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samedi 24 décembre - Homélie de la messe de la nuit de Noël
"Il est temps de devenir vraiment chrétiens"
Par le Père Ludovic Frère, recteur du sanctuaire
« Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ».
Frères et sœurs, avant de célébrer la veillée et de commencer la messe, nous avons pu marcher, dans la nuit, flambeaux en mains, témoins de la lumière qui rejoint les ténèbres. « Je suis la lumière du monde », dira le Christ ; non pas seulement une lumière pour le monde, mais LA lumière du monde, qui donne sens à toute l’existence, car « aujourd’hui vous est né un Sauveur » !
Et ce Sauveur, c’est Dieu Lui-même qui se fait homme ; n’était-ce pas inimaginable ? Comment le Créateur peut-il se faire créature ? Nos concepts intellectuels sont bouleversés, nos intelligences sont désemparées, car nous aimons tant séparer les choses : Dieu d’un côté, l’humanité de l’autre. Nous aimons tant séparer… le Seigneur, Lui, vient pour relier.
Bien sûr, par nature, il est juste de penser la séparation, car Dieu est Transcendant, éternel et nécessairement supérieur à tout ce qu’il a créé. Mais Noël vient tisser définitivement un lien nouveau : Dieu devient homme. Le Transcendant, éternel et supérieur devient l’un de nous, comme nous en toute chose, à l’exception du péché. Il ne cesse évidemment pas d’être transcendant et éternel, mais il entre dans la chair et le temps.
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Alors, cette nuit, en accueillant de nouveau la grande joie de Noël, il est peut-être nécessaire que nous nous décidions à être vraiment chrétiens. Nous le sommes depuis notre baptême ; mais il s’agit de le devenir davantage encore, en accueillant vraiment ce qui nous est dit en cette nuit, afin de saisir toutes les implications formidables qui en découlent pour le monde et pour chacune de nos vies.
Car, dans la crèche, nous voyons bien que Dieu n’est pas seulement une étincelle initiale ou une énergie vitale. Comprenez-vous que Dieu devient homme ? Comprenez-vous que nous ne pouvons plus Le concevoir seulement comme le Créateur du monde ou l’énergie primordiale ?
Cette nuit, il est temps d’accueillir vraiment le mystère de la foi, pour que la belle histoire de Noël et l’enthousiasme des fêtes nous y ouvre davantage, et se garde bien de nous en détourner. La touchante image de la crèche et l’émotion devant le petit nouveau-né doivent se transformer pour nous en un regard profond sur la réalité qui nous est donnée à voir : Dieu se fait homme ! Savoir cette vérité, c’est un bouleversement sans retour !
Certes, les fêtes de Noël sont pour beaucoup, croyants et non-croyants, l’occasion d’une plus grande ouverture du cœur. Il reste malheureusement, même à Noël, des personnes seules, ou nostalgiques de joies festives qu’elles ne vivent plus ; d’autres n’aiment pas vraiment cette fête, qui peut mettre en valeur un conflit familial ou un manque relationnel. Mais depuis des jours, nous voyons aussi les beaux fruits de Noël : dans les maisons de retraite, les hôpitaux, les écoles, les paroisses ou les familles, ces fêtes sont souvent l’occasion d’un déploiement de générosité et de temps offert aux autres.
Ce désir de célébrer le partage est bien un signe que le Christ est à l’œuvre pour que le monde qu’il est venu habiter soit éclairé par sa lumière. Sans le savoir, même sans le vouloir, ils sont nombreux à vivre dans ces fêtes une conséquence essentielle de la venue du Messie, Prince de la paix, Libérateur des égoïsmes, Vainqueur de la mort, jaillissement de la Lumière.
Alors, cependant, sans négliger les beaux moments de fête que vivent actuellement des millions d’individus sur terre, mais seulement par amour de la vérité, nous qui accueillons cette nuit le mystère de l’Incarnation, ne vivons pas Noël comme si Dieu ne s’était pas fait homme.
Qu’en partageant des cadeaux, nous soyons bien conscients de la raison pour laquelle nous les offrons ; qu’en admirant un sapin décoré, nous sachions pourquoi cet arbre éclaire le sens de cette fête ; qu’en contemplant des rues et des maisons illuminées de mille feux, nous sachions à quelle lumière elles nous renvoient. Et cette lumière, c’est l’amour de Dieu révélé en Jésus-Christ.
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Si nous saisissons que l’amour n’est pas seulement la qualité première de Dieu, mais son être-même, alors nous pouvons entrer vraiment dans le mystère de Noël : car celui qui aime ne veut qu’une chose, c’est s’unir à l’être aimé et l’aider à s’épanouir. Dieu, qui est Amour, veut tout cela pour chaque être humain.
Alors, pour s’unir à tous, en Jésus-Christ, Il prend chair ; pour l’épanouissement de tous, en Jésus-Christ, Il enseigne par la parole et par l’exemple ; pour le bonheur de tous, en Jésus-Christ, Il donne tout, jusqu’à mourir sur la croix pour ressusciter au troisième jour… et, tout cela, parce que Dieu est amour !
Dans une vraie relation d’amour, c’est le don - et non la supériorité sur l’autre - qui est le lien vital. Alors, Dieu quitte sa supériorité pour la relation la plus profonde. Il n’est plus au-dessus, ni même à côté ; Il devient l’un de nous. Il l’est de manière irrévocable.
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Irrévocable ! Puisque Dieu est devenu homme, la création n’est plus seulement son œuvre ; elle devient, pour ainsi dire, un élément de Lui-même. Le Verbe éternel laisse couler en Lui le sang reçu de Marie. Parce qu’Il l’a voulu ainsi, Dieu s’est impliqué dans une relation sans retour avec l’humanité : il s’est uni si étroitement à nous, en devenant l’un de nous, qu’Il ne Lui est pas possible de revenir en arrière, Il ne Lui est plus possible de rayonner de sa lumière sans nous.
Chaque Noël nous place devant cette réalité bouleversante : Dieu s’est uni à l’humanité, d’un mariage indissoluble, que rien ne pourra jamais remettre en cause, pas même les horreurs humaines qui, cette année encore, ont jeté des ombres sur notre terre. Car « la Lumière est venue dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêté », entendrons-nous demain à la messe.
A Noël, Dieu s’engage, sans possibilité pour Lui de retour en arrière ; Il s’implique, de manière indissoluble. Déjà, par les prophètes, Il avait annoncé que ses promesses étaient irrévocables - Isaïe 45 : « Je le jure par moi-même : de ma bouche sort le salut, cette parole ne reviendra pas en arrière » (Isaïe 45, 22). Quand le Verbe se fait chair, quand la Parole devient homme, elle ne revient pas en arrière ; Dieu assume totalement son choix, Il assume l’humanité en lui donnant part à sa divinité.
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Frères et sœurs, cette nuit, demain, chaque jour, par le mystère de Noël, nous avons quelque chose à dire au monde. Certains parmi nous ont peut-être partagé, ce soir, une table familiale ou amicale autour de laquelle beaucoup ne croyaient pas au Christ. Certains parmi nous vont peut-être, demain midi ou les jours prochains, se réunir avec des proches qui ne partagent pas notre joie de la naissance du Sauveur. Sans arrogance, mais non plus sans honte, il pourra s’agir alors de témoigner du Christ.
Saint Paul, après avoir vu à Athènes une stèle dédiée au dieu inconnu, déclara aux Athéniens : « ce que vous adorez sans le connaître, je viens vous l’annoncer » (Actes 17,23). De même, la joie que nos contemporains veulent échanger en ce jour, leurs désirs de paix et d’entente, leur souci de partage pour que personne ne soit exclu de l’élan de Noël, toutes ces étincelles de vérité déposées par l’Esprit-Saint dans les cœurs, osons dire qu’elles conduisent au seul Sauveur du monde : « ce que vous adorez sans le connaître, ce que vous cherchez sans savoir où le trouver, je viens vous l’annoncer : Dieu s’est fait homme, le Sauveur nous est né ». Joie au Ciel, exulte la terre !
Joyeux Noël. Amen.