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Sunday 27 September - 26ème dimanche du Temps Ordinaire
Jésus et nous, ça n'est plus qu'un !
Par le père Ludovic FrèrePuisque nous sommes en plein cœur du temps ordinaire, et que la période de la rentrée est désormais bien passée, je vous propose de prendre un peu de recul pour bien entendre l’évangile qui vient d’être proclamé. Du recul, car ces paroles sont bien sûr à situer dans l’ensemble de l’évangile selon saint Marc dont elles sont tirées. Elles s’y trouvent d’ailleurs à un emplacement bien particulier, qui leur donne en fait toute leur portée.
Permettez donc que nous prenions cet évangile dans son ensemble. Avec 16 chapitres, il est le plus court des 4 évangiles. Il est aussi celui dont la construction narrative est la plus évidente, avec un épisode qui fait pivot en plein milieu, au chapitre 8. On l’appelle : « la confession de Césarée » quand à la question de Jésus « pour vous, qui suis-je ? », le premier pape répond : « tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ».
Or, au tout début, le suspense avait déjà été levé : « Commencement de l’évangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu » (Mc 1,1). Ce premier verset situait bien les choses. Et à la fin de ce même évangile, c’est un païen qui reconnaîtra : « Vraiment, cet homme était le fils de Dieu » ; puis suivront, comme en épilogue, la mise au tombeau et la résurrection du Christ.
Saint Marc nous emmène donc enquêter à sa suite pour que, du début de l’évangile jusqu’à la fin, nous puissions vraiment convertir notre regard afin d’accueillir cette révélation du Fils de Dieu, tel qu’il est réellement, non pas tel que nous le rêvons ou l’imaginons à partir de nos désirs, de nos peurs ou de nos intelligences limitées.
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Les 8 premiers chapitres suscitent alors l’étonnement et même l’admiration : cet homme fait des guérisons, il a une parole d’autorité, il fait taire les démons, il marche sur les eaux. Cette puissance de Jésus interroge : n’est-il donc pas le messie annoncé par les prophètes pour restaurer la domination de Dieu sur toute sa Création ? On pense bien le tenir, le sauveur, le libérateur, mais aussi, il faut bien le dire : celui qui allait nous faciliter la vie !
Et puis, quand tout semble évident, le Christ chamboule l’esprit de ses disciples : après la confession de Césarée, les choses prennent un tournant inattendu puisque, tout de suite, Jésus annonce sa passion et sa mort. Il le fera même par trois fois : aux chapitres 8, 9 et 10.
Et chacune de ces annonces sera suivie d’une flagrante incompréhension des disciples : l’apparente défaite du Messie puissant est pour eux proprement inconcevable. Tout, dans leur esprit, leur culture et leur théologie s’oppose à cette idée : ils refusent d’entrevoir ce mystère de la croix, préférant le contourner et cherchant à en dissuader Jésus.
Voyez combien l’évangile selon saint Marc reprend en fait tout notre parcours de foi. Nous sommes tous un peu comme les disciples : disposés à confesser Jésus sauveur, mais dérangés quand il nous parle de la croix, déroutés quand sa victoire n’est pas éclatante et que la souffrance du juste ou le succès des impies paraît toujours là, tellement là !
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Ecoutez ce fait alors Jésus : dans chacune des annonces de la passion, aux chapitres 8, 9 et 10, alors-même qu’il rencontre la vive incompréhension des disciples, il ne cherche pas à atténuer les choses, il ne tente pas de leur faire avaler plus facilement la pilule en dédramatisant ce qui va se passer.
Ainsi, dans la 2e annonce de la passion, que nous entendons aujourd’hui, Jésus parle de lui-même en disant : « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera. » La conclusion heureuse - ou sans doute seulement énigmatique pour les disciples - ne suffit pas à atténuer le choc. Ils sont sonnés, nos amis, et ils se raccrochent à ce qui peut les sécuriser : d’abord (c’était l’évangile de dimanche dernier), qui d’entre eux est le plus grand…une tentation de se comparer rapidement balayée par le Christ.
Que leur reste-t-il alors ? La carte du parti ! Ou, si vous préférez : la carte de fidélité, sensée apporter quelques réductions, promotions ou privilèges. Il faut dire que les disciples sont là, derrière Jésus, depuis le début : ils ont donc des droits, des prérogatives… qu’il leur reste au moins cela, pour pouvoir se consoler un peu ! C’est donc avec tout son bon droit que Jean s’approche du Christ et lui dit : « Maître, nous avons vu quelqu’un expulser les démons en ton nom ; nous l’en avons empêché, car il n’est pas de ceux qui nous suivent. » On imagine le jeune apôtre, fringant, fier de lui, presque déjà satisfait du compliment qu’il croyait recevoir en retour !
Mais Jésus renverse encore les choses : même la prétention à faire partie d’un groupe de privilégiés, ses disciples doivent l’abandonner. Tout abandonner, ne se crisper sur rien en cette terre, car la seule urgence qui vaille vraiment la peine d’être embrassée, c’est le salut : « Si ta main est pour toi une occasion de chute, coupe-là ». Combien de nos fréquentations, de nos accès à internet ou de nos sources d’orgueil ont besoin d’une telle opération chirurgicale ?
« Mieux vaut pour toi entrer manchot dans la vie éternelle que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux mains. » Voilà ce qui compte. Le temps n’est plus aux mondanités, aux titres honorifiques et aux relations seulement gratifiantes… c’est le salut qui est en jeu ! Le temps n’est plus aux attachements terrestres, comme saint Jacques nous l’a dit avec force : « vos richesses sont pourries. » C’est ailleurs qu’il faut chercher votre véritable trésor !
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Et c’est bien cela que Jésus révèle à ses amis désemparés par les annonces de la Passion. Il est en train de leur dire que leur vraie richesse, c’est d’être unis à Lui, le Sauveur du monde. D’ailleurs, quand les disciples cherchent à tirer la couverture à « eux », Jésus leur répond en « nous » : « celui qui n’est pas contre nous est pour nous ». Jésus implique ses disciples dans ce qui lui arrive ; il les unit à sa propre vie, jusqu’à les ouvrir bientôt à l’éternité. Jésus et nous, ce n’est plus qu’un !
Voilà le vrai trésor ! Nous sommes tellement unis au Sauveur qu’il poursuit : « celui qui vous donnera un verre d’eau au nom de votre appartenance au Christ, amen, je vous le dis : il ne restera pas sans récompense ». Jésus et nous, ce n’est plus qu’un ! Plus qu’un dans le bonheur et dans les épreuves, comme on dit au jour du mariage. Plus qu’un sur la croix, pour n’être plus qu’un dans la gloire !
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L’évangile selon saint Marc ne nous emmène donc pas seulement résoudre une énigme sur l’identité de Jésus ; il nous fait entrer dans ce grand mouvement d’offrande et de vie qui nous unit au Christ.
En mettant en nous son esprit, selon l’espoir prophétique de Moïse dans la 1e lecture, le Seigneur fait de nous des Christs qui se répandent dans toutes les activités du monde. Nous sommes d’ailleurs rassemblés ici pour nous y disposer entièrement. Dès que cette messe sera terminée, le corps du Christ que nous formons ensemble va se répandre, qui dans des activités professionnelles, qui dans la visite d’un malade, qui dans une vie de famille à soigner…
Alors êtes-vous prêts, frères et sœurs, à vous laisser remplir et conduire par l’Esprit, cette semaine plus encore que la précédente ? Prêts à vivre avec le Christ, tous ensemble, pour ne pas faire mentir ce que nous célébrons maintenant ? Unis au Sauveur à la vie à la mort ; unis au Christ à la croix, au tombeau et au Ciel. Amen.