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Sunday 8 June - Solennité de la Pentecôte
Esprit de douceur, Esprit de force !
Par le père Ludovic Frère, recteur du sanctuaireAux deux grandes solennités de Pâques et de la Pentecôte, la liturgie propose une particularité qu’on ne retrouve à aucun autre moment de l’année : elle nous prépare à entendre l’évangile par un chant qu’on appelle « la séquence ».
A Pâques, la séquence Victimae paschali laudes chante la résurrection du Seigneur et interroge Marie-Madeleine : « dis-nous, qu’as-tu vu en chemin ? » A la Pentecôte, la séquence se fait davantage invocation : « Viens, Esprit-Saint ! »
Ce chant annonce la venue de l’Esprit-Saint comme bienfaisante et régénératrice : « viens, dispensateur des dons, viens, lumière de nos coeurs. Consolateur souverain, hôte très doux de nos âmes, adoucissante fraîcheur ». Oui, l’Esprit-Saint vient tout apaiser en nous.
Calmons-nous donc en recevant sa présence ! Laissons s’apaiser nos fièvres de corps et d’esprit, nos soucis du monde, nos blocages envers les autres. Sachons accueillir et savourer la présence de « l’hôte très doux de nos âmes ». Oui, Esprit-Saint, sois cette douceur qui nous manque tellement, au plus profond de nous-mêmes et dans nos relations avec les autres ! Viens, hôte très doux de nos âmes !
Frères et sœurs, laissons donc aujourd’hui l’Esprit-Saint nous remplir de toute la paix dont nous avons besoin, pour nous et dans notre rapport aux autres ; laissons-le être la communion qui nous unit bien au-delà de toutes nos dissensions et de nos manques d’efforts à chercher l’unité entre nous. Il est l’Esprit de paix ; Il veut nous donner la paix.
C’est tous les jours qu’il veut nous la donner, mais en cette fête de la Pentecôte, elle se déverse avec une douceur particulière, dont il serait bien dommage de ne pas profiter : ce jour est un jour pour que la douceur de l’Esprit-Saint nous apaise entièrement.
Sans doute cette opportunité d’accueillir l’adoucissante fraîcheur de l’Esprit-Saint n’a pas été possible pour nous tous depuis ce matin. Entre la famille à préparer pour venir à la messe ; les bagages à refaire et les chambres à libérer pour les pèlerins qui nous quittent aujourd’hui ; sans compter toutes les préoccupations, plus ou moins légitimes, qui nous habitent… l’Esprit de paix n’a peut-être pas encore bien eu l’occasion de nous rejoindre en ce jour !
Alors, vivons cette messe pour que ce soit maintenant, ce moment favorable : que l’Esprit Saint saisisse toute notre assemblée pour nous consoler, pour habiter nos âmes avec douceur et adoucir nos esprits chagrins. Oui, viens, Esprit de douceur, Esprit de paix ! « Consolateur souverain, hôte très doux de nos âmes, adoucissante fraîcheur ». Mais la fête qui nous donne aujourd’hui d’accueillir l’Esprit-Saint n’est pas qu’une fête d’apaisement et de douceur.
Nous avons entendu dans le livre des actes des Apôtres que la première expérience des disciples à la Pentecôte n’a pas été d’éprouver d’abord une sorte de zénitude apaisante. Au contraire, c’est avec une forme de violence que l’Esprit-Saint s’est manifesté à eux. « Soudain il vint du ciel un bruit pareil à celui d'un violent coup de vent : toute la maison où ils se tenaient en fut remplie. Ils virent apparaître comme une sorte de feu qui se partageait en langues et qui se posa sur chacun d'eux ».
La soudaineté, le bruit, le vent et un feu qui vous tombe dessus : il n’est pas certain que, sur le moment, cette rencontre avec l’Esprit-Saint ait rempli les apôtres d’une paix profonde ! Je pense qu’elle les a plutôt bousculés, désarçonnés, voire peut-être même effrayés.
C’est qu’il en est ainsi avec l’Esprit-Saint : pour être la paix, il doit d’abord être le tourment. Il doit être cette présence au plus intime de nous-mêmes qui nous bouscule. Pour être en nous l’adoucissante fraicheur, l’Esprit-Saint doit d’abord être un vent qui nous déplace, qui nous sort de nos fausses sécurités, qui nous pousse en avant, qui nous fait parler des langues que nous ne connaissions même pas.
L’Esprit Saint nous donne une énergie inédite : il dérange, désinstalle, crée du désordre. Mais pas un désordre qui éparpille : un désordre qui unifie davantage en remettant tout dans le bon sens.
Car nous sommes tous, en fait, en désordre permanent : entre le bien que nous voudrions faire et le mal que nous souhaiterions éviter, entre les pensées contradictoires qui nous habitent, les relations si difficiles que nous entretenons avec certains, les événements de la vie qui nous interrogent sur la présence agissante de Dieu… tout cela se bouscule en nous et nous pousse parfois à des manières de faire, de penser et d’être qui sont tordues.
L’Esprit-Saint vient alors créer du désordre, un désordre qui remet tout en place ; un désordre qui remet dans le bon sens notre existence personnelle, nos relations aux autres et la vie de l’Eglise. Tout dans le bon sens, à partir d’En-Haut, à partir de l’éternité !
Alors, laissons-nous tourmenter par l’Esprit-Saint ! Dès cette messe de Pentecôte, dès maintenant, présentons-lui nos désordres identifiés ou inconnus de nous. Prenons quelques instants de silence, encore, pour nous laisser bousculer par l’Esprit qui remet tout en ordre.
Oui, viens, Esprit-Saint, comme un vent, comme un feu ! Viens nous bousculer, nous réveiller, nous sortir de nous-mêmes. Car accueillir l’Esprit-Saint, c’est nécessairement accepter de sortir. Comme les apôtres, qui étaient enfermés dans leur maison et qui soudain vont dehors pour parler aux foules.
Sortir, c’est toujours prendre un risque. C’est faire preuve d’audace, mais une audace dont la nécessité ne s’évalue pas forcément par le succès aux yeux du monde. D’ailleurs, la première lecture de ce jour s’est arrêtée juste avant deux versets qui rapportent qu’en entendant les apôtres, « tous étaient dans la stupéfaction et la perplexité, se disant l’un à l’autre : "Qu’est-ce que cela signifie ? » D’autres se moquaient et disaient : « Ils sont pleins de vin doux ! "»
Vous voyez : remplis de l’Esprit-Saint, les disciples osent annoncer le Christ ressuscité, mais pour un succès qui ne leur appartient pas. Ils se font moquer par ceux qui les regardent de haut, mais qui n’ont en eux que l’esprit du monde, esprit de critique, esprit de dénonciation, esprit de moquerie. Nous voilà donc encore interrogés : quel est l’esprit qui nous habite vraiment ? L’esprit de critique ou l’Esprit-Saint ? L’esprit de dédain, qui rend semblable au monde ; ou l’Esprit de Dieu, qui rend semblable au Christ ?
Mais qu’importe : ils sortent, les disciples remplis de l’Esprit-Saint. Ils s’activent pour annoncer la résurrection du Christ. L’Esprit Saint nous met nécessairement en « tenue de sortie » ; il nous fait revêtir le vêtement de service, le vêtement du Christ.
En cette fête de la Pentecôte, choisissons résolument l’Esprit Saint, qui nous permet de porter sans honte - et certainement pas par intermittence, - le vêtement du Christ dont notre baptême nous a revêtus ; c’est pourquoi baptême et confirmation ont toujours été perçus par l’Eglise comme étroitement liés… ceux parmi nous qui n’ont pas été confirmés feraient bien d’y réfléchir aujourd’hui, ou plutôt de laisser l’Esprit-Saint les éclairer sur cette réalité essentielle : il nous faut la plénitude de l’Esprit pour parvenir à porter en tout temps le vêtement baptismal.
Et vous, frères et sœurs confirmés : qu’avez-vous fait de votre confirmation ? Comment vous donne-t-elle courage dans les épreuves et face aux moqueries ? Comment vous fait-elle parler un langage nouveau, que chacun comprend clairement ? Comment crée-t-elle en vous un désordre qui remet le bon ordre ? Comment est-elle la source de tous vos efforts vers l’unité ?
« Tous furent remplis de l’Esprit Saint », nous dit le récit de la Pentecôte. Remplis ! L’Esprit-Saint n’est pas un verni, il n’est pas là pour décorer notre vie d’un peu de spiritualité. Il remplit, il prend toute sa place ! Saurons-nous donc la lui laisser ?
Viens, Esprit-Saint !
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