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Monday 28 December - Anniversaire de la mort de Benoîte
La miséricordieuse Providence agit dans le temps
Par le père Ludovic Frère, recteur du sanctuaireAujourd’hui, la sainte famille doit fuir. Elle est contrainte de s’exiler : « ils se retirèrent », nous dit l’évangéliste. A quelques jours du passage à l’an nouveau, il nous est bien profitable d’entendre qu’il y a, pour le Fils de Dieu venu dans la chair comme pour chacun d’entre nous, « un temps pour tout », selon les paroles de l’Ecclésiaste.
Viendra plus tard, dans 33 ans, le moment où Jésus ne fuira pas la mort ; il ne se retirera pas de la main de ses bourreaux. Il affrontera la Croix pour en sortir vainqueur. L’épisode du massacre des innocents annonce d’ailleurs cette future traversée de la mort : l’enfant Jésus est épargné, comme plus tard il sera épargné non pas de la mort mais de la corruption du corps en terre : il traversera la mort, Pâques du Christ !
Nous n’en sommes pas encore là pour l’instant : il y a un temps pour tout. Un temps pour éviter et un temps pour affronter, un temps pour vivre et un temps pour mourir. Il y a un temps pour tout.
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C’est bien ce que Benoîte expérimenta, lors des dernières années de sa vie : une sorte de respect confiant devant ce qui doit advenir en son temps.
Si nous marquons aujourd’hui l’anniversaire de la mort de Benoîte, nous ne pouvons oublier que ses 6 dernières années au sanctuaire furent précédées de près de 20 ans de mise à l’écart, par les prêtres du Laus, jansénistes convaincus.
Benoîte a eu de bonnes raisons d’en vouloir à l’Eglise ; mais elle, si impatiente dans les premières années des apparitions, a appris au fil des ans le respect des rythmes du temps ; elle a consenti à ne pas tout vouloir tout de suite.
Ce respect des rythmes du temps, comme le fait un agriculteur en attendant la bonne saison, ou d’une certaine manière aussi un responsable de station de ski en attendant la neige, est cependant pour nous davantage qu’une simple sagesse devant ce qu’on ne peut changer ; c’est un véritable acte de foi en la Providence, qui mène toute chose à son bien ultime.
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Miséricordieuse Providence, par laquelle tout survient quand il faut, même si sur le moment, les évènements peuvent nous bousculer. Ainsi la sainte famille, fuyant en Egypte, a pu s’interroger sur les desseins de Dieu. Marie et Joseph ne se sont pas seulement déplacés physiquement pour fuir la menace ; ils ont aussi dû se déplacer intérieurement, pour accepter les rythmes d’un temps dont ils ne voyaient sans doute pas d’issue à court terme.
En ce jour anniversaire de la mort de Benoîte, acceptons les rythmes du temps, non par fatalité parce que nous n’y pouvons rien, mais avec une joie profonde, en embrassant la vie à travers laquelle la divine Providence nous guide et le fait bien.
Theilhard de Chardin nous y encourage, quand il dit : « Fais à Notre Seigneur le crédit de penser que sa main te mène bien, à travers l’obscurité et le "devenir", - et accepte, par amour pour Lui, l’anxiété de te sentir en suspens, et comme inachevé »[1].
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Et puisque l’année de la miséricorde nous appelle à vouloir être « miséricordieux comme le Père », sachons aussi offrir aux autres cette miséricorde du temps : n’attendons pas des autres ce qu’ils ne sont pas capables de donner ou de comprendre pour l’instant. Ne mettons pas les autres sous la pression du temps, qui nous assaille déjà suffisamment par lui-même.
En ce jour anniversaire de la mort de Benoîte, situons alors toute chose, dans notre vie personnelle comme dans la vie des autres, dans la véritable perspective que nous donne l’existence humaine : nous reconnaître mortels sur cette terre, des mortels appelés à partager l’éternité au Ciel.
Voilà le vrai temps qui compte : celui qui verra tout s’épanouir en vie éternelle, selon ce que Benoîte sembla percevoir au moment-même de sa mort, quand elle sourit en levant les yeux. Elle « décéda joyeusement », selon le témoignage de ceux qui l’entouraient alors.
A travers les obscurités et les lumières de nos existences, la miséricordieuse Providence nous mène jusque-là : à la joie du Ciel ! Que cette Eucharistie nous fasse donc encore lever les yeux vers ces réalités délicieuses, pour que nous puissions, comme Benoîte, sourire au mystère qui nous attend et dont nous avons déjà part, « maintenant et à l’heure de notre mort ». Amen.
[1] Pierre Theilhard de Chardin, Genèse d’une Pensée, Grasset, 1915, p 70-71.
[2] Pierre Theilhard de Chardin, Genèse d’une Pensée, Grasset, 1915, p 70-71.