Rechercher dans les homélies
Homélie en détails
Pour être tenu informé des publications d'homélies
Thursday 5 November - Pour nous soutenir dans ce temps de privation eucharistique et pour soutenir les prêtres qui célèbrent la messe tout seul Heureux les invités au repas du Seigneur !
Jeudi 5 novembre 2020 - Messe au Corps et au Sang du Christ
Par le père Ludovic Frère, recteur
En ce 1er jeudi de nouveau confinement en France, célébrant la messe votive du Corps et du Sang du Christ, il me semble opportun pour nous de faire un peu le point, paisiblement, sur notre rapport actuel à l’Eucharistie.
Car ça fait près de 8 mois qu’il est bien bouleversé. Il y a eu l’entrée brutale dans le confinement, en mars dernier, à la veille d’un dimanche ; l’impression qu’on nous coupait l’herbe sous les pieds de notre pratique dominicale. Ensuite, des semaines de privation eucharistique, comprenant - qui plus est - la Semaine Sainte et une grande partie du temps pascal. Le déconfinement venu, il y a d’abord eu l’interdiction prolongée du culte ouvert au public, puis des recours, puis une autorisation et la reprise ordinaire de nos messes.
Enfin, « ordinaire », c’est vite dit : avec masques, gel, distanciations et rappel permanent des règles sanitaires… ce ne fut pas une manière normale de participer à la messe. C’était incontestablement nécessaire, mais quand bien bouleversant. Rajoutez à cela des conflits autour de la communion à la main ou dans la bouche, des personnes résistant au masque comme s’il était satanique, des peurs pour beaucoup de monde de revenir à la messe, une habitude prise par d’autres de s’en abstenir, un confort trouvé par certains dans la messe-canapé uniquement par écran… Le retour à une pratique sacramentelle « normale » n’a vraiment pas été « normal » !
Troisième acte : nouveau confinement, donc un nouveau temps de privation eucharistique. Pour combien de temps ? Nul ne le sait. Mais l’entrée en confinement s’est mélangée à une entrée dans la peur de se rassembler pour la messe, quand à Nice trois de nos frères et sœurs se faisaient assassiner parce qu’ils priaient dans une église.
Et face à la nécessité vitale de nous rassembler pour l’Eucharistie, le président de la Conférence des évêques de France et plusieurs autres évêque ont fait des recours en référé-liberté devant le Conseil d’Etat. L’audience pour examiner ces recours a justement lieu aujourd’hui-même.
Voilà où nous en sommes, en ce premier jeudi de nouveau confinement.
* * *
Rien qu’en vous résumant ces 8 derniers mois de pratique eucharistique, j’en ai le vertige. Quel grand bouleversement pour nous tous ! Mais je pense alors à cette parole de la lettre aux Hébreux : « Jésus Christ est le même hier, aujourd’hui et demain ». Dans toutes les tempêtes, c’est sur Lui que nous devons nous appuyer ! Plutôt que nous accrocher les uns les autres sur des querelles liturgiques, accrochons-nous ensemble au Christ ! Oui, ensemble ! Car j’en suis convaincu : le plus grand enjeu de ce qui nous arrive actuellement, c’est le sens de la communauté chrétienne ; c’est la réalité du corps mystique du Christ que nous formons ensemble.
D’ailleurs, en vous proposant de réfléchir aujourd’hui sur l’Eucharistie, je ne crois pas m’éloigner de cette magnifique page d’évangile de la brebis perdu et de la pièce de monnaie égarée. Car le berger et la femme – deux images de Dieu le Père, bien entendu – ont un grand désir : rassembler amis et voisins pour partager la joie des retrouvailles ! Et à chaque fois, Jésus conclut : « il y a de la joie dans le Ciel », « il a de la joie chez les anges de Dieu » ! La joie divine est une joie qui se partage, sur la terre comme au Ciel ; une joie à partager, pas à savourer dans son coin.
Alors, puisque l’Eucharistie est certainement notre plus grande joie sur cette terre, nécessairement aussi, elle se partage. La priorité pour nous, en confinement comme hors confinement, c’est de partager ; c’est de vivre l’Eucharistie en communion les uns avec les autres ; c’est de goûter ce sacrement comme un grande sacrement d’unité ; et c’est vouloir au plus vite nous rassembler de nouveau dans nos églises !
* * *
Pour nous aider à vivre dans cette grande et belle attente de retrouvailles, la prière de la communion spirituelle vient de nouveau nous apporter un grand soutien pendant ce temps de confinement. Personnellement, j’ai toujours beaucoup d’émotion à la prononcer pour vous quand je préside la messe, d’abord parce que je reconnais alors davantage encore la grâce qui est la mienne de pouvoir communier substantiellement ; mais aussi parce que je vis à ce moment-là une profonde communion de compassion et de fraternité avec vous tous, qui ne pouvez pas communier substantiellement.
Cette prière de la communion spirituelle, nous l’avons justement réécrite au sanctuaire ces derniers jours, par rapport à la version que nous avions priée de mi-mars à fin mai. Nous l’avons réécrite pour manifester davantage la dimension communautaire de cette communion de désir, afin de ne pas oublier les liens qui nous unissent par-delà les écrans et les liens qui demeurent avec votre communauté paroissiale ; des liens qui sont constitutifs de notre être de chrétiens.
Ainsi, la prière de la communion spirituelle comporte désormais les demandes suivantes adressées au Seigneur Jésus : « Que cette privation eucharistique soit une véritable communion spirituelle, que je t’offre en union avec ma communauté paroissiale, que j’aurai la joie de retrouver dès que cela sera possible. Que notre communion de prière ensemble autour de Toi fasse aussi grandir notre faim de vivre avec Toi pour toujours dans l’éternité bienheureuse. Et d’ici-là, Seigneur, viens visiter spirituellement par Ta grâce chacun des membres de ma communauté paroissiale, pour nous fortifier ensemble dans les épreuves et nous apporter ton salut. »
* * *
Frères et sœurs, ces derniers temps, on entend beaucoup parler de « fraternité », et c’est avec raison. Notre Saint Père en a fait une encyclique ; notre pays menacé en a fait un point d’attention essentiel pour vivre ensemble. La fraternité est si nécessaire pour que notre monde n’en vienne pas à s’autodétruire !
Mais par-delà cette fraternité, ou plutôt pour la fonder solidement, nous vivons, dans la communion de la Sainte Église catholique, le mystère de l’Eucharistie, qui nous comble de l’Esprit Saint, l’Esprit d’unité.
Notre plus grand acte de résistance à toutes les formes de divisions, c’est donc notre foi eucharistique ! Ne faisons alors jamais de l’Eucharistie un lieu de division. Et par-delà les privations et les éloignements géographiques, réjouissons-nous de cette liturgie du Ciel à laquelle nous sommes associés à chaque messe où, comme dans l’évangile d’aujourd’hui, amis et voisins, anges et saints, tous sont invités aux réjouissances par le Père, qui donne son Fils dans l’Esprit !
Le temps de privation eucharistique, qui est aussi privation de rassemblements communautaires, nous pouvons alors le transformer en préparation à une participation eucharistique plus fraternelle que jamais. Chacun de nous pourrait réfléchir à la pierre qu’il peut apporter pour cela.
Ça peut être : prendre des nouvelles de la petite dame qui venait régulièrement à la messe mais qu’on n’a plus vue depuis quelques temps. Ça peut être : se demander comment être accueillant à une personne qui entre dans l’église par simple curiosité ou parce qu’elle est dans la peine. Ça peut être : pour une famille bien unie de changer de regard sur la famille recomposée qui s’est installée sur le banc de devant, ou enfin offrir un sourire à la jeune femme séparée, divorcée, qui a l’impression que vous la regardez avec reproche. Ça peut être : soigner ce que l’on vit après la messe sur le parvis, pour en faire un vrai moment de rencontre avec tous… Ça peut être plein d’autres choses encore : vous aurez sans doute du temps pour laisser votre inventivité vous faire découvrir des moyens nouveaux pour que notre communion fraternelle soit une réalité vécue et pas seulement confessée. De mon côté aussi, je me dis en tant que prêtre que j’ai encore à soigner le temps passé sur le parvis après la messe… l’Eucharistie se vit également là, je le sais bien.
* * *
Avec tout cela, pendant ce temps de confinement, ne manquons pas d’entendre cette béatitude eucharistique : « Heureux les invités au repas du Seigneur ! » Ne pensez pas que vous êtes privés d’une telle joie parce que vous ne communiez pas substantiellement ! « Heureux les invités au repas du Seigneur » : c’est une béatitude au présent et une béatitude au pluriel. C’est nous tous ensemble qui sommes portés maintenant dans cet élan de joie : la joie du Père, par le Fils, dans l’Esprit ; la joie du Ciel, la joie des anges, la joie de la Vierge Marie et de tous les saints ! La joie d’être ensemble, en communion les uns avec les autres, dans la sainte Église catholique notre Mère. Oh oui, « Heureux les invités au repas du Seigneur ! » Amen.