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Sunday 28 December - Fête de la Sainte Famille
Familles saintes ?
Par le père Ludovic Frère, recteur du sanctuaireLa fête de la sainte famille sonne d’une manière particulière au terme de cette année où la famille a été au cœur des débats et des réflexions dans l’Église. Le synode sur les défis pastoraux de la famille dans le contexte de la nouvelle évangélisation a suscité un intérêt particulier chez beaucoup de chrétiens et même en dehors de l’Église. Il y a eu et il y aura encore des discussions profondes et des débats animés, en n’oubliant pas, comme le fit le Christ aux jours de sa vie terrestre, de prendre en considération ceux qui souffrent et ceux qui n’arrivent pas à vivre l’idéal évangélique. Comment accueillir ces situations de vie sans amoindrir les belles exigences de l’évangile pour les adapter aux mentalités du moment ? C’est l’enjeu difficile des réflexions qui se prolongeront jusqu’au mois d’octobre prochain, avec un nouveau synode sur la famille.
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Mais contempler aujourd’hui la sainte Famille, c’est justement prendre la réalité familiale par le haut ; c’est reconnaître son mystère plus que ses difficultés ; c’est l’accueillir comme un don plus qu’un effort pour s’entendre entre personnes qui sont de même sang, ou unis par alliance, mais qui sont pourtant bien différentes.
De différences, on n’en trouve d’ailleurs pas autant dans nos familles que dans celle de Jésus : une mère vierge immaculée conception, un père adoptif, un enfant qui est Dieu fait homme… la sainte famille n’offre vraiment pas une image d’uniformité, ni même de facilité ! L’évangile vient ainsi de nous plonger dans ces relations familiales complexes, illustrées par la réaction des parents à l’annonce de Syméon : « le père et la mère de l’enfant s’étonnaient de ce qui était dit de lui ». Marie et Joseph avaient pourtant déjà reçu les annonces angéliques, ils avaient contemplé dans la nuit de Noël les cieux chantant la gloire de Dieu, mais ils s’étonnent encore que Jésus soit reconnu comme le Messie, lumière des nations et gloire d’Israël.
C’est sans doute le secret d’une vie familiale profonde : savoir toujours s’étonner des autres. S’émerveiller de ce que l’on découvre chez eux, mais aussi rester ouvert à ce que des personnes extérieures à la famille pourront nous révéler de nos proches, dont la proximité justement n’est pas toujours la garantie d’une lucidité ou d’une disponibilité à savoir découvrir encore les autres. Marie et Joseph sont alors pour nous des modèles, en acceptant d’entendre ce que Syméon et Anne leur disent de Jésus ; ils ne se ferment pas sur leur relation à trois, dans une forme d’exclusivité qui aurait privé les autres du bonheur de rencontrer le Christ. Et ils ne se ferment pas à ce qu’ils avaient jusque-là découvert de leur vie familiale.
Ainsi, une famille est nécessairement un lieu ouvert ; on ne protège pas sa famille comme le font les animaux, dans une logique de clan qui exclut ceux qui ne partagent pas le même sang. La famille chrétienne que nous formons en tant qu’enfants du même Père céleste et frères et sœurs adoptifs dans le Christ nous le rappelle sans cesse : ici, nous sommes tous de la même famille ; il nous faudrait donc avoir le même souci les uns des autres qu’on peut l’avoir dans une famille de sang soudée et aimante.
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Fêter la famille, c’est aussi accepter d’y tenir une place particulière pour aider les autres à grandir, à s’épanouir dans ce qu’ils sont. Cette mission est d’autant plus pressante que nous percevons bien, dans les relations familiales, les limites des uns et des autres. Autant on peut donner le change dans des relations sociales où il est aisé de jouer un rôle, de paraître fort ; autant la vie familiale nous confronte à la réalité de nos limites, de nos péchés et de nos faiblesses.
Le père Stan Rougier disait : « il faudrait aimer les êtres dans la mesure même où nous les voyons incomplets ». Cette incomplétude ne devrait jamais nous conduire à utiliser les faiblesses des autres pour appuyer là où ça fait mal. Il est tellement facile, dans des relations familiales où l’on se connaît bien, de coincer les autres dans leurs paradoxes, leurs incohérences, leurs échecs ! Fêter aujourd’hui la famille peut nous encourager à refuser d’exploiter les failles que nous découvrons chez les autres.
Mais « les manques que nous déplorons chez les autres ne sont souvent que la trace de notre absence », dit encore le père Stan Rougier. Oui, les manques des autres révèlent les moments où nous ne sommes pas assez à leurs côtés. Ce que nous leur reprochons, c’est alors bien souvent ce que nous manquons de leur donner. Fêter la sainte famille, c’est donc certainement demander au Seigneur la grâce de savoir combler les faiblesses des autres par notre présence, pour consoler mais aussi pour soigner et pour sanctifier.
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Car c’est bien la plus essentielle mission que nous avons en famille : nous aider les uns les autres à devenir des saints. Pas seulement subvenir aux besoins matériels et intellectuels des membres de la famille, mais aider à la sanctification de chacun de ses membres. Ce dimanche peut être alors une occasion favorable pour nous demander, au terme de cette année, quels moyens nous avons pris pour aider les membres de nos familles à devenir saints ; et trouver dans l’intercession de la sainte famille la force d’entamer bientôt une année nouvelle avec ce désir renouvelé : je prends la résolution d’aider mon conjoint, mon frère, mon enfant à devenir saint !
Saint Jean-Paul II parlait de la famille, qui lui était si chère, comme d’un « sanctuaire de la vie et de l’amour pour les générations qui se renouvellent sans cesse ». Nous qui sommes justement rassemblés en un sanctuaire, nous pouvons nous laisser saisir par cette définition : nos familles sont des sanctuaires de vie et d’amour. Un sanctuaire, c’est un lieu où l’on vient puiser la force de se convertir à l’évangile ; c’est un lieu où l’on vient déposer le fardeau d’une vie trop lourde à porter ; c’est un lieu fort de la prière de ceux qui s’y succèdent. Voilà ce que sont aussi nos familles !
Le respect que l’on a quand on rentre dans un sanctuaire, le silence qui doit y trouver sa place, l’élan vers le Ciel qui en est facilité : tout cela doit habiter nos vies familiales. Je vous propose donc d’écouter ce que les Manuscrits du Laus nous disent du sanctuaire dans lequel nous sommes aujourd’hui rassemblés, pour que nous acceptions d’y voir un appel à vivre la même chose dans nos relations de couple et de famille : le Laus est « un rocher qui s’élève, malgré tout, au milieu des orages ». « Jésus l’a donné à sa sainte Mère pour la conversion des pécheurs ». « C’est l’ouvrage de Dieu et non pas celui des hommes ». « Les bonnes odeurs qu’on y ressent et les grâces qu’on y reçoit étouffent toutes les obscurités des incrédules ».
Oui, tel est le Laus et telles sont appelées à être toujours plus nos familles : des sanctuaires, ouvrages de Dieu, pour la conversion ; des lieux de grâce, où se répand la bonne odeur de l’amour partagé et où sont étouffées les tentations individualistes qui nous menacent sans cesse.
Même dans une famille où tous n’ont pas la foi, même dans une famille blessée par des divisions, il est possible de laisser entrer l’enfant de Bethléem pour qu’il dispose les cœurs à la communion plus forte que la désunion. Que nos crèches illustrent alors ce que doivent être nos familles : les parents à genoux pour prier et contempler, la porte ouverte pour que bergers et mages puissent toujours entrer, et au centre, bien sûr le Christ enfant, les bras ouverts pour donner à nos familles toute sa bénédiction !
Amen.