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Sunday 26 June - Pèlerinage des motards à Notre-Dame du Laus
La Miséricorde comme GPS
Par le père Ludovic Frère, recteurParce qu’il fallait bien trouver un thème pour notre pèlerinage des motards en cette année de la miséricorde, nous avons retenu celui-ci : « la miséricorde comme GPS ». Mais une fois qu’il fut choisi, je me suis demandé si c’était vraiment un bon titre : la miséricorde est-elle réellement un GPS pour nos vies ? Cette question est sans doute plus importante qu’il n’y paraît au premier abord ; parce qu’elle touche en fait à notre conception de la miséricorde divine et donc à notre conception de Dieu Lui-même. Permettez que je vous partage alors quelques réflexions sur l’utilisation d’un GPS…
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D’abord, il me semble que, si l’on voit dans le GPS un simple outil, qui nous indique le bon itinéraire, l’image est bien trop limitée pour définir la miséricorde divine. Car elle n’est pas un outil pour nous faciliter l’existence ; elle est la révélation de l’être-même de Dieu. Et Dieu ne s’utilise pas pour nos besoins personnels ! Il faut nous le redire sans cesse, car la tentation n’est jamais bien loin : nous ne pouvons pas utiliser Dieu pour nos besoins. Au contraire, le sens de notre vie, c’est de Le servir, Lui, sans partage. Alors non, l’image de l’outil GPS n’est certainement pas appropriée pour décrire le Seigneur miséricordieux.
Sans compter qu’un GPS peut être dépassé : il suffit qu’il ne soit plus à jour pour qu’on se retrouve sur une route qu’il ignore encore ou sur un chemin qui n’existe plus. La miséricorde divine, elle, n’est jamais dépassée ; elle est sans cesse mise à jour… Que dis-je ? C’est elle qui est la mise à jour permanente de toute la réalité humaine !
Par ailleurs, il suffit d’une ou deux expériences pour saisir que le GPS nécessite toujours une forme de distance, afin de ne pas suivre sans discernement les indications qu’il nous donne. On sait trop, sur nos routes haut-alpines, combien suivre scrupuleusement son GPS, en hiver notamment, peut être dangereux : au nom du souci du chemin le plus court, il peut vous conduire sur de petites routes impraticables... Si telle était la miséricorde divine, il vaudrait mieux ne pas trop s’y fier !
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On le comprend donc : la miséricorde étant le nom-même de Dieu, on ne peut l’enfermer dans une image, qui plus est l’image réduite d’un produit créé par l’homme. Malgré tout cela, il n’empêche que l’exemple du GPS peut nous aider à nous laisser davantage saisir par la miséricorde divine.
D’abord, vous le savez : par prudence, on consulte un GPS afin de ne pas nous égarer. On le scrute même avec une attention particulière quand on est totalement perdu. Et plus on est égaré – par exemple quand on entre dans le centre d’une grande ville qu’on ne connaît pas – plus on se fie aveuglément aux indications fournies par notre bienheureux GPS.
Ainsi en va-t-il de la miséricorde divine : quand nous sommes perdus dans la vie, égarés par mille soucis ou par un drame qui nous tombe dessus, fixer les yeux sur la miséricorde nous permet de prendre toujours le bon chemin et d’arriver à bonne destination. Nous sommes parfois dans le brouillard sur une décision à prendre ou sur une relation à vivre ; nous fier alors à la miséricorde divine, en la scrutant à chaque instant, c’est l’assurance de ne pas nous égarer.
Concrètement, ça veut dire : vouloir toujours le bien des autres, savoir regarder surtout ce qu’il y a de bon en eux. Ne pas en rester à des comportements défensifs, ne pas vivre dans la peur d’être envahis par les autres, ne pas exploiter les failles qu’on discerne chez eux mais au contraire voir comment les soigner avec tendresse. Tous ces comportements miséricordieux du Seigneur à notre égard, et de nous-mêmes à appliquer aux autres, nous conduisent de manière assurée sur le bon chemin de la vie.
Saint Paul a bien insisté, dans la deuxième lecture, pour nous faire comprendre que prier le Dieu de miséricorde sans veiller à être miséricordieux entre nous, c’est l’assurance de nous égarer : « Si vous vous mordez et vous dévorez les uns les autres, prenez garde : vous allez vous détruire les uns les autres ».
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Mais la destination que nous devons toujours inscrire sur notre GPS de vie, c’est le Ciel ! Non pas qu’il faille planer à plusieurs mètres du sol plutôt que d’épouser chaque contour des routes de la vie ; au contraire, c’est en gardant les roues bien fixées au macadam de l’existence que nous pouvons avancer vers le terme du voyage qu’est la vie éternelle.
L’exemple de Benoîte Rencurel au Laus ne cesse de nous le montrer : elle a levé les yeux au Ciel pendant 54 années d’apparitions, mais elle était toujours solidement ancrée dans ses sabots.
Alors attention : pas d’angélisme dans la manière d’espérer la vie éternelle. Mais justement, en marquant bien « le paradis » comme destination de vie sur nos GPS, nous évitons de nous égarer dans des voies de contournement qui nous épuisent et nous font perdre du temps. L’évangile de ce jour nous parle justement de ces routes de contournement. Jésus ne demande pas de manquer de rendre hommage à un parent décédé, mais il nous appelle, dans toutes les circonstances de la vie, à ne pas faire de détour, à ne pas suivre des prétextes que nous nous donnons facilement. Il s’agit de garder toujours en tête notre destination finale : la vie éternelle, qui est le triomphe de la charité, cette charité qui se vit déjà dans nos choix d’aujourd’hui.
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Enfin, une autre vertu du GPS est nous éviter les impasses. Parfois, dans nos vies, notre GPS a beau nous dire, toujours très poliment : « faites demi-tour dès que possible », nous nous obstinons à croire que nous avons pris la bonne direction, et nous risquons de nous prendre en pleine face le mur qui vient nécessairement clore cette impasse !
Cependant, frères et sœurs, la miséricorde est tellement grande que, même quand nous nous sommes pris un mur, même quand nous persistons dans une impasse, le GPS de miséricorde ne nous dit pas : « je te l’avais bien dit, imbécile ». Il ne nous menace pas : « si tu refais ça encore une fois, je te laisse tomber ». Non, sans cesse, le « GPS miséricorde divine » continue, sur le même ton paisible et doux, à nous dire : « faites demi-tour dès que possible ». Et quand le demi-tour est réalisé, le GPS ne revient jamais sur l’erreur de direction que nous avons commise par le passé ! Alors oui, que la miséricorde soit vraiment le GPS de nos vies, et nous avancerons assurément vers le bonheur éternel, tout en épousant chaque virage de notre vie quotidienne !
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Mais, plus encore, ce qu’aucun GPS ne peut faire, au contraire de la miséricorde divine, c’est de ne pas seulement donner des indications pour prendre la bonne route : la miséricorde nous offre aussi les forces pour parcourir cette route. C’est ce qu’on appelle la grâce : dans sa miséricorde, le Seigneur ne donne pas simplement des conseils pour prendre le bon chemin ; il est lui-même le chemin et il nous offre absolument toutes les grâces nécessaires pour avancer sur son chemin.
Parmi ces grâces, nous avons la douce présence de la Vierge Marie, « la première en chemin », comme on la chante. Oserais-je alors en conclure que la Vierge Marie pourrait toujours prendre place sur le guidon de vos bécanes, chers amis motards, pour être elle-même un précieux GPS maternel, qui évite de s’égarer et qui conduit fidèlement et patiemment jusqu’au terme du voyage ? Amen.