouloir ensemble un monde meilleur, c’est déjà lui permettre d’advenir.
- Remettre dès ce soir chaque jour de l’année nouvelle à la miséricordieuse bonté de Dieu.
- Et choisir cette année de se nourrir et s’abreuver de ce qui comble vraiment !
Ensemble pour un monde meilleur, nous en remettant chaque jour à Dieu et nous nourrissant de ce qui comble durablement : voilà de quoi vivre ensemble une bonne et sainte année nouvelle !