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Sunday 26 February - 8ème dimanche du temps ordinaire
Jamais je ne t'oublierai !
Par le père Ludovic Frère, recteurRecord battu : record de la plus petite lecture biblique de l’année à la messe ! C’est aujourd’hui que nous l’entendons ; tirée du livre d’Isaïe, elle est faite de deux versets seulement. Mais l’essentiel est dit : « Une femme peut-elle oublier son nourrisson, ne plus avoir de tendresse pour le fils de ses entrailles ? Même si elle l’oubliait, moi, je ne t’oublierai pas, dit le Seigneur ».
172 caractères en français, 154 en grec… c’est presque un tweet ! Voilà donc un message à diffuser à tous ses contacts, à relayer par tous les réseaux sociaux : « Le Seigneur ne nous oublie pas ! » Quelles que soient les circonstances de nos vies présentes ou passées… le Seigneur ne nous oublie pas !
Inutile alors de rabâcher sans fin dans nos prières, comme s’il fallait convaincre le Seigneur de s’occuper de nous. Inutile de s’agiter en tous sens pour attirer son attention, comme s’Il regarderait peut-être ailleurs. Non, le Seigneur ne nous oublie jamais ; il veille sur nous avec une tendresse plus grande encore que celle d’une mère pour son nourrisson !
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C’est donc avec cette tendresse-là que le Christ s’adresse à nous dans l’évangile d’aujourd’hui : « Ne vous faites pas tant de souci ! » Nourriture, argent, vêtements, programme du lendemain… de tout cela, ne vous inquiétez donc pas !
Ce n’est certainement pas un appel à vivre dans l’indifférence générale ; mais à être, chaque jour davantage, habité par la conviction que le Seigneur s’occupe de tout : « Votre Père céleste sait que vous en avez besoin ». Le Seigneur connaît nos besoins, il n’est pas nécessaire de L’en informer. Pas nécessaire non plus de nous inquiéter.
Alors, faut-il vivre dans la zénitude absolue, indifférents à tout, inconscients sur tout ? Bien sûr que non ! En nous appelant à ne pas nous soucier du lendemain, de la nourriture ou des vêtements, Jésus oriente en fait nos cœurs et nos énergies vers ce qui mérite notre véritable préoccupation : « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît. »
Si vous le voulez bien, essayons-nous donc à un petit sondage. Combien de fois cette semaine vous êtes-vous demandé : « Qu’est-ce qu’on va manger ? » Combien de fois, devant votre armoire le matin, vous êtes-vous posé la question : « Qu’est-ce que je vais mettre aujourd’hui ? » Et combien de fois, au cours de cette même semaine, vous êtes-vous interrogé : « Comment puis-je contribuer à faire grandir le Royaume de Dieu et sa justice ? »… ça y est, vous avez fait votre petit compte personnel ?
Quand Jésus nous dit qu’il faut chercher le Royaume de Dieu et sa justice de préférence à toute autre préoccupation ou besoin, savons-nous y entendre une demande bienfaisante ? Oui, croyons-nous qu’elle est pour notre plus grand bien, le nôtre personnel et celui de l’humanité entière ?
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Au sanctuaire du Laus, nous avons un bel exemple d’une femme qui a recherché de manière préférentielle le Royaume de Dieu et sa justice ; c’est Benoîte Rencurel, bien sûr. Je vous cite un événement particulièrement signifiant de sa vie. Nous sommes en 1680, 16e année des apparitions de la Belle Dame à la bergère. Les Manuscrits du Laus nous disent, je cite : « Vient au Laus un homme extrêmement pauvre, menant avec lui une femme très belle. Il avait comme objectif de la prostituer, et avec l’argent, il aurait nourri toute sa famille. Benoîte, voyant dans son cœur sa mauvaise intention, (…) lui expose l’énormité de son crime, qui était des plus grands qu’il pouvait commettre. Ce malheureux ne s’excuse que sur sa pauvreté. "Si ce n’est que cela, lui dit-elle, tenez, voilà quatre kilos de blé, que j’ai pour passer l’hiver ; prenez-les. Dieu m’en donnera d’autres, s’il lui plait, à Lui et à sa sainte Mère"».
Recherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice ! Si Benoîte en était restée à ses propres préoccupations, elle n’aurait rien pu proposer à cet homme, qui aurait alors fait prostituer sa femme. Benoîte a saisi que le Royaume et sa justice l’obligeaient, elle pourtant déjà bien pauvre, à donner ce qu’elle avait pour manger. Est-ce de l’héroïsme ? Est-ce un comportement réservé à une femme seule, n’ayant pas charge de famille et donc pas de responsabilités particulières à assumer envers d’autres ?
Je crois que Benoîte est en fait un exemple pour nous tous. Bien évidemment, il ne faut pas tenter le Seigneur. Nous l’entendrons dimanche prochain, avec le 1er évangile de Carême, qui est chaque année l’évangile des tentations du Christ au désert : « Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu », répondra Jésus au démon qui l’invitera à se jeter depuis le sommet du temple. Sauf vocation particulière, ne courez donc pas, juste après cette messe, donner tous vos biens aux pauvres en vous disant que le Seigneur vous en donnera d’autres en retour ! Ce serait sans doute Le mettre à l’épreuve.
L’appel du Christ dans l’évangile d’aujourd’hui et sa belle illustration dans la vie de Benoîte ne sont pas des encouragements à l’inconscience, mais à la foi : il s’agit de vraiment déterminer sur quoi fonder notre existence : sur les soucis de l’estomac et du paraître, ou sur le Royaume de Dieu ?
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Saint Paul l’a bien compris, quand il nous dit dans la 2e lecture d’être des « intendants des mystères de Dieu ». Nous trouvons là deux fondements essentiels pour vivre notre existence sans nous laisser dominer par les soucis de cette Terre.
Le premier fondement est une interpellation : sommes-nous effectivement et seulement des « intendants » des biens terrestres et des relations aux autres ? « Intendants » et non pas « propriétaires ». C’est-à-dire : conscients que nous ne possédons rien, et que nous gérons simplement pour quelques années sur Terre des biens qui ne sont pas à nous. Ça évite de s’enorgueillir de ce que l’on a, de le garder jalousement et de mettre son cœur dans des réalités périssables. Quelle liberté formidable, quand on prend conscience qu’on ne possède rien ; car alors, on ne se laisse posséder par rien !
Le deuxième fondement essentiel, c’est quand saint Paul caractérise les intendants de Dieu : « Tout ce qu’on demande à des intendants, dit-il, c’est d’être trouvés dignes de confiance ». Si le Seigneur ne peut nous oublier une seule fraction de seconde, s’il nous aime avec tendresse quels que soient nos comportements, il nous interpelle pourtant : es-tu digne de confiance ? ça pourrait être la seule question à se poser pour un examen de conscience : est-ce que je suis digne de confiance ? Est-ce que le Seigneur peut avoir confiance en moi ?
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Mercredi, nous vivrons la célébration des Cendres. Nous allons nous rappeler que nous ne sommes que poussières. Nous allons être marqués d’un signe qui viendra confirmer que nous ne possédons rien sur Terre, car nous ne sommes que de passage ici-bas. Mais ce signe ouvrant les 40 jours d’un pèlerinage préparatoire aux fêtes pascales exprimera aussi la question posée aux intendants de Dieu : la question de la confiance. Est-ce que Dieu peut avoir confiance en nous ?
Alors, à 3 jours du Carême, montrons au Seigneur qu’il peut nous faire confiance ! Tous à vos smartphones et à vos ordinateurs, ou à vos plumes ou tout autre moyen, pour envoyer à ceux que vous connaissez un tweet biblique qui peut changer leur vie et convertir leur cœur : « Une femme peut-elle oublier son nourrisson, ne plus avoir de tendresse pour le fils de ses entrailles ? Même si elle l’oubliait, moi, je ne t’oublierai pas, dit le Seigneur ». Vous pouvez aussi le faire en chantant : « Il y a longtemps que je t’aime, jamais je ne t’oublierai » ! Amen.