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Monday 16 November - Nos vies apocalyptiques
Lundi 16 novembre 2020 - 33e semaine du Temps Ordinaire
Par le père Ludovic Frère, recteur
C’est parti pour 15 jours ! Deux semaines de compagnonnage avec le livre de l’Apocalypse. Oui attachez vos ceintures : ça risque de secouer ! Nous entendons aujourd’hui le tout début de ce livre et la première lecture de chaque jour, en semaine, sera pareillement tirée de l’Apocalypse de saint Jean… Jusqu’au samedi 28 novembre, veille de l’entrée en Avent, où nous serons parvenus au dernier chapitre de ce livre. Nous serons alors bien échauffés, bien entraînés pour pouvoir proclamer, tout au long de l’Avent, ce que livre de l’Apocalypse crie dans son avant-dernier verset : « Maranatha, viens Seigneur Jésus ! »
15 jours avec l’Apocalypse ! Alors, je préfère vous prévenir, ça risque de décaper, de secouer. Un parcours nécessaire mais redoutable ! Surtout dans les temps où nous sommes, un regard apocalyptique sur nos vies et sur le monde pourrait inutilement nous effrayer.
D’où l’opportunité, au premier jour de ce grand voyage apocalyptique, d’en repérer quelques clés essentielles. Pour nous éviter des contresens, nous prémunir du catastrophisme et nous convertir encore à ce grand désir à partir duquel tous les autres peuvent s’ordonner : « Maranatha, viens Seigneur Jésus ! »
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Le dernier livre de la Bible est écrit par saint Jean sous forme d’une lettre adressée aux Églises d’Asie mineure, correspondant à l’actuelle Turquie. Éphèse, Smyrne, Pergame, Tyatire, Sardes, Philadephie et Laodicée ; voilà ces 7 Églises, que saint Jean voit alors comme « sept chandeliers d’or ». Quand on pense à ce que sont devenues ces Églises au cours du temps et quand on voit la Turquie actuelle et son président, ça dit déjà quelque chose sur la manière dont le message apocalyptique leur était particulièrement destiné.
Exilé sur l’île grecque de Patmos par l’empereur Dioclétien, le plus jeune des apôtres reçoit une révélation qui va encourager ces premières communautés chrétiennes. Éclairé par une vision angélique, il est guidé par l’Esprit Saint pour apporter cette Parole divine sous mode d’apocalypse.
Un livre qui est donc écrit dans un genre littéraire particulier, assez obscur pour nous aujourd’hui. Le genre apocalyptique, qui était devenu familier aux Juifs avec Ézéchiel ou Daniel, ne cherchait pas à paralyser les croyants dans la peur, mais à leur offrir une révélation sublime sur le sens de l’histoire. Le mot grec « apocalypse » veut justement dire « révélation » : c’est plus une lumière sur la vie qu’un récit obscur sur la fin.
Cette révélation est offerte dans un langage de symboles et de références permanentes à d’autres passages bibliques. Si l’on ignore cette symbolique et si l’on méconnaît la Bible, on risque de rester bien étranger à cette révélation. Vous êtes peut-être en train de vous dire : « c’est justement mon cas ! Le livre de l’Apocalypse, je n’y comprend rien et ça ne soutient pas ma prière ».
Alors, justement : profitez de cette quinzaine pour demander à l’Esprit Saint de vous éclairer sur le sens que cette révélation peut avoir pour vous et pour le monde d’aujourd’hui. Afin de nous y aider, je vous propose alors quelques points de repère.
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D’abord, le grand fil conducteur du livre de l’Apocalypse, c’est la révélation de Dieu Maître de l’histoire. C’est donc l’ouverture à ce mystère des temps où nous sommes : le Christ est monté vers le Père à l’Ascension, promettant son retour tout en affirmant : « je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin des temps ». Ce retour, nous l’attendons désormais.
- il est à la fois de chaque jour - car le Seigneur ne cesse de nous visiter ;
- il adviendra un jour personnellement pour chacun de nous - ce sera notre mort ;
- et il surviendra ultimement comme un retour en gloire : on l’appelle la parousie.
Voilà les temps où nous sommes : un quotidien à vivre, une fin à attendre et un accomplissement à espérer.
Dès qu’on lit l’Apocalypse en dehors de cette triple perspective, on risque les contre-sens, les prédictions hasardeuses : « et si c’était maintenant que tout cela était en train de se réaliser ? Regardez la pandémie mondiale, le terrorisme, la nature déréglée par la surconsommation… n’est-ce pas la fin des temps ? » Remarquez que les Églises d’Asie mineure des premiers siècles pouvaient penser la même chose dans leur contexte de persécutions. Nos ancêtres ayant vécu les grandes pestes pouvaient croire pareil. Les chrétiens ayant traversé la révolution française ou d’autres soubresauts de l’histoire pouvaient également le penser. Les générations qui nous ont précédées, avec les sanglants conflits mondiaux, pouvaient aboutir à la même conclusion : à toute époque sans doute, l’instabilité de la vie et l’inacceptable de la souffrance font croire que ça y est, les derniers temps sont arrivés !
Et ce n’est pas faux, en un sens : nous sommes bien dans les derniers temps, les temps de l’accomplissement depuis que le Christ a sauvé le monde. Mais ces derniers temps ne sont pas un compte-à-rebours fatidique dont on se demanderait si l’on arrive à son terme. Ces derniers temps, ce sont les temps de la miséricorde à accueillir, quelle que soit l’époque.
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Alors, à chaque fois que vous méditez le livre de l’Apocalypse, à chaque fois que vous l’entendrez en première lecture au cours de cette quinzaine, je vous invite à vous poser trois questions, qui sont autant d’appels à laisser l’Esprit Saint y répondre :
- D’abord, qu’est-ce que ce passage de l’Apocalypse me dit de l’amour miséricordieux du Seigneur ? Autrement dit : quelle grâce m’est donnée pour aujourd’hui ?
- Ensuite, qu’est-ce que ce passage me dit d’un changement nécessaire dans ma vie ? Autrement dit : quelle conversion m’est demandée pour mon salut ?
- Et enfin, qu’est-ce que cet extrait de l’Apocalypse révèle de la communion à vivre entre nous ? Autrement dit : quel désir d’unité il éveille en moi pour vivre et préparer la communion éternelle ?
Grâce donnée, conversion demandée, unité à soigner : avec ces trois points d’attention, je crois que nous pouvons aborder chacun des passages de ce grand livre biblique.
Pour y aidez, permettez que nous le fassions ensemble ici, avec la première lecture. Nous ne le ferons pas à chaque messe de cette quinzaine, car il faudra aussi s’intéresser de près aux évangiles de ces 15 jours préparant la fin de l’année liturgique. Mais aujourd’hui, regardons ensemble ce début du livre de l’Apocalypse, avec la clé de lecture de ces trois dimensions : grâce donnée, conversion demandée, unité à soigner.
1ère dimension : La grâce donnée. Ici, c’est sous forme de béatitude : « Heureux celui qui lit, heureux ceux qui écoutent les paroles de la prophétie ». La grâce pour aujourd’hui, c’est la grâce d’une joie profonde qui peut chasser toutes les inquiétudes, toutes les lassitudes : car le Seigneur nous parle, frères et sœurs, aujourd’hui ! Goûtez donc cette grâce du Seigneur qui s’adresse à vous par sa Parole biblique.
2e dimension : La conversion demandée. Elle est facile à entendre ici, puisque le verbe-même est prononcé par le Seigneur : « convertis-toi, reviens à tes premières actions » et juste avant : « j’ai contre toi que ton premier amour, tu l’as abandonné ». Le premier amour de l’Église d’Éphèse, c’est son Seigneur bien entendu. Mais malgré sa sincère persévérance, cette Église s’est laissée aller à d’autres amours. Amour du pouvoir peut-être, amour des distinctions entre les personnes, amour de l’argent… Cette quinzaine apocalyptique est faite pour revenir à notre premier amour qu’est le Seigneur, afin qu’il soit toujours amour premier.
3e dimension : l’unité à soigner. Remarquez que c’est à une Église que le Seigneur s’adresse ici, non à un individu. Le Seigneur nous parle comme Église, comme communauté de croyants. Il nous appelle alors à toujours penser notre vie spirituelle non pas à partir d’un « je » clos sur lui-même, mais dans un « nous » ouvert aux autres. Même si vous êtes seul chez vous pour participer à cette messe, ayez bien conscience que le Seigneur s’adresse à un peuple et c’est un « nous » qu’il réalise sans cesse par son Eucharistie. Veillons donc aujourd’hui à tout penser en « nous », et à tout faire dans le sens de ce « nous » que nous sommes tous ensemble.
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Grâce donnée, conversion demandé, unité à soigner. Voilà ce que l’Apocalypse nous révèle, et qui fait de nos propres vies des apocalypses : non pas des dévastations, mais des révélations de la miséricorde de Dieu, de la conversion nécessaire et de la communion à vivre. Oui, pendant 15 jours, nous sommes appelés à être ensemble des apocalypses, convergeant vers un seul et même désir, un seul et même cri : « Maranatha, viens Seigneur Jésus ! »