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Sunday 14 August - 20ème dimanche du T.O.
Gare aux canadairs !
Par le père Ludovic Frère, recteur« Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! » Quand Jésus emploie cette image du feu, à quoi ses disciples peuvent-ils donc bien penser ? Ils ont peut-être le souvenir de quelque feu de broussailles ou la mémoire de ces grands brasiers qui ont marqué l’histoire de l’Antiquité, comme l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie, 47 ans avant la naissance du Sauveur. Mais saint Luc, qui écrit son évangile une quinzaine d’années après le grand incendie de Rome, a certainement encore en tête ce dramatique événement qui consuma pendant 9 jours la capitale de l’Empire. En tous cas, le feu évoque quelque chose de fort, qui embrase tout sur son passage.
Mais c’est sans aucun doute un autre événement encore auquel pense l’évangéliste quand il rapporte ces paroles du Christ sur le feu ; un autre événement, qui se prolonge depuis lors sans cesse : c’est la Pentecôte. Quand Jésus exprime son désir d’un feu ardent qui embrase tout, il nous parle évidemment du feu de l’Esprit-Saint.
Ce feu divin nous a enflammés au jour de notre baptême et qui doit consumer encore toute la réalité de nos vies et du monde ! C’est un feu impossible à éteindre, qui ne peut faire autrement qu’habiter le cœur des disciples du Christ, au prix peut-être d’incompréhensions, de choix radicaux, voire de divisions au sein même des familles… Le moins que l’on puisse dire, c’est que Jésus ne nous le cache pas dans l’évangile de ce jour !
Ce feu ardent, le prophète Jérémie en avait déjà pressenti la force invincible. Il aurait préféré renoncer à sa mission de prophète, comme il le confesse lui-même : « À longueur de journée, la parole du Seigneur attire sur moi l’insulte et la moquerie » (Jr 20,8). Alors, Jérémie pense tout haut : « Je me disais : ‘Je ne penserai plus (au Seigneur), je ne parlerai plus en son nom’. Mais (sa parole) était comme un feu brûlant dans mon cœur, elle était enfermée dans mes os » (Jr 20,9).
Voilà ce qu’est réellement le feu de l’Esprit : un grand brasier qui habite jusqu’à la profondeur de notre moelle ! Un feu ardent, qui peut nous rendre courageux, déraisonnables dans la gestion de notre temps ou de notre argent, fous aux yeux du monde, débordants de générosité. Nous en avons un bel exemple dans la figure de ce saint prêtre fêté le 14 août, mais qui en ce dimanche disparaît derrière la lumière éblouissante de la résurrection : c’est saint Maximilien Kolbe, grand serviteur de Marie, qui a donné sa vie à la place d’un père de famille, dans le camp de concentration d’Auschwitz. Il y meurt dans d’atroces souffrances le 14 août 1941, devenant l’un des nombreux témoins de ce feu de l’Esprit plus fort que tout, qui embrase le cœur des disciples du Christ depuis la Pentecôte !
Alors, sans doute qu’une respiration spirituelle dans un sanctuaire peut vraiment raviver en nous ce feu de la présence du Seigneur ! Le Laus est ainsi comme un énorme soufflet, qui vient ré-enflammer en nos cœurs des braises parfois un peu endormies. Depuis plus de 350 ans, ce saint lieu réveille ainsi dans les esprits les plus refroidis le désir brûlant d’aimer comme le Christ !
Laissez-vous donc embraser avec l’aide de la Vierge du Laus, qui a guidé Benoîte de sa douce flamme et qui continue à tous nous conduire, comme nous le célébrerons particulièrement ce soir, avec la procession mariale aux flambeaux derrière la statue de Notre-Dame des grâces, pour marquer notre entrée dans la solennité de l’Assomption.
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Mais face à ce feu qui ne demande qu’à jaillir de nos cœurs, prenons garde aux canadairs qui voudraient l’éteindre ! Oui, il y en a bien, de ces avions bombardiers d’eau, qui planent au-dessus de nos têtes à chaque fois que nous voudrions laisser brûler le feu de l’Esprit-Saint !
Vous les connaissez sans doute, vos canadairs personnels : ça peut être des idées, des projets, des attachements matériels et même des personnes parmi nos plus proches. Ils déversent des litres d’eau sur la moindre étincelle de folie évangélique, pour s’assurer que nos vies ne s’enflamment pas trop !
Sans doute votre venue au sanctuaire du Laus peut-elle vous aider à identifier plus clairement vos propres canadairs, toujours prêts à décoller au moindre risque d’incendie et qui planent sur votre tête au lieu d’y laisser briller cette flamme de l’Esprit, qui reposa sur les apôtres à la Pentecôte telles des langues de feu.
Quels sont vos canadairs personnels ? Repérez-les et refusez leur décollage ! Interdisez-leur formellement de voler au-dessus de vous, pour ne pas étouffer la flamme de l’Esprit.
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Mais ce comportement « protectionniste » ne peut cependant suffire. Un chrétien habité par le feu de l’Esprit ne peut se contenter d’un constat fataliste devant les divisions suscitées par l’évangile. Il nous faut encore croire que le brasier de l’amour divin est tel, qu’il peut enflammer même des canadairs remplis d’eau !
D’ailleurs, nous tous, baptisés, nous l’avons bien expérimenté au jour de notre baptême : le feu de l’Esprit a embrasé l’eau baptismale pour que nous plongions dans la mort du Christ afin de ressusciter avec lui. Le feu a déjà embrasé l’eau ; il peut donc encore enflammer les plus gros canadairs, pour que ceux qui voudraient éteindre le feu de l’Esprit se trouvent eux-mêmes embrasés par cet Esprit ! Prions donc, si vous le voulez bien, pour que le feu désiré si ardemment par notre Seigneur gagne même ceux avec lesquels nous sommes divisés à cause de notre foi. Et même, pourquoi pas, enflammer les cœurs froids des djihadistes pour qu’ils découvrent le Christ… Il est tellement fort, le feu de l’Esprit ; laissons-le donc jaillir !
A ses disciples, sur le chemin de Jérusalem, Jésus annonce son grand désir que le feu de l’Esprit enflamme le monde. Ne le décevons donc pas ! Comme le disait Shakespeare, « un feu léger est vite étouffé ; mais si vous le laissez faire, des rivières ne sauraient l’éteindre[1]. » Alors, ne soyons pas légers, en amour comme dans la foi ; ne soyons pas légers dans nos vies familiales, dans notre charité fraternelle. Et le Seigneur pourra constater, dès la célébration de cette Eucharistie, combien son désir trouve, ici et maintenant, une magnifique réponse jaillie de nos cœurs disponibles !
Oui, Seigneur Jésus, regarde : tu veux que ton feu se répande sur la terre ; nous sommes, Seigneur, disposés à nous laisser embraser, sans quoi nous serions ailleurs en cette belle matinée d’été ! Dans quelques minutes, la prière de la préface nous y engagera encore : « élevons notre cœur, nous le tournons vers le Seigneur ! » C’est donc clair : nous voulons nous consumer pour sa gloire et pour faire rayonner sa lumière dans toutes les froideurs et les obscurités du monde !
Et si, pour embraser le monde, ce feu doit plutôt désaltérer les assoiffés et rafraîchir des esprits trop échauffés, pas de problème ; Comme en témoignent ici les Manuscrits du Laus : Dieu, « s’il veut que le feu rafraichisse, celui-ci lui obéit[2]. » Feu qui embrase, feu qui purifie, feu qui rafraichit, feu qui étanche la soif, feu qui illumine. Puisque la moindre étincelle peut mettre le feu à des hectares de forêt, imaginez si nous unissons tous nos flammes ardentes ! Ame
[1] William Shakespaere, Henri IV,
[2] CA G. p. 5 XI [51] – année 1664