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Sunday 29 March - Alors Jésus pleura
Messe 29 mars 2020 - 5ème dimanche de Carême
Par le père Ludovic FrèreMesse du dimanche 29 mars 2020 – 5e dimanche de Carême A
Homélie du père Ludovic Frère, recteur du sanctuaire
Alors Jésus pleura
« Alors Jésus se mit à pleurer » (Jn 11,35). Dans la langue des évangiles, le grec, l’expression est plus ramassée encore. On pourrait traduire : « Alors Jésus pleura ». C’est le verset le plus court de toute la Bible. Comme pour ne pas en rajouter. Comme pour nous laisser saisir par cette réalité essentielle : « Alors Jésus pleura ».
Le sol que nous foulons a reçu les larmes de Dieu ! Avant d’accueillir son sang versé pour nous sauver, notre Terre a reçu les larmes de Dieu pleurant la mort. C’est cette révélation inouïe qu’exprime le plus petit verset de la Bible : « Alors Jésus pleura ».
On pourrait s’arrêter longtemps à contempler ce grand mystère, ce puits sans fond qu’est la révélation de Dieu qui pleure devant la mort.
D’autant qu’en ces jours d’inquiétudes et de deuils, des questions peuvent s’agiter dans nos esprits : face à l’épidémie de coronavirus où es-Tu Seigneur ? Est-ce que Tu laisses ce virus vivre sa vie de virus ? Pourquoi ne l’arrêtes-Tu pas maintenant ? Est-ce que Tu veux nous dire quelque chose par cet arrêt soudain de notre course effrénée ? Est-ce un signe précurseur du retour de Jésus en Gloire ? Es-Tu impuissant face à un microbe ? Nous laisses-Tu libres de réveiller nos solidarités ? Transformes-Tu ce drame en opportunité de conversions mondiales ? Que fais-Tu, Seigneur ? Où es-Tu Seigneur ?
« Alors Jésus pleura ».
Toutes nos questions devraient partir de cette révélation devant la mort : « Alors Jésus pleura ».
* * *
On dit que les pleurs permettent d’exprimer une émotion qu’on n’arrive pas à verbaliser. C’est par-delà les mots. Et voilà le « Verbe » fait chair qui n’a plus de mot ! Plus de mot devant la mort, plus de mot devant la tristesse qu’elle suscite dans l’entourage.
Comme nous lors du décès d’un proche. On n’a pas de mot. On est abasourdi, incapable de saisir que l’autre n’est plus là.
De même devant des amis en deuil : on cherche à consoler, mais sans trouver les mots, parce qu’il n’y a pas de mots. Le Christ n’a pas de mot devant la tristesse de la mort, parce que la mort est triste, et voilà tout.
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Mais, comprenons-le bien : ces pleurs et ce silence du Dieu fait homme sont déjà l’annonce d’un grand renversement. Devant la mort, le Christ n’a pas de mot, mais bientôt c’est Lui qui ne laissera plus, à la mort, le dernier mot !
Et voilà cette révélation, peut-être passée un peu inaperçue dans ce long évangile, d’une telle densité émotionnelle ; le Christ dit avec assurance : « quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais ». Vous entendez cette promesse du Christ ? Ne mourra jamais !
Bien sûr, l’expérience physiologique du mourir, nous allons tous la « vivre », si je puis dire, sauf si le Seigneur revient en Gloire auparavant. Mais si nous croyons au Christ, si nous vivons du Christ, ça ne sera pas une mort. « Lazare s’est endormi », dit Jésus à ses disciples qui n’y comprennent pas grand-chose. Pas une mort, mais un sommeil. Et depuis-lors, le lieu où l’on dépose nos morts n’est plus appelé « nécropole », la ville des morts ; mais « cimetière », le lieu où l’on dort.
Normalement, le sommeil ne fait pas peur. Il est même plutôt enviable. Il relève en tous cas de notre expérience de vie, il est même ce qui permet la vie : sans sommeil, on ne peut pas vivre. Cela voudrait-il donc dire que sans mort, on ne peut pas vivre non plus ?
* * *
C’est bien ce que les fêtes pascales qui approchent vont nous faire chanter sur tous les tons : la mort a perdu, la mort est morte, le voile de deuil est levé, le tombeau est grand ouvert, Christ est ressuscité ! Alléluia !
Oh, pardon, j’anticipe de quelques jours… mais ce chant nous brûle les lèvres, vous ne trouvez pas ? Dans cette période si pesante, où chaque jour nous entendons le nombre de victimes du coronavirus, ne sentez-vous pas, en vous, le grand appel à la vie ? Comme un acte de résistance, comme un appel à vivre.
C’est tellement essentiel pour nous de proclamer la vie plus forte que la mort ! Tellement essentiel aussi de nous rappeler que la vie sur Terre est, en quelque sorte, un confinement qui attend une sortie : la sortie pour aller dans la Vie éternelle !
Nous sommes donc faits pour cela : proclamer la victoire de la vie, toujours ! Le proclamer et le croire vraiment, non pas comme une théorie, une hypothèse probable, mais comme la réalité la plus essentielle de la vie humaine ; comme ce qui nous fait tenir debout, quelles que soient les tempêtes ; debout parce qu’on n’est pas fait pour finir allongé dans une tombe !
Alors, dans cette quinzaine qui nous sépare des grandes fêtes pascales, je vous encourage à prendre chaque jour un petit moment de prière debout, pour chanter non pas encore l’Alléluia, mais déjà la joie d’être sans cesse relevé par le Seigneur !
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Cet acte de foi doit rejoindre notre accueil de la mort dans ce qu’elle a de plus réel. Devant Jésus qui demande d’ouvrir le tombeau de Lazare, Marthe semble gênée : « il sent déjà ». Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on est vraiment dans du concret : des odeurs de décomposition. Vous voyez : l’espérance de la résurrection n’est pas une idée qui plane en l’air, c’est une réalité qui vient rejoindre les corps qui sentent la mort.
Alors, vous tous qui portez le deuil récent ou plus ancien d’un conjoint, d’un parent, d’un enfant, d’un ami, laissez l’espérance rejoindre les odeurs de mort pour ouvrir la tombe et entendre le Christ qui dit : « Viens dehors ! »
En cette période de confinement, l’appel du Christ prend une connotation bien particulière, vous ne trouvez pas ? « Viens dehors ! » Ne reste pas dans le confinement de ta tombe, de ta peur, de tes obscurités. « Viens dehors » et sois délié de ce qui t’empêche d’avancer ! Sors de la peur de la mort… pourquoi avoir peur de ce qui n’est plus ?
Dehors aussi, tout ce qui, en nous, sent la mort plus que la vie : toutes ces réalités qui vont passer un jour, les richesses et les mondanités, les titres et les responsabilités, et bien sûr le péché, si désolant, si puant. « Viens dehors ! » Sors de toi-même, car ça sent la mort quand tu ne penses qu’à toi ; ne risque pas l’enfermement éternel pour avoir vécu enfermé sur toi-même.
Et vous avez là tout l’appel du sanctuaire du Laus, la raison d’être de ce magnifique refuge des pécheurs : aller au-dehors de tout ce qui, en nous, sent la mort, pour vivre de la bonne odeur du Christ, dont les parfums du Laus sont un signe si délicat et si fort à la fois.
Alors, ce dimanche est fait pour sentir bon ! Pour répandre la bonne odeur de Jésus. Dans tous nos confinement, aujourd’hui, ça va sentir bon la vie et l’espérance ! Car si Dieu pleure sur la mort, il la traverse et fait jaillir la vie pour toujours ! La vie pour toujours ! (Alléluia !)
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