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Sunday 29 December - Fête de la Sainte Famille
La famille, sanctuaire de la vie et de l'amour
Par le père Ludovic Frère, recteurDepuis mardi soir, nous les contemplons dans la crèche : Jésus, Marie et Joseph. La sainte famille, au centre de la crèche comme elle est au cœur des fêtes de Noël. Cette petite famille rassemblée à Bethléem a fait de Noël la fête familiale par excellence.
On l’a d’ailleurs particulièrement entendu ces dernières semaines avec les grèves dans les transports. Beaucoup de monde l’a reproché : le plus honteux, c’est d’empêcher les familles de se réunir pour Noël ! Preuve - s’il en fallait encore - que c’est bien la grande fête de famille par excellence. Une fête importante pour rassembler les proches et se dire mutuellement qu’on compte les uns pour les autres. Tout cela est très beau, surtout après une année troublée, où l’on nous a parlé de familles volontairement créées sans père, de génitrice qui ne serait pas mère, ou autres folies du même genre. Avec tout cela, ça fait vraiment du bien de goûter concrètement l’importance de la vie familiale.
Si vous avez été en famille pour la nuit ou le jour de Noël, je vous invite aujourd’hui à rendre grâce pour tout ce que vous avez vécu : les beaux moments partagés, les attentions apportées à chacun, la joie de voir grandir les enfants, le bonheur de s’offrir des cadeaux… La famille est un lieu précieux, le premier lieu d’expérience de l’amour.
On parle même de la famille comme d’une « Église domestique » : oui, à la maison, on a comme un embryon d’Église universelle, protégé et unifié par le Dieu Trois fois Saint. On peut donc appliquer à la vie familiale ce que saint Jean-Paul II disait de la vie communautaire religieuse : elle se construit sans cesse comme « un espace humain habité par la Trinité, qui prolonge ainsi dans l’histoire les dons de communion propres aux trois Personnes divines[1] ».
La définition est un peu longue, mais je vous invite à la retenir : nos familles sont des espaces humains habités par la Trinité ! Ce qui fait l’unité de la famille, c’est l’unité de la Trinité qui y habite. Cet espace humain, précise saint Jean-Paul II « prolonge dans l’histoire les dons de communion propres aux trois Personnes divines ». Oui, à chaque fois que se constitue une famille et que vit une famille, la Trinité est comme « prolongée dans l’histoire ».
Reconnaissons donc que la vie familiale est surnaturelle ! Dans un « espace humain », c’est-à-dire limité et faillible, elle est un signe de ce qui se vit dans la sainte Trinité. Plus qu’un signe, elle est un prolongement visible de la Trinité invisible. Elle est aussi un avant-goût de ce que nous vivrons au Ciel. N’ayons pas peur de voir et de vivre nos familles dans la profondeur d’un tel mystère. Ce n’est pas pour planer au-dessus de la réalité, mais pour reconnaître que, depuis que Dieu a pris chair, cette réalité est imprégnée d’un mystère éternel : prolonger les dons de communion propres aux trois personnes divines !
Voilà de quoi faire jaillir de nos cœurs une grande action de grâce pour les familles, et une demande de bénédiction pour tous les membres de nos familles.
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Mais nous savons bien que nous ne sommes pas encore au Ciel ; alors, la famille, ce n’est pas toujours le paradis ! Les fêtes de Noël viennent aussi mettre en évidence des difficultés familiales. Que voulez-vous ? Regrouper des personnes différentes, c’est toujours compliqué. La famille est un microcosme de la vie du monde, avec ses disputes, ses joies, ses opinions différentes, ses discussions de table à éviter surtout sur la politique et la religion. La famille est le lieu de confrontation de différents désirs d’avoir raison. Elle est parfois le lieu de rancoeurs qui peinent à s’estomper malgré la trêve qu’on espère pour les fêtes. Des familles sont divisées, certains membres ne se parlent même plus ou refusent de se voir.
La Parole de Dieu n’est bien sûr pas naïve sur les relations humaines difficiles en famille : avec le père ou la mère, le lien profond de l’enfant est en même temps désir d’émancipation pour prendre son envol. L’évangile de Jésus égaré au temple en est une belle illustration.
Avec le frère ou la sœur, la relation peut aussi être conflictuelle : regardez Caïn et Abel, Jacob et Esaü, le fils aîné et le fils cadet de la parabole du fils prodigue… ça se passe mal entre frères, entre sœurs, parce que l’autre n’est pas moi. Au lieu d’être une aide pour voir les choses plus largement, il est souvent vu comme une menace remettant en cause ce que je suis, ce que je pense, les choix que je pose.
Nos familles sont blessées. Mais ce constat n’est pas suffisant : à Noël, nous confessons la naissance du Sauveur. Un Sauveur né dans une famille, et donc un Sauveur pour nos familles. Dieu aurait pu nous rejoindre par En-Haut, débarquant du Ciel ; il a choisir de venir par en-bas, issu d’une famille.
Alors, les relations familiales compliquées ne sont plus une fatalité, un réalité à subir. Elles ne sont pas le terme de ce que nous sommes appelés à vivre en famille. La confession d’un Sauveur pour nos familles appelle à sortir de la fatalité des difficultés familiales.
L’évangile de ce jour n’est justement pas un évangéliste fataliste. S’ils s’étaient laissé gagner par la fatalité, Joseph et Marie n’auraient jamais pensé pouvoir en réchapper. Mais le Ciel interpelle Joseph, le père de famille, par un verbe à l’impératif qui revient deux fois : « lève-toi ! »
Pour protéger nos familles, pour qu’elles soient sauvées par le Christ, il faut se lever. On ne soutient pas la famille en restant tous vautrés dans un canapé, chacun derrière son écran. « Lève-toi ! » : la famille se vit debout, elle se défend debout. On protège son unité en se mettant en marche, à l’écoute des autres, en faisant preuve de miséricorde, en regardant surtout ce qu’il y a de bon chez les autres, en ne ressortant pas en permanence les contentieux du passé, et surtout en ne voyant pas l’autre comme une menace pour ce que je suis.
« Lève-toi ! » Il pourrait être bon aujourd’hui de vous demander comment cet impératif peut vous rejoindre personnellement, par rapport à votre propre famille, ou à votre famille de communauté chrétienne, ou à notre famille humaine. « Lève-toi ! » : qu’est-ce que ça peut vouloir dire pour vous comme acte à poser, comme lien à renouer, comme effort à oser pour que votre famille reste debout ou se relève ?
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Voilà donc 3 propositions pour cette messe, et son prolongement dans la suite de la journée :
- Une invitation à l’action de grâce pour les belles choses vécues en famille ;
- Un appel à l’intercession pour les familles marquées par des souffrances ou des divisions ;
- Et un consentement à se lever pour protéger la famille de tous les risques qu’elle encourt.
Rendre grâce, intercéder et se lever : comme Marie et Joseph n’ont cessé de le faire pour l’enfant qui leur était confié. Et ainsi, nos familles peuvent devenir toujours plus des reflets de la sainte famille dans la crèche :
- Les parents à genoux pour prier et contempler,
- La porte de la crèche grande ouverte pour que les pauvres bergers puissent y entrer,
- Et au centre, bien sûr, le Christ enfant, les bras ouverts pour bénir.
Que nos crèches soient donc des reflets de ce que nous voulons pour nous familles ! Amen.
[1] Jean-Paul II, exhortation apostolique post-synodale Vita Consecrata, Rome, mars 1996, n°41
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