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Sunday 1 April - Homélie du dimanche des Rameaux et de la Passion
L'heure des choix...
Par le Père Ludovic Frère, recteur du sanctuaire
Puisque nous avons parmi nous un groupe d’enfants qui se prépare à la première communion, et d’autres enfants venus en famille, permettez-moi, après ce grand Evangile, de m’adresser d’abord à eux.
Vous l’avez vu, les enfants, au début de cette messe, nous avons imité les foules de Jérusalem. Nous avons acclamé Jésus en chantant : « hosanna »… tu es si grand, Seigneur ! Mais voici qu’ensuite, dans l’Evangile de la passion, nous venons d’entendre comment se sont passés les derniers jours de la vie de Jésus, avant sa résurrection.
On aurait pu compter tous les personnages qui interviennent dans ce drame : Jésus, bien sûr, mais aussi Pierre, Judas, les chefs des prêtres, et bien d’autres encore. Tous réagissent différemment devant la Passion de Jésus ; des réactions différentes qui nous posent la question : dans quel personnage est-ce que nous nous retrouvons le plus ?
Est-ce que je suis un peu comme les disciples de Jésus, qui avaient promis de rester fidèles, mais qui ont eu peur et qui se sont enfuis ? Vous savez, après votre première communion, certains d’entre vous risquent de s’enfuir… non pas par peur comme les disciples, mais pour faire autre chose, sans doute en considérant que c’est plus intéressant que le caté ou la messe. Il est important de se poser la question de notre fidélité à Jésus ; et l’Evangile d’aujourd’hui nous pose très clairement la question.
Est-ce que je suis un peu comme Simon-Pierre qui, lorsque sa vie est en jeu, va jusqu’à renier Jésus ? « Non, je ne connais pas cet homme », jure-t-il par trois fois. Et par ce mensonge, l’ami devient traître.
Est-ce que je me sens plutôt dans la peau de Ponce-Pilate qui trouve des prétextes pour se déculpabiliser : ce n’est pas mon problème, je m’en lave les mains ! Un homme risque sa vie ? Ce n’est pas mon affaire, je dois m’occuper de moi.
Chers amis, quand Jésus donne sa vie pour nous, sommes-nous Pierre, Pilate, Judas ou Simon de Cyrène ? Faisons-nous partie des passants qui ont soif de sang ? Sommes-nous du côté des forts qui se réjouissent de voir Jésus souffrir, ou sommes-nous tristes de voir tant de violence ? Sommes-nous avec Marie au pied de son Fils crucifié, ou avec les gardes qui demandent à Jésus un geste de magie pour qu’il descende de la croix ?
Je vous invite à repartir de cette messe avec cette simple question : où est-ce que je suis quand Jésus donne sa vie pour moi ?
* * *
Permettez que je m’adresse maintenant aux adultes, pour observer l’attitude de la foule.
Voici quelques jours, Jésus semblait remporter tous les suffrages. Les sondages l’avaient annoncé comme le grand gagnant. D’ailleurs, lors de la sorte de meeting qui avait eu lieu à l’entrée de Jérusalem, on avait pu constater sa popularité. Tous n’adhéraient pas forcément à son programme, mais il se dégageait de lui une force et une sérénité telles qu’on était vraiment prêt à voter pour lui. Certains l’appelaient même déjà « roi », d’autres agitaient des palmes comme on le fait de drapeaux dans les rassemblements politiques. Le verdict des urnes s’annonçait sans appel.
Alors, que s’est-il passé ? Comment le favori des sondages a-t-il pu, en quelques jours, se retrouver rejeté par tous, ou presque ? Quelle erreur de communication avait été commise ? Quelle annonce avait pu conduire les plus enthousiastes à se détourner ?
A l’approche des élections présidentielles, on est enclin à se poser de telles questions sur la popularité du Christ puis la violence de son rejet ; des questions loin d’être secondaires, puisqu’elles renvoient à l’orientation fondamentale de nos vies : derrière qui sommes-nous prêts à marcher ? Pour quelles raisons, dans quels buts, avec quels espoirs ?
* * *
On peut comprendre ce qui s’est passé avec Jésus : son entrée triomphale à Jérusalem avait certainement été précédée de rumeurs, rapportant sans doute qu’il était un formidable guérisseur, capable même, paraît-il, de ressusciter des morts. Un magicien faisant taire la tempête, multipliant les pains et changeant l’eau en vin ! On pensait l’avoir trouvé, celui qui allait nous faciliter la vie et résoudre les problèmes de sécurité, de nourriture et de santé.
Mais quand le puissant est devenu faible, la roue à tourné ; devant le spectacle d’un homme fatigué et abîmé par une nuit de violences, la foule a crié : « crucifie-le, crucifie-le » ! A mort, le faible ! A mort, celui qui avait tué nos espoirs. Nous ne voulons pas d’un chef crucifié, d’un tueur de rêves.
Et nous qui regardons cette foule, qu’en pensons-nous vraiment ? Voulons-nous réellement d’un Dieu crucifié ? Un Dieu qui ne libère pas, comme par enchantement, de toutes les souffrances terrestres, mais qui les subit. Un Dieu qui n’empêche pas notre mort ni celle de nos proches, mais qui meurt lui-même sur une croix. En voulons-nous vraiment, de ce Dieu-là ?
La semaine qui s’ouvre aujourd’hui s’appelle « semaine sainte » parce qu’elle est décisive : elle nous demande si nous voulons vraiment du Crucifié. Car si notre culture, notre éducation puis notre choix personnel ont pu nous conduire à croire au Christ, cette semaine sainte nous appelle à revoir en profondeur notre décision : on ne suit pas Jésus-Christ sans se poser de questions. On le choisit, en ayant bien conscience de mettre nos pas dans ceux d’un Crucifié.
Frères et sœurs, ne manquons pas, cette semaine, de prendre le temps de nous demander si nous voulons du Christ. Faisons-le honnêtement, en n’occultant pas les questions les plus essentielles de l’existence, à savoir le mal et la mort, et la place de Dieu face à ces drames de l’existence.
Nous ne sommes pas venus ce matin agiter naïvement quelques rameaux en espérant qu’ils nous protégerons des difficultés de la vie. Si c’est ça notre foi, évidemment qu’elle va passer du « hosanna » au « crucifie-le », car dans les tempêtes de la vie, nous serons forcément déçus par un Dieu qui, en apparence, n’empêche pas le malheur.
Mais aujourd’hui, nos rameaux verts sont appelés à se greffer sur cet autre rameau, celui de la croix. Le bois de nos rameaux nous renvoie à l’arbre de la croix, un bois sec, qui ne porte plus la vie. Mais si nous les tenons bien haut, nos rameaux, c’est que nous en sommes convaincus : le bois de la croix porte un étonnant mystère, au point que nous oserons même, vendredi, embrasser cet objet de torture et de mort.
Car nous savons voir, par-delà les apparences, ce qui se joue dans la passion du Christ : Dieu est en train de tuer la mort, de faire taire Satan, de tenir la haine en échec, d’anéantir le mal.
Cette semaine nous est offerte pour dépasser les apparences, afin que jamais nous ne soyons désespérés face à la mort ; par-delà les apparences, pour ne jamais penser le péché au-dessus de la miséricorde divine ; par-delà les apparences, pour que jamais la croix ne semble victorieuse : le sens de la vie ne s’arrête pas à la tombe. Amen.
Télécharger l'homélie du 1er avril 2012, dimanche des Rameaux et de la Passion, année B (PDF)