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Sunday 21 December - 4e dimanche de l’Avent, année B
Je te salue, comblée de grâce !
Par le père Ludovic Frère, recteur du sanctuaire« Je te salue, comblée de grâce ».
Peut-on trouver plus belle porte d’entrée vers le mystère de Noël que la Vierge Marie, comblée de grâce ? Nous voici, frères et sœurs, réunis en un sanctuaire où la belle Dame n’a cessé et continue encore à s’offrir comme un passage privilégiée pour aller à son Fils.
« Je te salue, comblée de grâce ».
Quel respect de l’ange - un archange s’il vous plaît... – quel respect de cette magnifique créature angélique pour cette jeune nazaréenne ! Mais il sait, ce bel ange, qu’en Marie, il a trouvé plus beau que lui : il s’incline devant le chef d’œuvre de la création. Et sa salutation devient comme un chant, un hymne à la beauté : « Je te salue, comblée de grâce ».
Ce n’est pas d’abord le Seigneur qui, par son ange, attend d’être salué. C’est lui qui salue le premier. C’est qu’il est toujours premier, notre Dieu éternel ; toujours à l’initiative, toujours à la recherche de ses créatures. Notre sanctuaire nous le rappelle bien : un Dieu en recherche pour nous ramener à Lui ; un Dieu qui fait délicatement irruption dans nos vies comme dans celle de Marie, pour nous dire sans cesse : « je te salue ». Oui, depuis le début de ce jour, depuis que nos paupières se sont ouvertes ce matin, le Seigneur nous a déjà dit de nombreuses fois : « je te salue ». Et nous, l’avons-nous entendu et l’avons-nous salué en retour ? « Je te salue… le Seigneur est avec toi ».
Oui : « Le Seigneur soit avec vous » ! Au début de cette messe, cette salutation nous a été offerte comme elle le fut à Marie. Vous y avez répondu peut-être par habitude. Oui, vous avez répondu, car nous connaissons bien la formule… mais avons-nous mesuré ce que nous reconnaissons alors ? Le Seigneur est bien avec nous, comme il a été avec Marie !
Il serait bon de ne pas l’oublier au seuil de ces fêtes, au début de ces vacances. Le Seigneur est avec nous, frères et sœurs… mais nous, sommes-nous avec Lui ? Le Seigneur est avec nous, mais l’accueillons-nous comme au début de cette messe, par une formule bien connue sans qu’elle nous touche nécessairement ; ou laissons-nous vibrer tout notre être à l’écoute d’une telle annonce : « le Seigneur est avec toi » ?
* * *
Mais ce salut s’accompagne pour Marie d’une parole bouleversante : « Je te salue, comblée de grâce »…. quand on est comblé, on est rempli jusqu’à ras-bord. L’ange ne dit pas moins que cela : « Je te salue, toi qui est remplie jusqu’à ras-bord de la présence agissante du Dieu d’amour ! » Le cœur et le corps de la jeune vierge sont uniquement remplis de Dieu, avant-même qu’elle consente au projet que l’ange vient lui proposer. Marie est toute disposée à l’agir divin : elle l’a été par sa conception immaculée comme par ses choix personnels de ne pas consentir au moindre péché.
Frères et sœurs, à quelques jours des fêtes, où nous risquons de bien nous remplir les estomacs, la salutation de l’ange nous interpelle tous : « je te salue, toute remplie de grâce ». De quoi voulons-nous nous remplir en ces jours ? Quelles dispositions intérieures vont permettre au Seigneur qui vient de nous remplir de sa présence ?
Vous qui avez fait le choix de venir en ce sanctuaire, peut-être pour la journée mais peut-être aussi pour les fêtes, je vous encourage et je m’encourage avec vous à ne pas trop nous laisser "remplir" en ces jours d’autre chose que de la grâce de Dieu. Saint Bernard de Clairvaux constatait déjà au XIIe siècle les dangers des fêtes qui approchent. Il disait : « on voit les gens, dans ces jours de solennité, rechercher les parures et les délices de la table avec tant d’ardeur qu’on pourrait croire que le Christ n’a pas eu autre chose en vue, en naissant parmi nous ». Alors, pèlerins du Laus, nous laisserons-nous prendre à ce piège subtile et pernicieux de manquer l’objet ultime des fêtes qui vont nous rassembler ?
J’espère bien que nous allons faire la fête, et que nos papilles seront de la partie… mais pour honorer celui qui prend chair, non pour substituer à cette grande joie des plaisirs éphémères de table ou de cadeaux. Des fêtes qui nous rendent davantage disponibles au Seigneur et aux autres ; des fêtes pour nous faire entrer davantage dans le projet de Dieu sur nous et sur le monde entier. D’ailleurs, la rencontre entre Marie et l’archange est un grand appel à choisir le projet divin.
Elle en avait pourtant déjà un, de projet, la jeune Marie. Ce bel homme, le doux charpentier de Nazareth : elle projetait de se marier avec lui. Un beau projet, qui devait réjouir ces deux amoureux comme leurs familles. Et voilà l’ange, qui descend avec un autre projet, venant remettre en cause celui que Marie et Joseph avaient envisagé. Il n’était pas mauvais, leur projet, bien entendu ; le critère pour répondre au projet divin n’est pas de se demander si nos projets humains sont bons ou non. La grande question, c’est : est-ce que c’est bien ce que veut le Seigneur pour moi ?
Gardons-nous, comme le prophète Nathan et le Roi David, de seulement imaginer la volonté de Dieu, sans lui demander son avis à Lui. Alors qu’il pensait faire plaisir au Seigneur en lui construisant une maison, David s’entend dire, dans la première lecture de ce dimanche : « est-ce toi qui me bâtira une maison pour que j’y habite ? » David n’a pas cherché à entendre le projet de Dieu, il ne l’a même consulté ; il s’est contenté d’imaginer ce qui devait être bon.
La rencontre de Marie avec l’ange est dans un registre tout différent. La jeune femme s’étonne, bien sûr ; elle émet d’ailleurs des objections bien légitimes. Mais elle n’oppose pas au projet divin son projet personnel. Et la voilà qui ose cette parole déterminante : « voici la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi selon ta parole ». Marie se dispose à n’avoir que la Parole du Seigneur pour projet de vie.
Une confiance absolue, qui n’est pas de l’inconscience, mais plutôt une vraie capacité à accueillir la révélation angélique : « rien n’est impossible à Dieu ». En entendant ces mots, on perçoit déjà nos propres objections : oui mais… Si rien n’est impossible à Dieu, pourquoi les guerres, pourquoi les famines, pourquoi les drames ? Et comme le roi David, nous faisons de Dieu le résultat de l’équation mathématique qui nous fait penser les événements de la vie à partir de nos petits cerveaux limités. L’archange Gabriel, lui qui contemple la splendeur de Dieu au Ciel, est vraiment capable d’ouvrir nos perspective en affirmant : « Rien n’est impossible à Dieu ».
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« Je te salue », « comblée de grâce », « rien n’est impossible à Dieu » : ces trois paroles de l’ange Gabriel sont l’excellente nourriture qui nous est offerte pour aller jusqu’à la grande solennité de la Nativité du Seigneur. Nous pourrions d’ailleurs les méditer encore, le matin comme le soir, jusqu’à Noël, pour nous laisser saluer par Dieu, nous laisser remplir de sa grâce et nous laisser faire confiance à sa volonté souveraine : « je te salue », « comblée de grâce », « rien n’est impossible à Dieu »… préparons-nous à accueillir le Sauveur du monde qui ouvre tous les possibles. Amen.