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Sunday 3 June - Solennité du Saint-Sacrement du corps et du sang du Seigneur
Il est grand le mystère de la foi !
Par le père Ludovic Frère, recteur« Ceci est mon corps », « ceci est mon sang »… Nous sommes habitués à ces paroles. Mais je vous laisse imaginer comment les disciples les ont reçues lors du dernier repas autour de Jésus. Ambiance à la fois festive et grave au soir du jeudi saint, premier jour de la fête « où l’on immolait l’agneau pascal », précise l’évangéliste. On faisait mémoire de la sortie d’Égypte, mais Jésus va faire sortir ses disciples encore plus loin, avant de sortir lui-même de table pour aller vers l’offrande de sa vie.
Le voilà donc qui présente du pain et du vin, sur lesquels il fait porter cette révélation : « Ceci est mon corps », « ceci est mon sang ». Il n’est pas possible pour les disciples d’entendre autre chose que ce que Jésus leur dit : il affirme que ce pain devient son corps et que ce vin devient son sang !
Les plus attentifs des apôtres, à commencer sans doute par saint Jean, se remémorent alors peut-être le discours du pain de vie prononcé par le Christ longtemps auparavant : « mon corps est une vraie nourriture, mon sang est une vraie boisson ». « Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et moi je le ressusciterai au dernier jour ».
Ces paroles avaient dû rester bien énigmatiques pour les disciples ! Et il faudrait sans doute aujourd’hui que nous redécouvrions ce qu’elles ont d’inouï et d’inimaginable au sens premier du terme : il était impossible à un esprit humain d’imaginer cela. Que quelqu’un, fut-il Fils de Dieu fait chair, prétende que du pain et du vin puissent devenir son corps et son sang, il n’était pas possible de l’inventer. Personne n’était capable de voir si loin et si profond !
Ce mystère est si grand qu’il ne peut être accueilli qu’en se faisant petit. Il est si grand qu’on ne peut jamais le comparer à aucune autre forme de prière, à aucun autre rite, à aucune autre offrande, à aucune autre forme de présence. « Il est grand le mystère de la foi », chantons-nous après la consécration du pain et du vin. Oui, c’est tellement grand que la fête qui célèbre un tel mystère, la fête du Saint-Sacrement, porte aussi le nom de « Fête-Dieu ». C’est dire que tout ce que nous avons besoin de recevoir de Dieu et de savoir sur Lui, nous l’avons dans le mystère de l’Eucharistie. Il est grand le mystère de la foi !
Je vous propose alors de revisiter ensemble ce que nous célébrons si grandement à chaque messe mais qui peut facilement nous échapper tellement c’est grand et tellement nous sommes faibles et petits.
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La messe commence d’abord… avant la messe ! En notre sanctuaire, une ambiance de préparation est favorisée par le silence. Notre âme se dispose ainsi à rencontrer son Seigneur. Notre corps et notre esprit se posent pour couper avec le rythme du quotidien afin d’entrer déjà dans le rythme de l’éternité. En tous cas, impossible d’arriver en retard à la messe ! Qui oserait d’ailleurs faire cet affront au Roi des rois qui nous convie à son banquet ? Qui oserait manquer ne serait-ce qu’une seconde du plus grand des miracles ?
Alors, nous y sommes bien à l’heure, c’est-à-dire en avance… et que la fête commence ! Sous les traits du prêtre, c’est le Christ qu’on accueille en se levant. Il fait son entrée dans notre assemblée, il est là au milieu de nous. Il nous salue, on lui répond et l’on prend alors conscience du privilège extrême d’être invités à l’Eucharistie. Devant une grâce tellement imméritée, nous reconnaissons que nous sommes pécheurs et le Seigneur Lui-même vient accorder nos âmes au mystère dans lequel nous entrons progressivement.
« Gloire à Dieu au plus haut des cieux » : remise debout par la miséricorde, notre vie devient un chant de reconnaissance pour la grandeur de Dieu et pour sa proximité tout à la fois. Nous chantons alors avec toute la Création, nous chantons au nom de toute l’humanité que nous représentons. Et même dans des assemblées peu nombreuses, il faut se dire qu’on est là pour l’humanité, comme des ambassadeurs et non comme une élite ; comme des représentants qui portent jusqu’au Seigneur toutes leurs familles, leurs voisins, leur quartier ou leur village, leurs collègues et leurs amis, et même le monde entier. Par nos voix, ce monde ne cesse alors de chanter que le Seigneur est grand : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu’il aime ». Ainsi, ce monde pourra être pris tout entier dans le mystère de l’Eucharistie.
Le chant du Gloria, parce qu’il est louange au Seigneur, permet aussi de dilater nos cœurs et de disposer nos intelligences à écouter la Parole de Dieu. Parole qui nous touche en profondeur ou qui nous glisse parfois dessus quand nous sommes peu attentifs. Mais elle agit toujours, cette Parole, elle nous transforme de l’intérieur plus encore qu’elle nous donne des conseils à appliquer dans la semaine. Cette Parole du Seigneur, actualisée dans l’homélie, peut ensuite devenir dialogue par notre réponse en forme de profession de foi et de prière universelle.
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Puis vient le moment de l’offertoire. On prépare sa pièce pour la quête, on pense un peu à autre chose, mais c’est pourtant ce moment décisif où nous sommes interrogés : qu’as-tu donc à offrir ? Ton Dieu va se donner à toi entièrement ; et toi, qu’as-tu à Lui offrir ? De beaux moments vécus au cours de la semaine ou un désir sincère de conversion ou un engagement pour les jours à venir… il y a bien des choses à offrir au Seigneur quand le pain et le vin sont déposés sur l’Autel !
Les servants qui les apportent sont d’abord là pour nous aider à saisir que nos anges gardiens sont eux aussi de la partie : ils viennent déposer sur l’Autel ce que nous avons à offrir. Pensez donc tout à l’heure à votre ange gardien quand il viendra jusque dans le chœur déposer ce que vous aurez choisi de présenter à votre Créateur et Sauveur.
Tous nos anges resteront ensuite autour de l’Autel et il se pourrait bien qu’ils nous sourient au cours de cette messe, selon l’expérience qu’en fit ici-même Benoîte Rencurel : « elle vit un ange en l’air, qui souriait au prêtres, aux clercs et aux personnes dévotes ». Les anges vont nous sourire et proclamer avec nous la sainteté de Dieu, selon les paroles de la préface : « avec les anges et tous les saints, nous chantons l’hymne de ta gloire : saint, saint, saint le Seigneur ». Alors, il n’y aura plus la Terre et le Ciel. Il n’y aura qu’un seul et même lieu, un seul et même moment : celui qui unira toute la Création autour de son Seigneur. Là, dans le chœur, parmi les prêtres, diacres et servants, c’est d’abord la Vierge Marie qui viendra prendre place, à genoux sans doute, s’inclinant devant ce si grand mystère. Un pèlerinage dans un sanctuaire marial est d’ailleurs une occasion privilégiée pour redécouvrir la présence de Marie à la messe.
Avec elle, tous nos saints patrons, tous les saints qui intercèdent pour nous et tous nos anges viendront pareillement entourer l’Autel de leur présence et de leurs prières. Forcément alors, nous tomberons à genoux, de cœur plus encore que de corps ! Nous serons transportés au soir du jeudi saint. À table autour de Jésus, nous le verrons nous donner son corps et son sang en nourriture de vie éternelle. Vous entendrez le prêtre, mais ce sera le Christ qui dira : « ceci est mon corps ».
Et le Ciel s’obscurcira puisque nous irons alors jusqu’au pied de la croix. Du côté ouvert jaillira le sang sauveur recueilli dans le calice et nous entendrons Celui qui donne sa vie pour nous sauver crier : « ceci est mon sang versé pour vous ». Tout aura alors été donné et c’est là que nous chanterons : « Il est grand le mystère de la foi ».
La prière eucharistique déploiera ensuite les fruits d’un tel mystère : en communion avec le pape, notre évêque et toute l’Église, en appelant l’intercession des saints et en offrant l’Eucharistie pour le salut de ceux qui sont morts, nous percevrons de nouveau que la messe dépasse les murs de cette église comme elle dépasse ce que nous parvenons à en dire. Trois dons viendront alors déployer cette offrande de Jésus : le don de sa prière en nous unissant dans le Notre Père, le don de sa paix que nous échangerons pour ne faire qu’un en Lui, et le don de son corps en nourriture de vie éternelle.
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L’action de grâce sera forcément trop courte pour remercier de si grands bienfaits et pour laisser l’Esprit Saint faire de nous un seul corps, celui que nous aurons pareillement reçu en communiant physiquement ou par le désir. Mais notre action de grâce pourra avantageusement s’approfondir dans notre prière à un moment de ce dimanche, notamment au cours de la procession du Saint Sacrement qui viendra prolonger notre messe de cette Fête-Dieu.
Mais aussi, notre action de grâce devra se concrétiser tout au long de la semaine dans nos actes de charité ; sans quoi nous empêcherions Celui qui vient reposer en nos corps de nous faire vraiment vivre et de sortir vers les autres. Ça ne manquera pas de susciter en nous certains efforts et renoncements pas faciles et même peut-être fatigants et crucifiants. Mais c’est pourquoi il nous faudra revenir dimanche prochain puiser de nouveau à la source de la Vie Celui qui est la raison d’être de notre existence et notre unité. Puiser en Lui la force de nous offrir comme Lui, avec Lui et en Lui. Il est tellement grand le mystère de la foi ! Amen.