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Sunday 22 May - Fête de la Sainte Trinité
L'évidence trinitaire !
Par le père Ludovic Frère, recteur du sanctuaireVeuillez m’excuser de vous le dire peut-être trop directement ou pas assez subtilement, mais il me semble que nous ne sommes pas très doués ! Nous avons la lumineuse Révélation biblique, nous avons 2000 ans de réflexion théologique et spirituelle, nous avons nos années personnelles de vie de foi et de participation aux sacrements… et malgré tout cela, bien souvent, quand on nous interpelle sur la Trinité, nous balbutions tels des enfants devant une leçon mal apprise !
Bien entendu, le mystère de la Très Sainte Trinité n’est pas une définition à apprendre par cœur ou une énigme à résoudre. Mais comment se fait-il que nous puissions nous laisser à ce point déstabiliser part ceux qui ne comprennent pas notre foi trinitaire ? Certains musulmans, par exemple, se moquent de ce qu’ils considèrent comme une croyance en trois dieux. Et nous, nous n’avons rien à leur répondre… alors que nous ne devrions vraiment pas rougir de l’intelligence du mystère chrétien !
Qu’est-ce qui a donc manqué à notre catéchèse, ou qu’est-ce qu’il manque aujourd’hui à notre vie de foi, pour que nous nous laissions ainsi dérober le mystère le plus sublime qu’il ait jamais été donné d’entendre par des oreilles humaines ? Un seul Dieu en trois personnes. Dieu unique, Père, Fils et Saint Esprit.
Sans doute qu’une bonne définition par Dieu Lui-même, un peu comme il donna à Moïse les 10 commandements, aurait été une manière pratique pour savoir comment rendre compte du mystère de la Trinité. Mais la Bible ne parle jamais de Dieu en soi, elle parle de Dieu pour nous. On n’y découvre donc pas de définition de Dieu en soi, mais une illumination progressive pour que nous participions ensemble à sa propre Vie. Saint Paul a ainsi parlé, dans la 2e lecture, de « l’accès à cette grâce dans laquelle nous sommes établis ».
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Vous voyez : il s’agit bien plus d’accéder à un mystère comme on rentre dans l’intimité de la vie d’un ami, que de résoudre une équation par la seule force de notre raison ; entrer dans le mystère d’une relation, qui nous saisit tout entier en même temps qu’elle nous relie tous ensemble.
Voilà bien ce que Jésus vient de nous révéler dans l’évangile : « Tout ce que possède le Père est à moi » et « l’Esprit reçoit ce qui vient de moi pour vous le faire connaître » : il ne s’agit donc pas d’apprendre par coeur une bonne définition de la Sainte Trinité, mais de se laisser saisir, tous ensemble, par ce grand mouvement où le Fils reçoit tout du Père, l’Esprit reçoit tout du Fils et nous recevons tout de l’Esprit… « Tout », c’est-à-dire bien plus qu’une connaissance théorique : nous recevons en partage la vie trinitaire elle-même !
De ce mouvement de don et de réception, l’intelligence humaine peut alors s’emparer, non pour le réduire aux possibilités de nos cerveaux limités, mais pour l’intégrer dans ce qui fait l’ordinaire de notre vie humaine et le cœur de toute existence : l’amour.
L’amour, c’est de la relation entre des personnes. Nécessairement, si Dieu est Amour, il doit être en relation. Si l’amour n’est pas simplement un « sentiment » ressenti par Dieu, mais Son être-même, Il doit être en relation dans Son être-même : Il ne peut pas dépendre d’autres êtres que Lui-même pour être amour.
En Dieu, il y a donc nécessairement tout ce qui fait la réalité d’un amour : discussion, complicité, joie à échanger, besoin de se donner, disponibilité pour recevoir… tout cela existe en Dieu de toute éternité, avant qu’il le diffuse à sa création et particulièrement à l’homme, créé à son image et à sa ressemblance.
L’amour véritable est à la fois partage et coopération : le partage nécessite quelqu’un qui donne et quelqu’un qui reçoit, mais deux personnes qui s’aiment doivent aussi coopérer pour porter leur amour vers autre chose qu’elles-mêmes. Le partage implique deux personnes ; la coopération en implique une troisième. Voilà donc qu’en Dieu, 3 Personnes s’aiment de toute éternité, puisque Dieu est Amour.
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Ce mystère de la Trinité, nous le célébrons aujourd’hui en un sanctuaire où la Vierge Marie a choisi une simple bergère illettrée pour porter son message de conversion et d’apaisement. Et pourtant, c’est une expérience trinitaire formidable que Benoîte Rencurel a pu vivre ici et qu’elle nous aide certainement à vivre nous aussi !
Quelques exemples glanés ici ou là, dans les Manuscrits du Laus : d’abord, quand Benoîte est poussée à aller prier à la croix d’Avançon, elle entend un ange lui dire devant Jésus crucifié : « Voilà ce qu’a souffert votre Père et le mien ! »… mystérieuse souffrance du Père en son Fils unique !
19 ans plus tard, la servante du Laus saisit combien sa vie spirituelle doit s’enraciner davantage encore en Jésus-Christ. « Benoîte priait Marie plutôt que Jésus, rapportent les Manuscrits. La Vierge Marie l’avertit qu’elle devait recourir à Jésus, son très cher Fils, plutôt qu’à elle ».
Et quand Benoîte perçoit combien sa mission la dépasse, c’est à l’Esprit Saint que la Belle Dame l’invite à s’en remettre, comme lors des interrogatoires devant l’Archevêque : la Vierge Marie dit à Benoîte « de répondre à Monseigneur comme le Saint Esprit le lui inspirait ».
L’expérience mystique de Benoîte n’est bien sûr pas une preuve de la Sainte Trinité, puisqu’il s’agit uniquement de révélations privées, qui n’engagent pas la foi. Mais son expérience spirituelle développée sur 54 années d’apparitions nous ouvre à la nécessité pour nous tous d’entretenir une relation quotidienne avec chacune des trois Personnes de la Trinité.
Il ne devrait pas passer un seul jour sans que nous ayons invoqué le Père, le Fils et l’Esprit Saint. La fête de ce jour peut justement nous aider à discerner si nous avons une pareille adoration, un pareil amour pour chacune des 3 Personnes de la Sainte Trinité. C’est aussi pourquoi la liturgie nous est indispensable : elle nous ouvre ensemble à la présence du Dieu Trois Fois Saint.
Mais nous savons bien que nos liturgies seraient mensongères si elles ne cherchaient à se prolonger dans notre vie quotidienne, là où la Sainte Trinité est à la fois merveilleusement présente et délicatement cachée, pour que l’amour qui unit le Père et le Fils dans l’Esprit circule en nous et entre nous.
Ainsi, au fur et à mesure de notre fréquentation intime et de notre célébration commune des 3 Personnes de la Sainte Trinité, nous devenons toujours plus capables de faire nôtres ces mots d’une sainte femme, apparue ici à Benoîte ; Sainte Catherine de Sienne, qui priait ainsi : « Ô Toi, Trinité éternelle, mer profonde dans laquelle plus je pénètre plus je te trouve, et où plus je te trouve, plus je te cherche[1] ». Amen.
[1] Catherine de Sienne, Dialogue de la Divine Providence, CLXVII.