Rechercher dans les homélies
Homélie en détails
Pour être tenu informé des publications d'homélies
Sunday 13 May - Rencontre des aumôniers de prison à Notre-Dame du Laus
L'amour frappe à toutes les portes du coeur
Par Mgr Félix Caillet, vicaire général
« Reste debout ! Je ne suis qu’un homme, moi aussi. »
On peut imaginer facilement que beaucoup auraient été particulièrement heureux de voir ce centurion de l’armée romaine à quatre pattes devant Pierre, au cœur de la ville portuaire construite à la gloire de l’empereur César. L’homme est ainsi fait qu’il connait une jouissance facile à voir son ennemi à ses pieds et son adversaire reconnaitre sa grandeur.
« Reste debout ! » Ces quelques mots de Pierre en disent long sur le regard que Pierre a appris à poser sur tout être humain. Il a compris que « Dieu ne fait pas de différence entre les hommes, mais quelle que soit leur race, il accueille les hommes qui l’adorent et font ce qui est juste ». Il a pressenti que l’Esprit peut s’emparer de quiconque a le cœur ouvert à la parole des Apôtres et par là, à la Parole du Christ.
Elle est désormais inscrite dans le cœur de Pierre, la phrase du Christ à ses disciples : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour. Je ne vous appelle plus serviteurs … je vous appelle mes amis. »
L’Esprit vient s’emparer de nous pour nous faire comprendre que l’Amour du Père et l’Amour du Fils sont sans condition, sans préalables. Dieu est Amour, son amour est inconditionnel. Le fils prodigue n’a pas dû se soumettre à multitude d’engagements pour que les bras de son père s’ouvrent pour l’accueillir. Aucun discours de morale pour Marie-Madeleine ! Son parfum versé, elle sait qu’elle peut se remettre debout et emboiter ses pas dans celui du Christ jusqu’au-delà du tombeau. Le Ressuscité n’est-il pas descendu aux enfers pour en libérer celles et ceux qui y avaient sombré ? Pierre n’a pas subi d’examens, pas même d’élections pour se voir confier l’Eglise. Il a été touché sur l’Amour, sur son amour vécu, son amour à vivre.
Benoite Rencurel, pendant des années et des années, 54 ans au total, se laissant patiemment catéchiser par la Vierge Marie et son Fils, est entrée peu à peu dans le mystère de l’Amour insondable. Avec la même patience, elle a invité ses contemporains à faire la même expérience de foi, à se laisser réconcilier. Elle a saisi au plus intime de son être qu’il revient à l’Eglise d’être, en son temps, signe visible de l’amour de Dieu et signe parlant de sa tendresse pour l’humanité. Il fallait, ici au Laus, ouvrir un refuge pour les pécheurs de tous les temps.
Dans sa charge sacramentelle, l’Eglise d’aujourd’hui reçoit la même mission : l’amour du Père se déploie pour chaque être dans chacune des célébrations sacramentelles. Pourtant, aussi riches que soient ces 7 sacrements, ils ne peuvent contenir pour l’enfermer toute l’expression d’amour du Sauveur. Aussi l’Eglise, qui est sacrement du salut dans tout ce qu’elle vit, parle de sacramentaux. Il s’agit d’autres rites, d’autres pratiques symboliques telles l’imposition des cendres, la bénédiction, les funérailles. Un « je confesse à Dieu » est un sacramental car il engage déjà la personne et son Seigneur dans une relation de réconciliation. Le rituel de la célébration de la pénitence et de la réconciliation prévoit d’ailleurs que des chrétiens puissent participer à des célébrations qui ne comportent pas le signe sacramentel de la réconciliation. Ces formes rituelles sont à l’adresse de personnes que leur situation publique prive de l’Eucharistie, à l’adresse des enfants dans le cadre de leur initiation chrétienne.
Vous qui, parmi nous aujourd’hui, assumez une mission d’Eglise dans une aumônerie de prison, vous savez plus que quiconque, qu’il faut du temps à un être humain pour dépasser le déni. La grâce sacramentelle ne peut être plénière que lorsque l’individu reconnait sa faute, son péché, dans une extraordinaire liberté intérieure. Dans son intelligence, l’Eglise a compris qu’il fallait laisser du temps pour qu’une parole soit libérée, bribes par bribes, pour que l’être humain en arrive à saisir le poids de son péché. Si Dieu condamne la faute (désormais, va et ne pèche plus !) il ne condamne jamais le pécheur. « Si ton cœur en arrive à te condamner, Dieu est plus grand que ton cœur, il ne te condamne pas ! » déclare saint Jean dans sa 1ère lettre au chapitre 3. Ces « pardon, Seigneur ! » balbutiés saisissent déjà l’être humain dans une dynamique de pardon sans qu’elle soit pour autant sacramentelle.
Un accompagnement d’une équipe de pastorale de la santé dans les hôpitaux est signe de la présence du Christ, signe sacramental du Christ soutenant nos frères et sœurs souffrants. Cet accompagnement est un chemin vers la célébration du sacrement des malades. Il engage toute l’Eglise dans la diversité de ses membres, laissant au ministre sa place particulière.
Ainsi l’Eglise répond à sa mission. Elle est par son accueil, son accompagnement, sa manière d’être, son attitude pétrie d’humanité, signe de la transcendance et de l’Infini de l’amour du Père. « Aimons-nous les uns les autres puisque l’amour vient de Dieu. Tous ceux qui aiment sont enfants de Dieu et ils connaissent Dieu ».
Il ne nous revient pas de descendre aux enfers mais seulement de nous en approcher ! L’amour de Dieu peut entrer partout, jusque dans les cellules des maisons d’arrêt, des centres de détention et des centrales. L’amour de Dieu peut approcher, pour en atteindre son cœur les malades en fin de vie avec leurs angoisses et leurs désespoirs et les ouvrir à l’espérance.
L’amour peut frapper à toutes les portes du cœur ! A nous, en tout premier lieu, de lui ouvrir le nôtre.