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Wednesday 1 January - Solennité de Marie, Mère de Dieu – 1er janvier 2014
La paix a une mère
Par le père Ludovic FrèreCe que l’on souhaite pour les autres et pour soi-même au premier jour d’une année nouvelle peut avoir une dimension programmatique. L’orientation d’un premier jour peut effectivement déterminer les 364 qui suivront ; c’est vrai pour nos vies personnelles et familiales, c’est vrai pour la vie de l’Eglise.
Alors, si chacun d’entre nous avait été consulté pour savoir ce que les chrétiens avaient à dire au monde, à leur communauté, à leur famille et à eux-mêmes au premier jour d’une année nouvelle, qu’aurions-nous répondu ? Qu’est-ce qui est premier, qu’est-ce qui peut orienter selon nous toute une année ?
Voilà que, dans sa sagesse liturgique et son expérience de la vie humaine, l’Eglise répond à cette question par deux grands points d’attention : nous célébrons aujourd’hui la solennité de Marie Mère de Dieu et la journée mondiale de la paix.
Autrement dit, ce que la tradition de l’Eglise a trouvé comme étant le plus important à nous dire au premier jour de l’année nouvelle, c’est : reconnaissez la maternité de Marie et soyez des artisans de paix.
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La maternité de Marie, d’abord : comment ne pas l’accueillir en notre sanctuaire ? Souvent, la Vierge est appelée « Mère de Dieu » dans les Manuscrits du Laus. Elle se manifeste aussi comme une mère attentive à tous ses enfants. Une délicate distinction était ainsi repérée par Benoîte, quand elle bénéficiait d’apparitions mariales ou angéliques : quand les anges parlaient à la bergère, ils l’appelaient « fille » ; quand c’était Marie, elle l’appelait « ma fille ». Un pronom possessif de différence pour dire le lien particulier qui nous unit à notre Mère du Ciel.
Au premier jour de l’année nouvelle, il s’agit donc peut-être pour nous d’accueillir de nouveau cette relation privilégiée qui nous unit à Marie : elle est notre Mère, nous sommes ses enfants. Si les pratiques de dévotion mariale peuvent différer selon nos sensibilités personnelles, en revanche nous ne pouvons pas vivre pleinement notre foi si nous laissons la Vierge Marie de côté.
Alors, en cette nouvelle année, accueillons Marie qui nous est donnée pour nous conduire à son Fils et nous ouvrir davantage aux autres. Ce sont les deux élans qui habitaient son cœur : être unie à son fils et ouverte aux autres. En nous rapprochant de Marie, pas de risque donc de nous éloigner du Christ ni d’oublier les autres, bien au contraire. Si Dieu s’est fait vraiment homme en passant par Marie, nous n’accomplissons totalement notre vie humaine qu’en passant nous aussi par Marie.
Une bonne résolution de début d’année consiste alors peut-être à reconnaître davantage Marie comme Mère de Dieu et notre Mère.
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A cet accueil de Marie Mère de Dieu, l’Eglise a voulu associer au 1er jour de l’année une intention de prière particulière : ainsi, depuis 1968, le 1er janvier est la journée mondiale de la paix.
Pourtant, s’il y a bien une prière qui peut paraître illusoire, c’est celle pour la paix, pourrait-on croire. Nous pouvons en rester à du bon sentiment ou à des considérations très lointaines. Chaque année s’achève d’ailleurs sur le constat désabusé de nouveaux théâtres de conflits, alors que les lieux où la paix est recherchée sont peu nombreux et bien fragiles. Que porte alors notre prière pour la paix ? Que demandons-nous vraiment et pourquoi ne sommes-nous pas visiblement davantage exaucés dans cette prière pourtant si légitime ?
Malgré toutes les raisons de désespérer, l’Eglise nous appelle à prier en ce premier jour de l’année pour que la paix habite chacun des 364 jours suivants, sans pour autant nier les difficultés à faire la paix. D’ailleurs, dans son message pour la paix en ce jour, le Pape François s’interroge lui-même : « les hommes et les femmes de ce monde ne pourront-ils jamais correspondre pleinement à la soif de fraternité inscrite en eux par Dieu le Père ? Réussiront-ils avec leurs seules forces à vaincre l’indifférence, l’égoïsme et la haine, à accepter les différences légitimes qui caractérisent les frères et les sœurs ? »[1]
Refusant la fatalité de la haine, notre Saint Père nous appelle ensuite à reconnaître que les conflits s’originent presque toujours dans des difficultés sociales et des attitudes de repli sur soi. Il nous invite alors à découvrir que la paix n’est pas qu’un vœu pieux : elle commence par nos propres conversions et notre ouverture aux autres. Le pape François nous appelle à « adopter des modes de vie sobres et fondés sur l’essentiel de celui qui, partageant ses propres richesses, réussit ainsi à faire l’expérience de la communion fraternelle avec les autres »[2].
Pas de paix possible sans expérience de communion, sans prise de conscience que nous sommes tous embarqués dans le même navire de l’existence humaine. Le Pape François nous supplie alors : « la fraternité a besoin d’être découverte, aimée, expérimentée, annoncée et témoignée. Mais c’est seulement l’amour donné par Dieu qui nous permet d’accueillir et de vivre pleinement la fraternité »[3].
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Ne sommes-nous pas là renvoyés à la maternité de Marie ? Car pour vivre une fraternité qui conditionne la paix possible, quoi de plus solide que de tous recevoir Marie pour Mère ? Reine de la paix, que la Vierge Marie nous aide chaque jour de cette année nouvelle à ne jamais nous laisser piéger par ce qui est contraire à la fraternité. Qu’elle nous aide à travailler à la concorde, à la recherche de la compréhension réciproque, au refus de juger les autres. Qu’elle nous donne un peu de sa douceur, pour que nous cessions nos indifférences et nos logiques d’opposition ou de pouvoirs.
« Heureux les artisans de paix, dit Jésus, car ils seront appelés fils de Dieu ». Oui, heureux ceux qui font œuvre d’artisans, d’artistes peut-être même, pour construire la paix, très concrètement, dans les situations les plus ordinaires de la vie et de la société ; car alors, ceux-là seront appelés « fils de Dieu », puisqu’on reconnaîtra leur filiation, par Marie : enfants de Dieu, car Lui-même est la paix. Paix à accueillir en ce premier jour de l’année comme un don et un engagement.
Ainsi, la paix a une mère : la Vierge Marie. Bonne année aux artisans de paix ! Amen.
[1] Pape François, Message pour la journée mondiale de la paix, 8 décembre 2013, n° 3.
[2] Ib.id. n° 5.
[3] Ib. Id., n° 10.