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dimanche 4 décembre - 2ème dimanche de l'Avent
Le loup et l'agneau !
Par le père Ludovic Frère, recteur« Le loup habitera avec l’agneau », nous a dit Isaïe dans la première lecture. Or, pour l’instant, loups et agneaux ne font pas vraiment bon ménage… nous le savons bien dans les Hautes-Alpes où c’est un sujet polémique ; qu’on soit pour ou contre la réintroduction du loup dans nos montagnes, force est de constater qu’il ne cohabite pas encore facilement avec l’agneau !
La promesse relayée par le prophète en est d’autant plus étonnante qu’elle ne s’arrête pas là : « Le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble (…), la vache et l’ourse auront même pâture ». Voilà un zoo fort sympathique, où tous les animaux vivent dans une non-violence inattendue et, jusqu’à présent, jamais constatée sur Terre !
Car, si nous admirons les beautés de la Création, nous voyons aussi que la nature ne brille pas toujours par son harmonie. Sa splendeur parle de Dieu, c’est incontestable ; d’ailleurs, au Moyen-âge, s’est développée la théologie des deux livres ouverts : le livre de la Création et celui de la Bible. Le Seigneur se révèle sublimement par sa Parole dans la Bible, mais il nous parle aussi par sa Création, belle et foisonnante. Le sanctuaire du Laus témoigne justement de cette beauté créée qui dit quelque chose de la délicatesse et de la grandeur d’un Dieu encore infiniment plus beau que tout ce que nous pouvons voir sur Terre.
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Mais si la nature nous donne de contempler la beauté des fleurs, la diversité des espèces, la grandeur des montagnes et la magnifique complexité de l’être humain, elle est aussi un lieu de blessures : catastrophes en souffrances dans le monde…tous genres, violences entre les espèces animales, et toutes les maladies qui peuvent nous toucher, sans parler bien sûr des relations humaines… la Création n’est pas que beauté et harmonie, loin s’en faut !
On a alors vite fait d’accuser Dieu : on lui reproche d’avoir mal travaillé en faisant une Création imparfaite ou on l’accuse de ne pas agir en laissant faire les catastrophes naturelles ou les cancers. On va même parfois jusqu’à douter qu’il existe, quand on voit tant de souffrances dans le monde…
Mais, en réalité, tout en nous parlant de la beauté de Celui qui l’a faite, la Création nous parle aussi du mystère du mal qui habite notre monde, et dont Dieu n’est en aucun cas complice. C’est le fameux « mystère d’iniquité » : c’est-à-dire que notre monde est merveilleux, mais c’est un monde abimé. Des créatures invisibles, appelées démons, et des créatures visibles, les hommes, ont laissé le mal défigurer le monde, en refusant d’entrer dans le projet de la Beauté divine.
Dans la lettre aux Romains, saint Paul parle de la Création qui « a été livrée au pouvoir du néant, non parce qu’elle l’a voulu, mais à cause de celui qui l’a livrée à ce pouvoir » (Rm 8,20). Depuis la chute originelle à l’instigation de l’Esprit du mal, le projet divin est donc gravement blessé ; ça n’est pas imputable à notre seule responsabilité personnelle, même si nous avons notre part dans ce qui abime le monde, que ce soit par nos manques d’attention à soigner notre planète, mais aussi bien sûr par nos complicités avec le mal.
Il y a bien sûr des laideurs dans le monde dont on n’est pas responsable : les tremblements de terre et les cyclones, ça n’est quand même pas notre faute ! Bien entendu, mais nous faisons partie d’un monde qui a été abimé : le mal abime nos âmes et nos relations avec les autres, mais il abime aussi toute l’harmonie de la Création. Car, voyez-vous, tout se tient : il n’y a pas d’un côté la végétation et le monde animal, et de l’autre côté la vie humaine avec ses grandeurs et ses bassesses. Tout se tient : nous faisons partie d’un monde désharmonisé par le mal.
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Or, personne de normalement constitué ne peut être heureux de cette harmonie abimée. Elle nous fait du mal, cette blessure dans la Création et nous aspirons à une harmonie retrouvée au sein du cosmos tout entier.
Voilà justement que nous préparons ces jours-ci nos crèches de Noël (peut-être les avez-vous déjà installées ; au Laus, ce sera jeudi, pour la fête de l’Immaculée conception de la Vierge Marie). Dans nos crèches, nous allons placer des personnages, mais aussi un certain nombre d’animaux : l’âne et le bœuf, les moutons et sans doute quelques chameaux accompagnant les Rois mages.
En fait, nous allons alors poser un acte de foi, et je vous encourage à le faire concrètement, si ce n’est pas déjà fait, quand vous déposerez les animaux dans votre crèche. Nous allons confesser qu’avec la venue de notre Sauveur Jésus-Christ, la promesse d’Isaïe s’accomplit réellement : « le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau »… La Création tout entière est concernée par ce grand mystère de Noël, où Dieu se fait homme : il vient toucher la Terre et rejoindre sa Création bien-aimée pour lui redonner sa beauté.
C’est pourquoi Noël est une fête si importante. Quand Dieu vient parmi nous, ce n’est pas pour une tournée d’inspection ou un petit tour en passant, c’est pour tout restaurer ! C’est pour remettre l’harmonie dans tout ce qui a été abimé. C’est pour ramener la paix dans tout ce qui a été divisé. C’est pour faire venir la réconciliation entre tous ceux qui se dévorent… et ça ne concerne pas seulement les loups, sauf à reconnaître avec les penseurs de l’Antiquité que l’homme est un loup pour l’homme.
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Nous avions besoin d’un Sauveur pour restaurer tout ce qui était abimé, dans les cœurs humains comme dans toute la Création. Mais Jésus, que nous proclamons « Sauveur », est-il parvenu à redonner à notre Terre toute sa beauté et son harmonie ? Franchement, quand on regarde le nombre de catastrophes naturelles qui blessent encore notre monde, quand on voit que le loup et l’agneau n’ont pas encore fait « ami-ami », et plus encore, quand on se désole des guerres qui ensanglantent l’humanité, on peut penser : visiblement, ça n’a pas marché ! La venue de Jésus-Christ n’a rien restauré de ce qui était abimé !
Jean-Baptiste annonce le Messie dans l’évangile d’aujourd’hui, mais il s’interrogera plus tard depuis la prison où on l’aura enfermé – ce sera l’évangile de dimanche prochain. Le baptiste fera demander à Jésus : « Es-tu celui qui doit venir, où devons-nous en attendre un autre ? » (Mt 11,3). Il s’interroge parce qu’il ne voit pas de résultat : le monde ne paraît pas sauvé, alors Jésus en est-il réellement le Sauveur ?
Le temps de l’Avent est justement là pour nous faire saisir plus en profondeur combien nous avons besoin d’être sauvés, mais aussi combien nous sommes déjà sauvés ! Christ est venu - nous le fêterons à Noël - mais il reviendra - c’est ce que nous attendons avec grand désir.
Nous sommes donc dans cette période de l’histoire « entre deux » ; une période qui s’achèvera par la venue glorieuse de notre Seigneur. Alors, à ce moment-là, les « Cieux nouveaux » et la « Terre nouvelle » nous seront pleinement dévoilées. Pour l’instant, nous sommes dans l’entre-deux : Jésus est venu, mais avant que tout soit éternellement accompli, la Création entière est en phase de guérison ; nous sommes tous en cours de guérison.
Le Sauveur n’est pas venu simplement réparer une Création défectueuse comme un plombier vient colmater une fuite. Il est venu nous sauver du plus profond de notre être, en s’unissant à notre humanité pour la rénover de l’intérieur et la libérer de la mort éternelle. Comme un formidable médecin, il est venu apporter le remède, mais plus encore : il s’est fait lui-même remède ! Désormais, la guérison est en cours pour ceux qui accueillent le remède et le laissent agir en eux. Voilà le mystère de notre temps : temps du remède, en accueillant Jésus pour nous laisser guérir par lui !
Au Laus, nous sommes en un lieu particulier de guérisons, depuis 350 ans. Cet endroit n’est pas « magique », et l’huile du Laus qui soutient ici notre démarche de foi n’est pas « miraculeuse ». Ce lieu et ce signe nous rappellent seulement que, si nous prenons le remède qu’est Jésus lui-même, alors au terme de cette convalescence qu’est la vie humaine, nous serons vraiment guéris : nous serons saints, dans un monde entièrement transfiguré où le loup habitera avec l’Agneau. Maranatha, Viens Seigneur Jésus ! Amen.