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Saturday 8 August - Messe du samedi 8 août - fête de Saint Dominique
La foi jusqu'à transporter des montagnes !
Par le père Ludovic FrèreAh, la foi ! Avons-nous vraiment la foi ? Chevillée au corps ou ballotée par les événements de la vie,
la foi peut avoir en nous quelque chose d’indiscutable, au sens où elle nous habite comme la réalité
la plus profonde de notre existence. Mais voilà qu’un drame, le décès d’un proche ou une prière non-exaucée peuvent tout-à-coup remettre en cause notre foi, jusqu’à nous interroger : et si tout cela n’était pas vrai ? Si Dieu n’existait pas ? Si la vie éternelle n’était que le fruit de notre imagination ou de notre peur de disparaître ?
Mais la foi se situe encore sur un autre registre, qui n’est pas seulement l’alternative "Dieu existe" ou "Dieu n’existe pas". Aujourd’hui, Jésus s’adresse à des disciples qui ont bien la foi ; pas de doute de leur part sur l’existence de Dieu. Mais le Seigneur veut visiblement les faire passer d’une foi de conviction à une foi bien plus profonde.
Il leur dit alors ces paroles étonnantes, qui ne sont pas au conditionnel, mais à l’indicatif : « Si vous avez la foi gros comme une graine de moutarde, vous direz à cette montagne : "transporte-toi d’ici jusque là-bas" et elle se transportera ». Je vous remercie de ne pas faire le test au sanctuaire….nous souhaiterions pouvoir conserver ici notre paysage de montagnes, sans le voir transféré en Bretagne ou en Belgique !
Mais je ne peux m’empêcher de croire que le risque est faible…. non pas que la promesse du Christ serait fausse, puisqu’elle est faite par Celui qui est la Vérité en personne. Mais je me dis qu’il n’y a pas trop de danger pour les montagnes haut-alpines de se voir transportées ailleurs, parce que nous ne croyons pas vraiment que nous pourrions le faire…. alors ça ne se fait pas. Nous sommes tous des hommes et des femmes de si peu de foi !
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Alors, en fêtant aujourd’hui un saint qui a consacré sa vie à la communication de la foi en fondant l’ordre des frères prêcheurs, nous pourrions avoir le courage d’aller visiter les profondeurs de notre foi, afin d’y découvrir l’équilibre subtil entre le don de Dieu et le consentement humain, entre la force de la foi et sa nécessaire faiblesse, entre la conviction qu’avec le Seigneur tout est possible et l’humilité pour que tout ne se passe pas comme nous l’avons décidé.
On découvre alors qu’entre « ne pas avoir la foi » et avoir « juste un tout petit peu de foi », il n’y a pas qu’une petite différence de quantité : il y a un changement qui bouleverse tout !
Ne pas avoir la foi, c’est tout simplement vivre une existence qui n’a pas de sens, puisqu’elle est seulement une courte parenthèse entre deux néants, celui d’avant notre naissance et celui d’après notre mort. Entre ces deux néants, la vie serait une simple somme de hasards ou une organisation biologique sophistiquée mais sans principe qui tiendrait tout dans sa main. Et nos sentiments ? Seulement des réactions chimiques ou électriques dans le grand paquet de cellules que seraient nos corps compliqués…rien de plus.
Rien de plus…mais rien du tout ! Car si l’absence de foi n’empêche pas de sincères amours humains et de généreux dons de soi, elle conduit tout-de-même inévitablement au désespoir sur cette vie sans autres projets que ceux construits par nos petites mains fragiles !
Mais dès qu’on a un peu la foi, même plus petite qu’une graine de moutarde, la vie est transformée, le regard sur la mort est bouleversé, le sens du bonheur est transfiguré !...ça fait déjà pas mal de montagnes qui se déplacent ! Oui, dès qu’il y a une poussière de foi, toute la vie est déplacée dans une autre dimension : la dimension de la grâce !
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La foi est une grâce à laisser vivre, à laisser circuler en nous pour que la puissance de Dieu puisse être agissante. On parle de la foi comme d’une « vertu théologale » pour dire qu’elle n’est pas d’abord le fruit de nos efforts, mais le don inconditionnel de Dieu. Dans la première lecture, Moïse a invité le peuple à constater que le Seigneur a donné « des citernes que tu n’as pas creusées, des vignes et des oliveraies que tu n’as pas plantées ». C’est le Seigneur qui creuse, qui plante et qui nourrit : la foi est un don de Dieu !
Certes, elle ne répond pas à toutes nos questions ; elle n’apporte pas nécessairement de solutions toutes faites aux problèmes de nos vies. Acceptons que par notre foi, le Seigneur nous guide sans que nous ne sachions toujours où nous allons. Acceptons de ne pas tout maîtriser.
Alors, en nous libérant d’une foi qui veut tout contrôler, nous découvrons qu’elle est tellement plus grande qu’une simple opinion sur l’existence de Dieu ou qu’un pari sur la vie éternelle. Une opinion ne réjouit pas le cœur ; un pari n’exalte pas l’âme. La foi, elle, est dilatation de tout notre être !
Alors, allons-y : laissons le Seigneur nous dilater à la mesure de son amour pour nous ! Demandons à avoir la foi de Marie, capable de chanter en toute occasion son grand Magnificat.
Et ainsi, chacun de nous, lourde montagne qui peine à se bouger, peut être déplacée, réellement et rapidement, jusque dans la vie de la grâce !
Amen.