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Sunday 13 January - "J’appartiens au Père, je vis comme le Fils, je m’ouvre à l’Esprit"
Fête du baptême de Jésus
Par le Père Ludovic Frère, recteurImaginez un instant avoir été témoin de cet événement : témoin privilégié du baptême de Jésus ! Vous êtes dans cette foule qui se rue vers Jean-Baptiste. Vous voyez s’approcher un homme visiblement comme les autres. Il attend son tour pour se faire baptiser. De cette scène fort banale, qu’auriez-vous donc retenu ? Qu’en auriez-vous raconté une fois rentré chez vous ?
Peut-être auriez-vous remarqué la touchante complicité entre le baptiseur et le baptisé, eux qui 30 ans auparavant s’étaient salués dans le ventre de leurs mères. Peut-être auriez-vous été marqué par l’humilité de Jean, osant à peine toucher son cousin tant il savait qui était le plus fort, le plus saint. Sans doute auriez-vous aussi remarqué la majesté du corps de Jésus plongeant dans l’eau. Peut-être auriez-vous même perçu comme une forme de prosternation de l’eau elle-même devant son Créateur qui venait plonger en elle.
Bref, du grandiose dans cet événement si simple ; du grandiose perceptible seulement par ceux qui sont disposés à un regard qui n’en reste pas aux seules apparences. Un regard tel que l’évangéliste saint Luc est capable d’en poser.
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En fait, de cet événement en lui-même, l’évangéliste ne dit rien. Il ne parle pas du geste du baptême, il retient seulement de ce qui passe ensuite. Saint Luc se contente en effet de ces mots : « Comme tout le peuple se faisait baptiser et qu’après avoir été baptisé lui aussi, Jésus priait, le ciel s’ouvrit ». Saint Luc ne s’intéresse pas au baptême de celui qui n’avait pas besoin de baptême. Il préfère se focaliser sur l’Esprit-Saint et le Père, tous deux présentés dans un même mouvement, une forme de descente vers le Fils bien-aimé en prière : l’Esprit Saint comme une colombe, le Père par sa voix venant du Ciel, tous deux se penchant vers le Fils comme on se penche sur berceau d’un nouveau-né. Clairement, le baptême de Jésus prolonge le mystère de la crèche ; il en révèle la dimension trinitaire.
Le Père, le Fils et le Saint Esprit : l’évangéliste veut souligner cette révélation trinitaire, comme pour nous dire qu’il est impossible de comprendre notre propre baptême en dehors de la confession de foi en la Sainte Trinité. D’ailleurs, quand le Christ enverra ses disciples évangéliser, il leur demandera d’aller « baptiser au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit » (Mt 28,19). La liturgie baptismale a précieusement gardé cette demande du Christ, si bien qu’un baptême est invalide s’il n’est accompagné de la parole : « je te baptise, au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit ».
Nous ne devrions donc jamais dire que « nous sommes baptisés ». Il nous faudrait toujours préciser : « baptisés au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit ». Le confesser consciemment, comme on le rappelle implicitement à chaque fois qu’on se marque de l’eau bénite à l’entrée d’une église. Mais surtout, le confesser consciemment pour que cette confession se déploie dans la vie quotidienne : j’appartiens au Père, je vis comme le Fils, je m’ouvre à l’Esprit.
Voilà ce qu’est la vie chrétienne : j’appartiens au Père, je vis comme le Fils, je m’ouvre à l’Esprit. C’est la manière d’être du baptisé et sa raison d’être.
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D’abord, j’appartiens au Père. Toujours avoir conscience d’appartenir au Père, sans jamais chercher à n’être qu’à soi-même ni à aucune créature sur cette terre. Lui appartenir, c’est aimer faire sa volonté, ne rien y préférer, jamais. Chercher cette volonté comme on cherche un trésor, comme on cherche une source pour s’y abreuver. J’appartiens au Père !
Plus qu’une décision, c’est un émerveillement : comment se fait-il que le Dieu tout-puissant veuille à ce point que nous soyons pour lui des enfants, et qu’il soit pour nous un Père ? Réjouissons-nous alors de reposer dans les mains d’un tel Père ! Ne craignons rien sous son aile. Ne cherchons pas ailleurs d’autre solidité, d’autre sécurité ; elles ne sont que du vent en comparaison de la forteresse qu’est notre Père du Ciel.
Écoutez alors ce Père dire aujourd’hui à Jésus ce qu’il dit à chaque baptisé : « Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie ». Oui, écoutez bien : vous êtes fils ou fille bien-aimé(e) du Père ! Quoi que vous ayez fait de votre vie ! Fils ou fille bien-aimé(e) qui entend aujourd’hui cette déclaration d’amour : « en toi, je trouve ma joie ».
Frères et sœurs, Dieu trouve sa joie en nous. Nous ne sommes pas sa déception, nous ne sommes pas un poids pour lui : nous sommes sa joie ! À bien y regarder, le sanctuaire du Laus n’existe que pour cela : redécouvrir à travers le regard de la Vierge Marie combien nous sommes la joie du Père ! Et c’est pourquoi nous trouvons ici tant de paix : parce que cette joie que nous sommes pour le Père, il nous la communique, au plus profond de nous-mêmes. Alors, quels que soient les poids que nous avons à porter, quelles que soient nos vies bouleversées, nos souffrances épuisantes, toujours, nous sommes la joie du Père et il nous fait goûter sa joie !
C’est alors dans l’action de grâce que nous pouvons confesser : « j’appartiens au Père ». Tu es, ô grand Dieu, ô bon Dieu, mon Père bien-aimé. En toi, je trouve ma joie ! Rien n’est plus important pour moi que de t’appartenir, ô Père !
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J’appartiens au Père ! Et c’est pourquoi : je vis comme le Fils. Non pas en cherchant à égaler sa sainteté, ce serait peine perdue. Mais en Le laissant vivre en moi. Ne rien décider, ne rien dire, ne rien vouloir sans l’avoir entièrement déposé dans le cœur de Jésus pour toujours battre à son rythme. Demander au Christ de pouvoir adopter son regard sur chaque personne. Découvrir alors ce qu’il faut dire et ce qu’il faut taire, ce qu’il faut faire ou ne pas faire. Que ferait Jésus à ma place ? Que veut-il faire de moi, puisqu’il est en moi ?
Vivre comme le Fils, c’est adopter son comportement, celui qui fut le sien devant la Samaritaine, Zachée ou la femme adultère. Vivre comme le Fils, c’est découvrir qu’il nous faut être comme lui, le bon Samaritain penché sur le blessé, le vigneron travaillant amoureusement à la vigne du Père, le semeur qui répand généreusement la parole. Nous devons être tout cela, tous ces visages du Christ.
Ou plutôt : chacun d’entre nous, un trait de ce visage. Certains sont davantage ses yeux qui voient les souffrances du monde, un autre est plutôt ses bras qui relèvent et qui soignent, un autre encore son intelligence pour penser les grands problèmes du monde. Nous sommes tous membres du corps du Christ ; chacun d’entre nous est un comportement du Fils pour le monde.
Peut-être faudrait-il donc aujourd’hui, en mémoire de votre baptême, redécouvrir quel organe en particulier vous êtes dans le Christ : avez-vous plutôt le charisme de sentir les choses, de les penser, d’agir concrètement ou de prier ? Qu’importe, ou plutôt : tout importe ! Tout est important, même les manières d’être les plus discrètes ; tout est nécessaire pour que le Christ continue à attirer le monde vers le Père. C’est pourquoi, depuis mon baptême, je vis comme le Fils !
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J’appartiens au Père, je vis comme le Fils et je m’ouvre à l’Esprit. Troisième et essentielle disposition du baptisé : je m’ouvre à l’Esprit. L’évangile de ce jour nous révèle que l’Esprit Saint descend comme une colombe, c’est-à-dire qu’il vient couvrir de sa paix ceux qui se rendent disponibles à ce qui vient d’En-Haut.
Si nos regards ne vont qu’aux réalités d’en-bas, nous ne pouvons pas nous ouvrir à l’Esprit. Nous vivons alors seulement pour assouvir les désirs du corps et du psychisme. Mais si nous nous laissons rejoindre par En-Haut, alors l’Esprit peut descendre, comme une colombe : paisible descente qui apporte la paix et fait de nous des artisans de paix.
Laissez-vous donc conduire par l’Esprit ! Laissez-vous encore saisir par lui, laissez-le vous surprendre et surprenez les autres ! Que l’Esprit Saint soit votre respiration, votre milieu de vie comme l’eau pour le poisson. Je m’ouvre à l’Esprit puisqu’il est ma vie !
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J’appartiens au Père, je vis comme le Fils, je m’ouvre à l’Esprit. Frères et sœurs, je vous invite à ce que chaque signe de croix soit véritablement pour nous le rappel de cette réalité baptismale qui nous a plongés dans la vie trinitaire. À chaque fois que vous faites ce signe, pensez-y bien :
- j’appartiens au Père (en faisant le premier geste du signe de croix, main sur le front) : cette réalité, je dois bien me la mettre dans la tête !
- je vis comme le Fils (en faisant le deuxième geste du signe de croix, main sur le ventre) : cette réalité doit habiter mes tripes !
- je m’ouvre à l’Esprit (en faisant le dernier geste du signe de croix, d’épaule à épaule) : il me décharge les épaules et il élargit mon regard sur le monde. L’Esprit me fait tout voir par En-haut.
Alors, tout devient grand, même les moments les plus ordinaires. Tout devient habité de cette vie baptismale par laquelle nous sommes morts à nous-mêmes et déjà ressuscités !
J’appartiens au Père, je vis comme le Fils, je m’ouvre à l’Esprit. Amen.