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Sunday 3 June - Messe de la solennité de la Sainte Trinité
La Trinité n'est pas une énigme
Par le Père Ludovic Frère, recteur du sanctuaire
Frères et sœurs, ce dimanche de la Sainte Trinité nous permet de résumer en une seule fête le grand mystère révélé de Dieu Père, Fils et Saint-Esprit. Un seul Dieu en trois personnes, mais pas trois dieux, ni seulement trois manières pour le Dieu unique de se présenter au monde : trois personnes bien distinctes, Père, Fils et Saint-Esprit, mais un seul Dieu, l’unique.
Qu’il est grand ce mystère ! Grand jusqu’à nous faire parfois mal à la tête, quand nous voulons le comprendre un peu ! Grand mystère, qui nous dépasse… et il est heureux qu’il en soit ainsi ; car nous cherchons à comprendre ici l’être profond du Dieu éternel et infini : nous ne pouvons donc l’enfermer dans quelques formules intellectuellement satisfaisantes ni le déduire simplement de notre expérience de la vie humaine.
Merci, Seigneur, de te révéler dans ce mystère trinitaire, qui nous assure que, jamais nous ne risquons de te réduire à ce que nous pouvons comprendre de toi. Et, en même temps, Dieu trois fois Saint, si tu t’es révélé Trinité, c’est bien pour que nous puissions approcher de ton mystère et en vivre. Alors, c’est toi-même qui soutiens tous nos efforts, toutes nos approches pour embrasser ce mystère.
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Il y a d’abord l’approche la plus spontanée peut-être, celle à partir de laquelle beaucoup cherchent à penser le mystère trinitaire : c’est une approche qu’on peut qualifier de « mathématique ». Comment « 1+1+1 » pourrait être égal à « 1 » ? D’une façon ou d’une autre, c’est souvent ainsi que l’on nous pose la question sur notre foi trinitaire. Mais elle est en fait mal posée, puisque les personnes divines ne s’ajoutent pas l’une à l’autre ; elles se multiplient pour ainsi dire, l’une par les autres. Elles n’existent que l’une dans les autres, l’une pour les deux autres. La bonne équation n’est donc pas 1+1+1=1, mais « 1x1x1 », ce qui, selon mes souvenirs mathématiques, est bien égal à « 1 ». Un seul Dieu en trois personnes.
Cette approche reste pourtant trop limitée ; en réduisant le mystère trinitaire à des considérations mathématiques, on risque de se complaire dans des représentations fort peu satisfaisantes. Ainsi, à certaines époques, l’art s’est essayé à la géométrie, en symbolisant Dieu par un triangle équilatéral.
Non, décidément, c’est une autre approche qui est nécessaire pour entrer dans le mystère trinitaire. Par exemple, une approche relationnelle, qu’on peut exprimer ainsi : si c’est bien l’amour qui définit l’être divin, alors Dieu devait aimer avant de créer. De toute éternité, il aime ; mais avant de créer, il n’aimait pas lui-même, car cela ferait de Dieu un narcisse éternel ; il aimait en lui-même, par lui-même. Si Dieu est amour, nécessairement, de toute éternité, il doit y avoir en lui une circulation d’amour, quelqu’un à aimer : amour du Père au Fils et du Fils au Père.
Ce n’est pourtant pas tout, car pour que cet amour ne soit pas fusionnel mais vraiment interpersonnel, il a besoin d’une personne qui face l’interrelation : l’amour qui unit le Père au Fils n’est pas seulement un sentiment, même totalement pur ; il est d’une telle consistance qu’il est une personne, l’Esprit-Saint. Ainsi comprenons-nous la circulation d’amour trinitaire qui se vit en Dieu de toute éternité, sans aucune possibilité d’enfermement ni de fusion.
Cette approche par la relation en Dieu est ainsi fort éclairante, mais il faut bien reconnaître qu’aucune réflexion intellectuelle sur le mystère de Dieu n’aurait jamais pu aboutir, par elle seule, à concevoir le mystère trinitaire. Une autre approche est donc indispensable. Elle est même première : c’est l’approche par la révélation. Si nous croyons que Dieu est Père, Fils et Saint-Esprit, ce n’est pas d’abord parce que c’est logique, mais parce que le Seigneur s’est révélé ainsi.
Le Christ envoie aujourd’hui les apôtres en mission, par ces mots : « de toutes les nations, faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit ». Et c’est tout au long de l’Evangile que la révélation nous offre de contempler le Père, le Fils et le Saint-Esprit, dans une égalité divine que le Christ met en pleine lumière.
Le Verbe éternel nous enseigne ainsi que le Père est source de tout bien, avant de nous révèle son identité parfaite de nature avec lui, par exemple quand le Christ annonce à ses disciples : « le Père et moi, nous sommes uns » - « Avant qu’Abraham fut, je suis ». Enfin, le Seigneur nous promet aussi l’envoi de l’Esprit-Saint, Dieu au même titre que le Père et le Fils.
Telle est la révélation très claire des Evangiles : le Père est Dieu, le Fils est Dieu, l’Esprit-Saint est Dieu. Mais pourtant, ce ne sont pas trois dieux, parvenant éternellement à s’entendre : il y un seul Dieu, comme le révélait le livre du Deutéronome en première lecture : « le Seigneur est Dieu, là-haut dans le ciel comme ici-bas sur la terre, et il n’y en a pas d’autre ». Un seul Dieu en trois personnes.
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Alors, frères et sœurs, si la Trinité est le fruit de la révélation et ne pouvait en aucun cas se déduire de notre seule réflexion sur l’être de Dieu, c’est que le Seigneur a voulu de lui-même nous donner accès à son être profond. En se révélant Trinité, il n’a bien sûr pas voulu nous compliquer la foi, ni satisfaire en nous quelque curiosité intellectuelle. Si le Christ nous révèle le mystère trinitaire, c’est que nous en avons besoin.
L’accueil de ce mystère est en effet nécessaire pour que nous puissions vivre en relation vraiment profonde avec le Seigneur. Ainsi, Dieu atteste clairement qu’il n’est pas qu’une force toute-puissante, créatrice et organisatrice de toute chose ; il est créateur, sauveur et vivificateur. Il est Père, Fils et Saint-Esprit, en relation de Père, de Fils et d’Esprit avec nous.
Bien sûr, ce sont toujours des mots humains : la paternité de Dieu, si elle fonde toute paternité humaine, la transcende pourtant infiniment. On a beau mettre une majuscule à « Père », comme on en met une à « Fils » et à « Esprit », ces mots doivent nécessairement être ouverts à l’infini de Dieu.
Mais au final, ce que le Seigneur veut, c’est que nous soyons en relation avec Lui, comme Père, comme Fils, comme Saint-Esprit. Il veut nous faire vivre par la relation de source qu’il a avec nous en tant que Père. Il veut nous faire vivre par la relation de fraternité qu’il a avec nous en tant que Fils. Il veut nous faire vivre par la relation d’intimité qu’il a avec nous en tant qu’Esprit.
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Ce dimanche n’est donc pas la célébration d’une énigme ; c’est la reconnaissance d’une relation, que Dieu veut avec nous déjà intense dès-à-présent, pour qu’elle s’épanouisse infiniment dans l’éternité.
« Baptisez au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit ». Si le mystère trinitaire reste toujours plus grand que tout ce que nos paroles peuvent chercher à en dire, n’oublions jamais que ce grand mystère a rejoint la profondeur de notre être quand nous avons été baptisés : nous avons été plongés dans la Trinité, plongés dans la circulation d’amour qui unit les trois personnes divines de toute éternité.
Le mystère trinitaire n’est donc pas tant à comprendre qu’à accueillir ; et c’est en l’accueillant que l’on comprend toujours plus son mystère d’amour : Dieu se révèle Trinité pour nous aimer trois fois infiniment. Amen.
Télécharger cette homélie du dimanche 3 juin 2012, année B, solennité de la Sainte Trinité (PDF)