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Sunday 23 November - Messe des artistes. Session "Contempler la beauté".
La beauté sauvera le monde ? Le Christ sauvera le monde !
Par Mgr André Fort
Bonne Nouvelle pour le monde aujourd’hui, Bonne Nouvelle en ce dimanche au terme de l’année liturgique : « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siègera sur son trône de gloire et toutes les nations seront rassemblés devant lui ». Frères et Sœurs, sans attendre la fin des temps contemplons le Christ, dans sa gloire, laissons-nous aujourd’hui saisir par sa rayonnante beauté.
La voie de la beauté est un chemin privilégié offert à la démarche des chercheurs de Dieu. Une œuvre d’art est capable de rendre sensible le besoin de l’homme d’aller au-delà de ce qui se voit. Une œuvre d’art ouvre une porte à la soif d’infini qui habite le cœur de l’homme. La beauté nous touche au plus profond de notre être, elle nous appelle, elle nous entraîne à nous élever, tendus vers la perfection, l’infini, l’absolu, tendus vers Dieu.
La beauté ouvre des portes, mais il y a une ambivalence de la beauté. Elle ne trouve son sens qu’en fonction du message qu’elle transmet et du contexte dans lequel elle s’exprime. Selon la manière dont la traite celui qui lui donne forme par son art, mais aussi selon la manière dont elle est reçue, la beauté peut être lumineuse ou ténébreuse.
Le Pape François a évoqué cette ambivalence de la beauté en citant Dostoïevski. Dans son roman « L’idiot », le romancier russe fait dire au prince Mychkine, face au corps du Christ mort, livide et meurtri, peint par Hans Holbein : « En regardant ce tableau, un croyant pourrait perdre la foi ».
Mais il n’y a pas que cette ambivalence. Parmi les artistes, certains sont fascinés par l’horreur, la violence, les phantasmes de l’érotisme, la dérision et la séduction du néant, la haine et le désespoir. Il y a ainsi des beautés dévoyées, des beautés vénéneuses, des beautés pernicieuses. L’art se trouve alors détourné de la célébration du Vrai, du Beau et du Bien. Le Vrai, le Beau et le Bien, que la philosophie appelle les transcendantaux, sont en quelque sorte comme l’affleurement, l’émergence des réalités invisibles à travers les réalités visibles. En se détournant d’eux, l’art pactise avec l’œuvre du Prince des ténèbres, menteur et homicide.
Dans son discours aux artistes du 21 novembre 2009, le Pape Benoît XVI dénonçait cette perversion. « Au lieu de faire sortir les hommes d’eux-mêmes pour les ouvrir à des horizons de véritable liberté, en les attirant vers le haut, cette beauté pervertie les emprisonne en eux-mêmes et les rend encore plus esclaves, privés d’espérance et de joie. Il s’agit d’une beauté séduisante mais hypocrite, qui éveille le désir, la volonté de puissance et de domination, prenant le visage de la transgression ou de la provocation gratuite ».
Livrée aux mains et à la liberté des hommes, la beauté peut être blessée. Blessée, elle aspire alors, avec toute la création blessée par le péché, à une rédemption. Elle gémit dans l’attente de son Sauveur, attente du plus beau des enfants des hommes, attente du Christ. On peut alors entendre la parole du prince Mychkine : « La beauté sauvera le monde », comme une annonce prophétique : « Le Christ sauvera le monde ».
Si la beauté peut sauver le monde ce n’est qu’en tournant notre regard vers le Christ, vers la Création nouvelle inaugurée dans la puissance de sa résurrection, par sa victoire sur les puissances du mal et de la mort, dans la radieuse beauté de la lumière du matin de Pâques, royale beauté de notre Seigneur et Sauveur.
Depuis le matin de Pâques la méditation du Mystère de la Rédemption n’a jamais cessé. Les saints et les saintes ont célébré la resplendissante beauté du Christ. Ainsi, saint Jean de la Croix écrit dans son Cantique spirituel : « Le Fils de Dieu est la splendeur de la gloire de Dieu. Dieu a regardé toutes choses en son Fils, et par là il leur a donné la beauté et les dons qui les rendent achevées et parfaites, ainsi qu’il est dit au livre de la Genèse : Dieu vit toutes les choses qu’il avait faites, elles étaient bonnes, très bonnes. Ainsi, par les sublimes mystères de l’incarnation de son Fils et de sa résurrection selon la chair, le Père n’a pas seulement donné aux créatures une beauté partielle, il les a entièrement revêtues de dignité et de beauté ».
Plus proche de nous, Simone Weil, une philosophe française, écrivait : « Dans tout ce qui suscite en, nous le sentiment pur et authentique de la beauté, il y a réellement la présence de Dieu. Il y a presque une incarnation de Dieu dans le monde, dont la beauté est le signe ».
Quant à saint Jean-Paul II, il parlait d’une « épiphanie de la beauté ». Il déclarait que « la beauté est la clé du mystère et renvoie à la transcendance. Elle est, disait-il, une invitation à savourer la vie et à rêver de l’avenir. C’est pourquoi la beauté des choses créées ne peut satisfaire, elle suscite cette secrète nostalgie de Dieu qu’un amoureux du beau comme saint Augustin a su interpréter par des mots sans pareil : « Bien tard, je t’ai aimé, ô Beauté si ancienne et si neuve, bien tard je t’ai aimée ».
Le Pape Benoît XVI, pour sa part, invitait les artistes à prier en disant : « Que le Seigneur nous aide à contempler sa beauté, que ce soit dans la nature ou dans les œuvres d’art, de façon à être touchés par la lumière de son visage, afin que nous aussi nous puissions être lumières pour notre prochain ».
Lumières pour notre prochain, nous pourrons l’être si nous brillons de la lumière dont rayonne le Christ. Notre Roi rayonne d’attention et de respect, de bienveillance et de générosité. Il rayonne d’amour pour chacune et chacun de nous afin qu’animés de cet amour nous soyons des lumières pour nos frères. Il nous a dit « Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde », qu’il puisse nous dire au dernier jour « Venez les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde ». Amen !