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Sunday 14 July - 15ème dimanche du temps ordinaire
Le divin Samaritain
Par le père Ludovic Frère, recteurChaque année, les libraires présentent les incontournables de l’été : ces livres qu’il faut absolument emporter dans ses bagages pour les vacances. Mais le plus incontournable de tous les livres reste toujours le même. Un livre qui n’en est pas un, puisqu’il est vivant. Une parole vivante et agissante : la Bible. « Elle est près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur », a dit la première lecture.
Ce dimanche est ainsi un véritable appel à plonger dans la Bible avec plus de délectation qu’on ne le ferait dans une piscine. Avis aux vacanciers : vous avez là tout ce qu’il faut pour des vacances paisibles ! Un trésor inestimable, une puissance de vie, une lumière indispensable pour faire le point sur l’année écoulée et pour avancer vers l’année nouvelle.
Cette richesse insondable de la Parole biblique, on n’a cessé dans l’Église de la découvrir, de l’affiner, de la préciser en distinguant les différents sens de l’Écriture. 4 niveaux de lecture qui se complètent les uns les autres : le sens littéral, le sens allégorique, le sens moral et le sens anagogique.
Le premier sens, littéral, vise tout simplement à comprendre les faits. Le deuxième sens, allégorique, renvoie à de grandes vérités révélées par-delà le récit. Le 3e sens, moral ou tropologique, cherche dans le texte biblique les leçons et vertus à mettre en application dans nos vies. Le 4e sens, anagogique, appelle à entendre dans la Parole de Dieu une annonce de réalités futures et éternelles.
Je vous encourage à profiter de l’été pour goûter la Parole de Dieu dans tous ces sens ; qu’elle vous rejoigne ainsi comme une Parole toujours nouvelle et actuelle. À ce titre, l’évangile de ce dimanche est une magnifique opportunité pour découvrir et savourer ces différents niveaux de lecture, et surtout ici du sens allégorique qui est d’une profondeur exceptionnelle. Alors, à la suite de Saint Irénée au 2e siècle, d’Origène au 3e, ou de St Ambroise et St Augustin au 4e siècle, je vous invite à prendre plaisir à découvrir la richesse symbolique de cette parabole du Bon Samaritain.
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D’abord, le Christ présente un homme laissé là, sur le bord de la route. Ce blessé, n’est-ce pas l’humanité entière ? Cette humanité a été gravement attaquée. L’être humain « tomba sur des bandits » qui « s’en allèrent en le laissant à moitié mort ». Ces bandits qui blessent l’humanité, ce sont les puissances du Mal, cherchant à nous dépouiller de notre dignité. L’esprit maléfique veut nous faire offenser Dieu qu’il déteste et nous faire désespérer de nous-mêmes comme des autres. L’être humain se retrouve alors « à moitié mort », dit Jésus. Saint Augustin commente : « L’homme (…) par le côté de lui-même qui peut saisir et connaître Dieu est vivant ; mais en tant que le péché lui ôte sa force et l’accable, il est mort. » D’où cette précision : sur le bord de la route, il est laissé « à moitié mort ».
Dans cet état déplorable, l’humanité avait besoin d’un Sauveur : quelqu’un capable de la soigner et de la relever. Mais qui donc pouvait le faire ? Passent d’abord un prêtre de l’ancienne alliance et un lévite : tous deux représentent la loi et les rites, qui ne parviennent pas, par eux-mêmes, à rejoindre l’humanité blessée. Parce que la loi ne sauve pas, la ritualité ne sauve pas. Ils « passent à côté », dit Jésus. Si nous pensons que le seul respect de la loi et des rites peut nous sauver, nous passons à côté de notre guérison. On ne se sauve pas par soi-même, par de seuls actes ou de simples prières.
Mais voilà qu’arrive un Samaritain. Le mot « Samaritain » signifie « gardien ». C’est un gardien qui s’approche, le Gardien des âmes. Il a repéré l’humanité gisant sur le chemin. En tant que Samaritain, il n’est pourtant pas du même sang que le blessé, contrairement au prêtre et au lévite qui sont de sa nation. Ce bon Samaritain qui ne partage pas le même sang, c’est le Fils éternel de Dieu. Il n’est pas une créature, il est Dieu !
Mais du haut des Cieux, il ne néglige pas la vie de ses créatures. L’évangile dit que le bon Samaritain « le vit et fut saisi de compassion ». « J’ai vu la misère de mon peuple », dit le Seigneur dans le livre de l’Exode. Le Dieu miséricordieux est touché par l’humanité misérable. « Saisi de compassion », son cœur divin est bouleversé. Il ne peut donc rester au Ciel, à nous guider seulement par la loi.
Alors, ce Samaritain éternel fait deux choses : « il s’approcha » et il « pansa ses blessures. » Deux verbes pour dire deux grands mystères : Noël et Pâques. D’abord, le Sauveur s’approche. C’est le mystère de l’incarnation : la loi et les prophètes représentés par le lévite et le prêtre de la première alliance restaient à distance. Mais, révèle saint Jean, « le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous ». Le Fils éternel est devenu l’un de nous : « il s’approcha », au plus près qu’il était possible de s’approcher.
Et s’il s’approche, ce n’est pas pour mépriser ou pour juger, c’est pour soigner. « Il pansa ses blessures en y versant de l’huile et du vin. » Le Seigneur nous soigne par sa parole et sa présence : l’huile et le vin. Sur les plaies, ce vin et cette huile adoucissent et piquent à la fois, car c’est avec douceur et vigueur en même temps que le Seigneur nous soigne, nous désinfecte et nous sauve de la mort.
Ce soin que le Christ a pour nous, c’est sur la croix qu’il le porte à son sommet. Il a pris sur lui nos blessures et nos péchés. Ainsi, le bon Samaritain « le chargea sur sa propre monture ». Oui sur la monture de la croix, le Christ a tout porté ! Saint Paul l’a proclamé solennellement dans la 2e lecture : « faisant la paix par le sang de sa croix, la paix pour tous les êtres, dans le ciel et sur la terre ».
Si le Christ a porté sur la croix l’humanité blessé, c’est pour la conduire jusqu’à l’auberge. Cette auberge, les Pères apostoliques y voient l’image de l’Église, le lieu où chacun peut retrouver des forces et guérir. On critique facilement l’Église, on la voit fréquemment comme un lieu de conflits ou de scandales. Mais le Christ nous rappelle aujourd’hui qu’elle est d’abord le lieu du repos, là où le Seigneur conduit tous les blessés pour qu’ils reprennent des forces. À cet égard, l’expérience que l’on vit au Laus fait goûter cette réalité première de l’Église : une auberge où le Christ conduit les blessés pour qu’ils aillent mieux. C’est bien ce que vous vivez au Laus, n’est-ce pas ? Et nous voilà tous interrogés sur ce que nous vivons aussi ou pas assez dans nos communautés paroissiales : sont-elles des lieux où les blessés sont accueillis pour être soignés et guéris ? Sont-elles des oasis de paix où l’on reprend des forces ?
À cette fin, le Christ bon Samaritain confie à son Église « deux pièces d’argent ». S’agit-il des deux Testaments, l’Ancien et le Nouveau, comme un bien donné à l’Église afin de soigner toutes les blessures ? S’agit-il des deux commandements confiés par le Christ à ses disciples, l’amour de Dieu et l’amour du prochain ? Il est justement question de ces deux commandements en préambule à la parabole du Bon Samaritain : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur (…) et ton prochain comme toi-même ». Ces deux commandements ne sont pas une loi ; elles sont un remède pour que les malades se remettent debout !
Et nous chrétiens, nous sommes à la fois des blessés qui trouvent dans ce double commandement leur guérison, et le personnel de l’hôtellerie qui accueille les blessés afin de les soigner par ce double commandement. Avec deux pièces d’argent, comme une promesse : « tout ce que tu auras dépensé en plus, je te rendrai quand je repasserai ». Ce bon Samaritain annonce un retour. Comment ne pas y voir le retour du Christ en Gloire, que nous confessons dans la foi : « il viendra pour juger les vivants et les morts » ? À ce retour, nous serons largement remboursés de tout ce que nous aurons dépensé pour avoir soigné les blessés que le Christ nous confie.
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Vous voyez : cette lecture allégorique, qui voit dans le blessé l’humanité entière et dans le bon Samaritain le Christ Sauveur, est d’une richesse formidable. Vous en aurez peut-être retenu l’un ou l’autre des symboles, comme autant d’invitations à l’action de grâce et à l’action tout court. Vous vous serez sans doute reconnu dans le blessé. Vous aurez entendu aussi l’appel à devenir à votre tour ce Samaritain qui offre au Christ ses bras et son cœur pour qu’il puisse rejoindre tous les blessés. Vous aurez découvert encore, dans cet homme au bord du chemin, le Christ Lui-même s’identifiant à tous ceux qui souffrent.
Appelés à nous approcher des blessés, à être saisis de compassion, à soigner les autres, à les porter sur nos montures pour les conduire à l’auberge de la grâce… comme le Christ le demande au docteur de la loi : « Va, et toi aussi, fais de même ». C’est tout cela, que la Parole vivante nous appelle à entendre et à vivre.
En cette période estivale, vous aurez alors saisi l’évidence : le Seigneur nous appelle à plonger dans sa Parole, à nous en nourrir, à la fréquenter. Le plus indispensable de nos bagages estivaux se trouve là : prenez le temps de goûter la Parole de Dieu et d’y trouver vos délices. Si vous êtes ici en vacances, avez-vous pensé à prendre une Bible ? Si vous allez bientôt faire vos valises, ne manquez pas d’en emporter une pour goûter cette magnifique promesse qui est aussi un appel pressant : « Elle est près de toi, cette Parole : elle est dans ta bouche et dans ton cœur, pour que tu la mettes en pratique ». Amen.
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