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Sunday 8 July -
L'extraordinaire dans l'ordinaire
Par le Père Ludovic Frère, recteur du sanctuaire
Aujourd’hui, Jésus revient à Nazareth, là où il avait vécu l’essentiel de ses trente premières années, après le retour d’Egypte. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que son arrivée ne suscite pas le même enthousiasme que celui rencontré ailleurs !
Ici, à Nazareth, il est reçu avec méfiance ; c’est qu’il est trop connu pour pouvoir surprendre. Tout le monde l’a vu grandir et jouer avec les autres enfants du village. Alors, la sagesse qui sort de sa bouche et les miracles qui se réalisent par ses mains ne peuvent prendre le pas sur le souvenir de ces décennies ordinaires.
Comme si l’ordinaire et l’extraordinaire étaient condamnés à ne jamais pouvoir se croiser ; et comme si tout était, toujours, absolument prévisible. Voilà bien les a priori des habitants de Nazareth, qui vont ainsi manquer la rencontre avec le Sauveur.
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Et nous, aurions-nous été capables d’accueillir le Christ dans nos rues de Nazareth ? Ne sommes-nous pas, nous aussi, tentés par les a priori et les jugements ? L’expérience du passé nous a fait cataloguer les uns et les autres entre ce qu’ils sont, ce qu’ils ne sont pas assez, ce qu’ils ne seront jamais. C’est la première erreur des habitants de Nazareth ; une erreur qui nous appelle à un profond examen de conscience.
D’ailleurs, enfermer les autres dans ce que nous avons décidé qu’ils sont, ne conduit qu’à la stérilité. L’Evangile précise ainsi, au sujet du Christ : « Et là, il ne pouvait accomplir aucun miracle ». Ce n’est pas le Seigneur qui a un coup de faiblesse ; c’est la fermeture des Nazaréens qui bloque l’action de la grâce. De même pour nous, dans les rues de Nazareth de nos vies personnelles et relationnelles, le Seigneur ne peut accomplir aucun miracle si nous restons bloqués sur nos convictions de tout savoir sur les autres, et peut-être même aussi sur Dieu.
Car c’est le deuxième blocage des habitants de Nazareth : ils pensent savoir comment Dieu doit les rejoindre. Et quand ils voient Jésus apparemment investi des prérogatives divines de sagesse et de guérisons, ils s’interrogent : « N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie ? » Mais ce n’est pas une question, c’est déjà leur réponse : cet homme ne peut pas être le Messie, puisque c’est le petit gars que nous avons bien connu, le charpentier du coin de la rue. Du Messie, ils ont une image grandiose, impressionnante, voire peut-être terrifiante, car le Seigneur ne peut qu’intervenir de manière bouleversante, et certainement pas dans un homme qui a partagé notre vie.
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Nous sommes ici en un sanctuaire où l’extraordinaire s’est fait ordinaire, avec les plus longues apparitions mariales du monde. 54 années de présence céleste auprès de Benoîte pour nous convaincre à nouveau de la proximité du Seigneur à notre vie quotidienne. Les nombreuses années ordinaires vécues par le Christ à Nazareth comme, dans une autre mesure, l’expérience spirituelle de Benoîte au Laus nous disent avec force que le Seigneur n’est pas d’abord à attendre dans des expériences de ressenti ni des manifestations grandioses : il est à accueillir dans le quotidien le plus ordinaire.
C’est parce qu’elle avait les pieds sur terre, notre chère Benoîte, qu’elle a pu contempler ce qu’ordinairement, l’œil ne peut voir. A l’inverse, les habitants de Nazareth sont aveuglés, parce qu’ils partent de leur présomption à vraiment connaître Dieu et de leur conviction qu’il est trop grand pour nous rejoindre. Ils ont donc décidé par avance ce que le Messie doit être et comment ils sauront le reconnaître.
Mais ils se retrouvent ainsi aveuglés et ils manquent leur rencontre avec le Sauveur du monde. Quelle surprise cela a dû être pour eux, après leur mort, de découvrir que le Dieu tout-puissant avait joué avec eux sur les terrains de sport de Nazareth ! Ils ont dû être bien étonnés, et même désolés de ne pas avoir su accueillir leur Seigneur qui était bien là, juste à côté d’eux, pendant presque trente années !
Nous aussi, quoique différemment, le Christ est peut-être venu nous visiter, cette semaine ou au cours du mois passé. Dans la simplicité d’une rencontre, dans la demande d’un pauvre, dans l’attention souhaitée par un conjoint affaibli ou un parent malade, le Christ nous a peut-être visités ces derniers temps. Mais l’avons-nous seulement reconnu ? Ne l’attendions pas ailleurs ?
Au Ciel, nous risquons d’être autant surpris que les habitants de Nazareth, en découvrant toutes les rencontres manquées avec notre Seigneur, qui sera venu tant de fois nous rejoindre, nous déranger, nous demander de l’aide.
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Vous pèlerins, qui êtes venus au sanctuaire Notre-Dame du Laus, pour quelques jours de vacances ou pour ce dimanche, les journées ou les heures que vous venez vivre ici sont certainement un appel à renouveler votre manière d’accueillir la présence du Seigneur dans vos vies.
Car quitter l’ordinaire, sortir de la maison de Nazareth, c’est l’occasion de jeter un regard différent sur ce qui fait notre existence, pour redécouvrir combien le Seigneur est là, présent dans l’ordinaire le plus banal, pour le sanctifier, l’accompagner, le transformer en étincelles d’éternité.
« N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie ? » Les habitants de Nazareth ne se trompent pas, en un sens : il est bien le charpentier, le fils de Marie. Mais c’est parce qu’il est Dieu parmi nous, qu’il s’est fait fils de Marie et charpentier. C’est parce que son Amour est infini qu’il a voulu tout partager de nos vies, pour tout sauver dans nos vies.
Proximité et transcendance : c’est ce que Benoîte Rencurel a goûté ici, au long des 54 années d’apparitions. Car malgré cette durée importante, jamais Benoîte n’a banalisé les manifestations célestes. Parce qu’elle croyait à l’amour de Dieu, elle était convaincue qu’il pouvait se manifester dans le quotidien ; et parce qu’elle reconnaissait la majesté divine, elle a vécu chaque apparition dans un profond respect du Seigneur, de Marie et des anges.
Proximité et transcendance : c’est l’expérience que propose le sanctuaire du Laus, à l’école de Benoîte. Particulièrement dans la chapelle de Bon Rencontre, lieu privilégié des apparitions, mais aussi en bien d’autres lieux du sanctuaire, cette proximité du Seigneur et de Marie sont d’une douceur et d’un réconfort grandioses. Mais ces lieux sont aussi l’occasion d’une véritable confrontation à la transcendance divine, ineffable et adorable.
Proximité et transcendance : c’est ce que nous fait percevoir, en notre région, l’expérience de la montagne. Et ce n’est certainement pas pour rien que la Vierge a choisi ce lieu dans la montagne, afin de nous rapprocher de la nature et d’élever humblement nos cœurs par la contemplation des sommets.
Proximité et transcendance : pour accueillir celui qui est vraiment Dieu, et qui est vraiment présent dans le plus ordinaire du quotidien de Nazareth. Amen.
Télécharger cette homélie du dimanche 8 juillet 2012, 14e dimanche du temps ordinaire année B