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Sunday 19 August - 20ème dimanche du temps ordinaire
Manger la Sagesse
Par le Père Ludovic Frère, recteur du sanctuaireLe grand roi Salomon, Fils de David, a seulement dix-sept ans quand Dieu lui apparaît en songe. Le Seigneur lui fait cette promesse formidable : « Demande tout ce que tu veux et je te l’accorderai » (1 Roi 3,5). Devant une telle proposition, qu’aurions-nous demandé ? La richesse, une bonne santé pour nos proches et pour nous-mêmes, la paix dans le monde, l’assurance d’une bonne mort ?...Qu’aurions-nous donc choisi ?
Salomon, du haut de ses dix-sept ans, a une réponse surprenante - peut-être même décevante, en un sens : on peut penser qu’il ne profite pas de la chance qui lui est offerte de demander tout ce qu’il veut, quand il répond : « Donne-moi l’intelligence nécessaire pour administrer ton peuple avec justice » (1 Roi 3, 9). Demander l’intelligence et la sagesse, certains le font peut-être, quand ils passent le bac ou d’autres examens scolaires. Mais, ordinairement, nous ne pensons sans doute pas assez à faire une telle prière.
Pourtant, dans la première lecture, le Seigneur nous invitait : « Si vous manquez de sagesse, venez à moi » (Proverbes 9,4). Et, saint Paul, aux Ephésiens, recommandait vivement : « Ne vivez pas comme des fous, mais comme des sages » (Ep 5,15).
Ce dimanche est donc un appel à demander vraiment au Seigneur la sagesse : cette sagesse de distinguer entre le bien et le mal, de discerner ce qu’il convient de faire dans les situations précises et de porter un juste jugement sur des faits sans enfermer les personnes. L’intelligence du cœur et des situations, la capacité à intégrer l’expérience de notre passé et de l’histoire humaine, ainsi que l’humilité à accepter de ne pas avoir toujours raison : c’est tout cela qui fait la véritable sagesse.
Or, le livre des Proverbes nous a présenté la sagesse comme une réalité à manger : « Venez manger mon pain, et boire le vin que j'ai apprêté ! Quittez votre folie et vous vivrez, suivez le chemin de l'intelligence » (Pr 9,5-6). Par l’image de la nourriture, le livre des Proverbes veut sans doute nous montrer que la sagesse de Dieu est à savourer, à ruminer et à assimiler.
En effet, la sagesse ne peut se regarder de loin ; elle doit pénétrer en nous pour nous transformer. Et voilà que, dans l’Evangile, le Christ nous révèle : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi je demeure en lui » (Jean 6,56).
Plus nous communions, plus le Christ demeure en nous, et plus il peut infuser en nous sa propre sagesse. A chaque fois que nous communions, avant-même tout effort de notre part, le Christ s’inscrit davantage en notre être. Sa sagesse pénètre chaque fois un peu plus nos corps et nos pensées, notre mémoire et notre inconscient. Le Seigneur nous envahit davantage à chaque communion, pour nous faire renoncer à notre petit ego et nous conformer toujours plus à Lui.
A chaque Eucharistie, le Seigneur vient s’ancrer un peu plus en nous, comme une rivière traçant son lit dans la roche. A chaque communion, le Seigneur infuse davantage en nous sa vie et sa sagesse, pour rendre, au fur et à mesure, plus facile et plus évident notre désir de lui appartenir et d’agir selon sa volonté.
Il est donc précieux d’avoir bien conscience que notre vie de croyants-pratiquants n’est pas une succession de communions, les unes derrière les autres. Le don renouvelé de cette Présence réelle, sans laquelle nous n’avons pas la vie en nous, nous fait demeurer à chaque fois un peu plus dans le Seigneur : « Celui qui me mangera vivra par moi » (Jean 6,57). Et ainsi, sa sagesse insondable informe à chaque fois un peu plus nos intelligences et nos cœurs.
Bien entendu, il reste notre responsabilité, notre prise de conscience que le Seigneur vient nous habiter et donc que nous devons le laisser vivre en nous ; mais ce n’est pas cette prise de conscience qui rend le Christ vivant. Il est là, il va reposer en vous dans quelques instants, quand vous approcherez pour communier, ou quand vous communierez par le désir, si vous êtes empêchés de recevoir l’hostie consacrée. Le Seigneur n’attendra pas que vous ayez conscience qu’il est là pour vous habiter, vous consoler et vous fortifier.
Mais il espère aussi que nous saurons l’accueillir dignement en notre demeure intérieure, lui le grand hôte qui daigne venir visiter les créatures rebelles que nous sommes. Lui, la sagesse en personne, va venir éclairer nos intelligences et nos cœurs, pour que nous puissions, chaque jour davantage, vivre comme des sages.
« Quittez votre folie, et vous vivrez », disait le livre des Proverbes (Pr 6,9). Mangez la chair du Fils de l’homme, et vous vivrez, promet Jésus. Pour cesser d’être fou, pour en finir avec cette bêtise de choisir parfois le mal, pour avoir une véritable intelligence des situations et le regard du Christ lui-même sur les autres, il nous faut l’Eucharistie ; elle est indispensable pour vivre et pour quitter notre folie de penser pouvoir vivre sans Dieu.
Alors, aujourd’hui encore, mangeons la sagesse.
Amen.