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Monday 2 November -
Homélie du lundi 2 novembre – Commémoraison de tous les fidèles défunts
Par le père Ludovic Frère, recteurÉvangile (Mt 25, 31-46)
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs : il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche. Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : ‘Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !’ Alors les justes lui répondront : ‘Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu...? tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ? tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? tu étais nu, et nous t’avons habillé ? tu étais malade ou en prison... Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ?’ Et le Roi leur répondra : ‘Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.’ Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : ‘Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges. Car j’avais faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’avais soif, et vous ne m’avez pas donné à boire ; j’étais un étranger, et vous ne m’avez pas accueilli ; j’étais nu, et vous ne m’avez pas habillé ; j’étais malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité.’ Alors ils répondront, eux aussi : ‘Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim, avoir soif, être nu, étranger, malade ou en prison, sans nous mettre à ton service ?’ Il leur répondra : ‘Amen, je vous le dis : chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait.’ Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle. »
Il paraîtrait qu’au moment du passage de la mort, on voit sa vie entière défiler devant soi. Cette idée ne fait pas directement partie de la Révélation chrétienne, mais à la lumière de l’enseignement que Jésus vient de nous offrir, il se pourrait bien qu’il en soit un peu ainsi.
Revoir toute sa vie pour relire les fois où l’on aura servi le Christ en nourrissant les affamés, en visitant les malades ou en accueillant les étrangers ; et constater aussi quand on aura manqué de le faire, par négligence ou par refus volontaire.
Il me semble que le jugement, c’est alors essentiellement cela : ressentir les effets de nos actes sur les autres, pour saisir ce que l’on est vraiment au fond de soi.
Saisir aussi toutes les conséquences de nos paroles, de nos actes ou de nos omissions, comme si l’on « devenait », en quelque sorte, les personnes que l’on avait rencontrées dans la vie. « Mets-toi à ma place », dit-on parfois pour essayer de faire comprendre à quelqu’un ce qu’on vit soi-même ; eh bien, je crois qu’au moment de la mort, nous nous mettrons à la place de tous ceux que nous aurons aidé sur terre et de tous ceux que nous n’aurons pas aidé.
Et puisque le Christ s’identifie aux petits, nous nous mettrons à la place du Christ servi ou méprisé, et alors le jugement ne viendra pas de Lui, il viendra du fond de nous-mêmes.
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Alors, si l’on accueille avec délice le premier appel du Christ Roi - « venez à moi, les bénis de mon Père » -, c’est non sans crainte que l’on entend ensuite : « allez-vous en loin de moi, vous les maudits ». Mais si le Seigneur Jésus nous prévient par cette parabole, c’est justement pour que notre vie présente ne soit pas la simple attente d’un verdict final. C’est par miséricorde que le Seigneur nous révèle la nature du jugement qui nous attend. Ainsi, il nous motive, il nous réveille, il nous dérange pour que nous Le laissions convertir maintenant, et dans le temps, ce qui doit encore l’être en nous.
Pour cela, il me semble utile de se poser ces questions essentielles : est-ce que je vis surtout pour moi ou pour les autres ? En quoi ma vie est-elle utile aux autres ? Au terme de ma vie, comment aurai-je contribué à alléger le poids de souffrance qui pèse sur le monde ? Et comment aurai-je accepté de rencontrer le Christ non seulement dans des rites et des prières, mais aussi dans les pauvres, les étrangers et les personnes ennuyeuses. Ainsi, au moment du jugement, je pense que le Christ demandera à chacun d’entre nous : « qu’as-tu fait dans ta vie que tu es heureux de me montrer ? » Ce sera certainement cela, notre jugement.
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Mais ce n’est pas suffisant. La miséricorde divine ne se limite pas à une pédagogie préventive, afin de changer maintenant ce qui doit encore l’être en nous. Car entre le jugement sur ma vie et la porte du Ciel, il a l’offrande du Christ. Il y a sa propre vie donnée sur la croix, il y a sa victoire sur le mal et sur la mort. Il y a la grâce qui agit en nous si nous la laissons faire. Il y a la miséricorde divine, qui est ce regard tellement bienveillant et bouleversant de Dieu sur nous. Il y a le sacrement du pardon, par lequel le Seigneur vient anéantir le Mal : Dieu ne reviendra pas dessus !
Notre vie de chaque jour consiste donc à cueillir les fruits du salut en Jésus-Christ ! Les cueillir pour nous-mêmes et les cueillir pour les autres. Et voilà tout le sens de la célébration de ce jour : la commémoraison des fidèles défunts n’est pas pour nous un simple hommage rendu à nos proches. Elle est surtout l’occasion de raviver notre prière personnelle et communautaire pour tous les morts qui ont encore besoin de la miséricorde divine afin de rejoindre la Béatitude éternelle.
Si le Seigneur nous appelle à soigner tous ceux qu’Il met sur notre route ici-bas, Il nous appelle pareillement à soigner ceux qui ont déjà passé la mort. Ils ne peuvent plus rien pour eux-mêmes ; mais nous, nous pouvons quelque chose pour eux.
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Je vous propose alors de puiser dans le message de notre sanctuaire 3 moyens essentiels pour soigner ceux qui ont franchi la mort ; 3 grands moyens qui sont au cœur de la tradition de notre Église et que l’expérience vécue ici par Benoîte Rencurel nous permet d’éclairer pour nous motiver davantage encore.
Le premier grand moyen, bien sûr, c’est la célébration de la messe. On lit dans l’histoire du Laus, en 1673 : « Dans une ville près du Laus, mourut subitement une femme qui n’avait pas vécu régulièrement bien. On craint qu’elle soit damnée. Sa fille prie Benoîte de savoir si Dieu lui avait fait miséricorde. La bonne Mère dit à Benoîte qu’elle était au purgatoire : que la grande douleur et la contrition qu’elle eut à sa mort l’avaient sauvée ; qu’elle y serait pour un certain temps - que Benoîte ne dit pas - pour ne pas avoir bien élevé ses enfants. Qu’on fasse (alors) dire six messes, des aumônes et prier Dieu pour elle ; qu’après cela, elle sera toute délivrée. »
Oui, l’Église ne cesse de le confesser : les messes sont d’un grand mérite pour nos défunts, parce que c’est alors le mérite de l’offrande de Jésus Lui-même dont ils bénéficient. Par conséquent, ça devrait être pour nous une évidence, et nous les prêtres nous devrions crouler sous les intentions de messes : ne manquons pas d’en faire célébrer pour nos proches défunts et pour tous les morts qui n’en bénéficient jamais. La messe de ce jour est ainsi à l’intention de toutes les âmes du purgatoire ; et ce mois de novembre pourrait être pour nous tous l’occasion de raviver notre désir d’offrir davantage le sacrifice eucharistique pour nos défunts.
Le 2e moyen dont nous parle le Laus, c’est la charité bien sûr. On lit qu’en 1710 – je cite - « La Vierge Marie dit à Benoîte qu’une femme était au purgatoire pour la haine qu’elle avait eue. Que son mari lui fasse dire neuf messes où il lui plairait, et faire un don de pain et de soupe aux pauvres ; qu’après cela, elle s’en irait au paradis. Ce que son mari fit au plus tôt. » Comme dans le cas précédent, la messe s’accompagne d’un don aux pauvres, car « la charité couvre une multitude de péchés », comme l’enseigne saint Pierre. Et nous voilà de nouveau motivés à poser des actes de charité. Le temps de confinement ne va pas nous freiner pour cela ; il va nécessiter sans doute un peu d’inventivité. Mais allons-y ! Saisissons ce moment favorable du confinement pour poser des actes concrets de charité !
3e moyen sur lequel le message du Laus insiste. On lit en 1671 : « Récitant son chapelet à la chapelle pour les âmes qui souffrent en purgatoire, (Benoîte) entend une voix plaintive qui lui dit : "dites-le dévotement, et continuez" ». Oui, continuez ! Continuez à prier le chapelet, frères et sœurs. Nous sommes sortis du mois du Rosaire, mais il faut continuer à prier le chapelet. Et si vous ne le faites jamais, ça serait bien de commencer ! ça pourrait être un bel engagement pour ce temps de confinement : prier le chapelet pour tous les défunts qui ont besoin de notre aide.
Cette prière au Seigneur par l’intercession de Marie porte une puissance toute particulière : « Priez pour nous », demandons-nous à la Vierge une fois, dix fois, 50 fois. En un chapelet, nous exprimons toute notre confiance en l’intercession de la Mère de Dieu : Oui, Très sainte Vierge, priez votre Fils pour tous vos enfants, particulièrement pour vos enfants qui attendent de Le voir face à face dans la béatitude éternelle.
Nous sommes sans doute plus de 2000 frères et soeurs à être unis pour cette messe. Si chacun d’entre nous se décide à prier le chapelet pour les défunts une fois par jour ou au moins une fois par semaine pendant ce confinement, vous imaginez la puissance d’amour qui va rejaillir sur toutes les âmes du purgatoire !
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Car la messe, les actes de charité, la prière mariale sont des manifestations d’amour. C’est bien cela qui est en jeu : non pas des incantations pour faire mériter le Ciel, mais des actes d’amour :
- à la messe, on offre tout l’amour de Jésus, en nous y unissant par l’offrande de nous-mêmes ;
- dans le chapelet, on offre au Seigneur l’amour de Marie en nous y associant ;
- et dans les actes de charité, on offre l’amour de notre attention aux autres…
C’est toujours l’amour qui est en jeu. Ce qui compte, c’est le poids d’amour avec lequel nous participons à la messe, prions le chapelet et sommes charitables. C’est de l’amour que nous donnons en offrant de notre temps à Dieu et aux autres ; et cet amour, le Seigneur vient le saisir, pour que ce qui a manqué d’amour dans le cœur de nos défunts puisse les rejoigne maintenant, afin de les rapprocher - et bientôt de les unir - à Dieu qui n’est qu’Amour.
Alléluia !