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Sunday 10 May - 6ème dimanche du temps pascal - clôture de la session mariale
L’amitié véritable
Par le père Ludovic Frère, recteurSi vous deviez caractériser la nature de votre relation personnelle avec le Seigneur, quels mots choisiriez-vous ? Rapport de Créateur à créature ? De Sauveur à sauvés ? De Père à enfant ? De Source à assoiffé ?... Pour vous, le Seigneur est-il surtout un Maître, un Mystère, une Puissance de vie, un Supérieur à craindre ou un amoureux à étreindre ?
Voilà qu’aujourd’hui Jésus Lui-même révèle le rapport qu’il souhaite vivre avec nous : « Je ne vous appelle plus serviteurs, je vous appelle mes amis ». Comprenons bien : nous sommes ici au soir du Jeudi Saint. Tout à l’heure, Jésus s’est levé de table et il a lavé les pieds de ses disciples. Ensuite, après les avoir appelés à ne pas se laisser troubler par les événements à venir, il leur a révélé : « Je suis la Vigne, vous êtes les sarments ». C’est ce qu’il nous disait dimanche dernier : un lien vital nous unit au Christ. Mais cette image végétale ne dit pas tout. Il ajoute alors : « je vous appelle mes amis ».
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Victor Hugo disait : « Ami est quelquefois un mot vide de sens ; ennemi, jamais ». On s’en rend certainement compte, en effet : quand Jésus demande l’amour des ennemis, nous avons tout de suite le vertige, car nous comprenons qu’il nous appelle à quelque chose de très exigeant. Mais quand il se présente à nous tel un ami, il est peut-être plus difficile de percevoir ce que ça implique concrètement pour nous.
Alors, Jésus ne définit pas sa relation d’amitié avec nous, il la vit. Il la vit avec Marthe et Marie dans la simplicité d’un repas ; avec Lazare dont il pleure la mort ; avec Pierre dont il aime le caractère entier ; avec Jean, l’ami privilégié… et aussi : avec vous, avec moi, avec chacun d’entre nous, quels que soient nos chemins de vie, quelles que soient nos sentiments d’indignité, il est notre ami ! VRAIMENT – oui, pas de doute, car c’est Lui qui l’a promis, c’est Lui qui l’a voulu ainsi – il est VRAIMENT notre ami ! Le Sauveur du monde, le Souverain Roi de l’univers est notre ami !
Or, précisément, entre amis, on ne se complique pas les choses, on se parle franchement. Ainsi Benoîte est-elle ici capable, quand un ange lui apparaît au petit matin, de lui faire remarquer qu’il était trop tôt et qu’il fallait qu’il repasse un peu plus tard. Ah, si nous avions avec le Ciel une relation aussi simple, de confiance et d’amitié ! Nous cesserions alors de nous troubler au moindre faux-pas ou de culpabiliser à la moindre distraction dans la prière.
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« Je vous appelle mes amis » ! On ne fait rien pour mériter une amitié ; elle s’offre à nous, sans raison, sans arguments. On sait comment Montaigne définissait son amitié avec la Boétie : « parce que c’était lui, parce que c’était moi ». Avec le Christ non plus, l’amitié n’est pas à mériter ; c’est Lui-même qui la veut et qui la soigne avec tendresse, parce que c’est Lui, parce que c’est nous.
Or, nos expériences d’amitiés véritables nous montrent qu’un ami sait se réjouit de nos succès et n’exploite pas nos échecs. Il ne dit pas du mal de son ami, il le bénit en toute circonstance. Un ami vous tient la main dans la souffrance et cherche la moindre occasion pour vous faire plaisir. C’est ainsi que Jésus-Christ agit pour nous : « je vous appelle mes amis ».
Etre ami, c’est aimer passer du temps avec l’autre : Jésus aime passer du temps avec nous – et heureusement qu’il le fait sans attendre que nous ayons atteint la perfection… Mais en réponse, est-il aussi vraiment notre ami, au point que nous aimions passer du temps avec Lui ? La prière est-elle pour nous une contrainte, un labeur, ou du temps passé avec le grand ami ?
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Saint Thomas d’Aquin dit que des amis véritables vivent une communion dans la volonté d’un même bien : ils cherchent ce même bien et le désirent l’un pour l’autre ; et plus le bien désiré est grand, plus l’amitié grandit.
Et voilà que Jésus nous dit aujourd’hui : « je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître ». L’amitié se nourrit de la joie de confier à un autre ce qu’on a de plus profond, de plus essentiel. L’amitié est communication de ce qu’on a de plus précieux ; et le Christ n’a rien de plus précieux que le lien qui l’unit à son Père, dans l’Esprit Saint. C’est justement cela qu’il nous donne : « tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître ».
Jésus notre ami nous aide alors aussi à bien identifier notre ennemi, l’Esprit du mal, le Satan : Ennemi qui exploite nos failles, alors qu’un ami accepte nos imperfections et soutient nos faiblesses. Malveillant comme personne, l’Ennemi ne veut pas qu’on se relève après une chute. En ce sanctuaire, Benoîte témoigne qu’un jour elle dit à la Vierge Marie : « Belle Dame, que la confession est une chose admirable ! Ce matin, j’ai vu à chaque confessionnal un diable, et à mesure que les pénitents se confessaient bien, il battait des pieds et se rongeait les poings ».
L’ami Jésus, c’est le contraire : nos confessions le réjouissent ! Alors, j’espère que vous serez nombreux, si ce n’est déjà fait, à vivre aujourd’hui encore ce beau sacrement du pardon pour faire enrager l’Esprit malveillant et réjouir notre ami Jésus. Permanence cet après-midi de 14h30 à 17h… qu’on se le dise : l’esprit du mal va encore bien se ronger les poings ! Quant à l’ami Jésus, il va exulter des retrouvailles avec son Père de ceux qui étaient perdus et qui sont retrouvés !
Car en Jésus, nous n’avons pas qu’un simple camarade : le confort d’une camaraderie peut s’accommoder du péché de l’autre ; l’ami, lui, veut le meilleur et aide à être meilleur. L’ami veut la sainteté pour son ami. Ainsi l’amitié du Christ est-elle notre plus belle motivation autant que notre plus grande grâce pour nous sanctifier.
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Enfin, l’amitié que le Christ nous porte et qu’il nous propose éclaire aussi le choix de nos amitiés avec les autres. Car il nous faut précieusement choisir et soigner nos amitiés. Gustave Thibon disait de l’amitié véritable : « il ne suffit pas d’aimer, il s’agit de savoir si les êtres que nous aimons sont des portes qui nous mènent au monde et à Dieu, ou des miroirs qui nous renvoient à nous-mêmes ».
Alors que, la semaine dernière, nous avons fermé la porte de l’année jubilaire en notre sanctuaire, et que nous commençons à préparer la Porte de la miséricorde que nous installerons sur le parvis pour l’année Sainte annoncée par le Saint Père, nos amitiés nous interrogent : nos amis sont-ils des portes qui nous mènent au monde et à Dieu, à l’image du Christ dont l’amitié nous ouvre à son Père et aux autres ? Ou errons-nous dans des amitiés qui ne font que nous renvoyer à nous-mêmes ?
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« Je vous appelle mes amis ». Cette révélation est comme une question : voulez-vous cette amitié avec le Christ ? Toi Rose, en demandant à faire aujourd’hui ta Première Communion, tu réponds concrètement et joyeusement à cette question. Tu désires faire de Jésus ton ami, non seulement pour qu’il t’accompagne dans toute ta vie, mais aussi pour qu’il habite ton corps, tes pensées, tes sentiments : un ami Sauveur, qui te sera toujours fidèle.
Avec ta famille, tu avais vraiment à cœur de faire ta Première Communion en notre sanctuaire. En ce mois de Marie, que la Vierge t’aide alors à accueillir Jésus comme elle sut l’accueillir dès sa conception. Et qu’elle nous aide tous à saisir encore qu’entre « Marie » et « amie », il y a seulement une lettre de différence. Ça ne fonctionne évidemment pas dans toutes les langues, mais la prédilection de la Vierge Marie pour la France a peut-être conduit à ce rapprochement : Marie est notre douce amie pour que Jésus le soit avec nous éternellement.
Marie, Reine de l’amitié, priez pour Rose et priez pour nous. Amen.