Rechercher dans les homélies
Homélie en détails
Pour être tenu informé des publications d'homélies
Sunday 5 June - 7e dimanche de Pâques A
« En quête de gloire »
Par le Père Ludovic Frère, recteur du sanctuaire
Voici trois jours, nous avons célébré l’Ascension du Seigneur Jésus-Christ, et nous avons précisé : son Ascension « dans la Gloire ». Comme pour bien saisir la réalité de cet événement et ses conséquences pour notre vie et notre salut, ce dimanche met justement l’accent sur la Gloire de Dieu et notre participation à sa Gloire.
Voilà bien une réalité assez difficile à percevoir : qu’est-ce que la Gloire de Dieu ? Et quel rapport entre cette Gloire et celles que nous voyons s’étaler dans notre monde : gloire d’un succès ou d’une reconnaissance médiatique ?
Quand nous appliquons le concept de « gloire » aux réalités humaines, c’est pour parler d’un triomphe donnant une renommée particulière. On parlera ainsi de nos « glorieux ancêtres » pour honorer ceux qui ont donné leur vie pour notre pays ; leur courage et leur abnégation font aujourd’hui légitimement leur gloire, dans nos mémoires.
Si certaines de ces gloires humaines sont donc honorables, d’autres sont bien plus futiles. Mais, quoi qu’il en soit, il est évident que le Seigneur, Lui, n’est pas en quête d’une gloire à l’image du monde. Dieu n’a pas besoin d’être applaudi ; Il lui est absolument inutile d’être admiré ; Il n’est pas grandi par nos acclamations, puisqu’il est Dieu.
La Gloire de Dieu va donc nécessairement se jouer sur un autre registre que celui de la réputation et de l’admiration. C’est justement ce que viennent nous dire les lectures de ce dimanche.
* * *
Ainsi avons-nous entendu Saint Paul nous parler de « l’Esprit de gloire », comme le moyen de tenir dans les épreuves : « si l’on vous insulte à cause du nom du Christ, dit-il, heureux êtes-vous puisque l’Esprit de gloire repose sur vous ! » La gloire est donc une réalité présente et agissante maintenant, mais dont le déploiement total est annoncé pour plus tard, comme Saint Paul le dit encore : « réjouissez-vous afin d’être dans la joie et l’allégresse quand la gloire (du Seigneur) se révèlera ».
Il ne s’agit donc clairement pas d’une gloire de renommée à applaudir, mais d’une gloire à vivre, à laisser nous habiter ; une gloire à demander au Père, comme Jésus le fait dans sa prière d’aujourd’hui : « Glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie (…) Donne-moi la gloire que j’avais auprès de toi avant le commencement du monde ».
Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette prière n’est pas facile à comprendre ! Mais si la Parole du Seigneur insiste à ce point sur cette réalité, c’est qu’elle a quelque chose d’essentiel à nous dire. Alors, acceptons de chercher à la comprendre, en commençant par un voyage en terre biblique.
* * *
Dans l’Ancien-Testament, la Gloire de Dieu - la Shekinah – signifie sa présence quasi-visible. Enveloppée dans la nuée, elle est comme une colonne de lumière qui accompagne le peuple hébreu dans sa traversée du désert. Cet aspect lumineux et presque tangible est très important pour saisir ce qu’est la Gloire de Dieu : c’est la manifestation visible de Celui qui est par nature invisible.
Or, voilà qu’en Jésus-Christ, Dieu s’est rendu visible. Depuis lors, la gloire divine n’est donc plus seulement une manifestation de sa présence, c’est la personne-même du Christ. Nous entendions ainsi, à Noël, Saint Jean s’exclamer : « le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient du Père comme Fils unique plein de grâce et de vérité » (Jean 1,14).
Puisque la Gloire divine s’est pleinement manifestée en Jésus-Christ – on pourrait oser dire qu’elle s’est totalement « incarnée » en Lui –, il devient évident pour nous qu’elle n’a rien à voir avec une renommée admirative. Car si Dieu avait voulu être admiré et applaudi, il aurait choisi une autre manifestation que l’incarnation, si humble et si discrète. La Gloire de Dieu n’est décidément pas du bling-bling !
* * *
Mais une fois écarté ce qu’elle n’est pas, il nous reste à comprendre ce qu’elle est véritablement pour en saisir toutes les conséquences dans nos vies. Car si Jésus est la Gloire de Dieu en personne, on peut se demander pourquoi il demande aujourd’hui au Père de le glorifier, c’est-à-dire de lui donner de la gloire.
Pour le comprendre, c’est le lien étroit entre le Christ-Tête et nous son corps qu’il faut d’abord percevoir. Monté aux Cieux, le Verbe éternel nous emporte avec Lui : par son humanité, c’est toute notre humanité qui est montée auprès du Père au jour de l’Ascension.
Par conséquent, si Jésus (qui est la Gloire du Père) demande au Père de le glorifier encore, c’est pour nous, les membres de son corps. Liés de manière vitale au Christ, sa gloire peut désormais circuler en nous.
Rendez-vous compte de ce que cela signifie ! La gloire divine, dans toute sa splendeur lumineuse, circule en nous et entre nous. Et c’est pourquoi Saint Paul osera cette affirmation scandaleuse pour la mentalité juive dont il est originaire : « nous sommes le temple du Dieu vivant, comme Dieu l’a dit : j’habiterai et je marcherai au milieu d’eux » (2 Co 6,16). L’Apôtre reprend ici l’image de la Gloire qui accompagnait le peuple au désert, marchant avec eux. Par Jésus-Christ ressuscité et par l’envoi de l’Esprit-Saint, cette Gloire est maintenant en nous, dans nos corps de chair.
Et Saint Paul nous aide encore à en tirer les conséquences les plus concrètes : « ne savez-vous pas que votre corps est le temple de l’Esprit-Saint, qui en vous et que vous avez reçu de Dieu ? Vous ne vous appartenez plus à vous-même » (1 Co 6,19).
C’est l’un des fondements essentiels de la morale chrétienne – ou l’éthique chrétienne, si vous préférez –, notamment dans le rapport au corps : puisque la Gloire de Dieu habite en nous, elle nous envahit totalement. Nous ne nous appartenons plus à nous-mêmes et notre corps ne peut que glorifier Dieu.
Notre langue doit toujours glorifier Dieu… est-ce que nous ne l’employons pas à d’autres choses ? Notre corps sexué doit glorifier Dieu, en chacune de ses attitudes. Nos relations avec les autres doivent glorifier Dieu, et jamais nous glorifier nous-mêmes. Oui, en toute chose, prendre conscience que la Gloire de Dieu nous habite, c’est bouleversant pour toute notre existence.
Mais entre cette conviction spirituelle et son application pratique, nous savons tous que nous sommes capables de résistances et d’hésitations. Et voilà que le Seigneur nous offre justement des lieux pour lâcher nos résistances. Notre sanctuaire du Laus en est un privilégié ; l’expérience de Benoîte et son éducation spirituelle par la Vierge Marie et les anges l’ont ouverte, au fur et à mesure d’un long parcours de 54 années, à laisser la gloire faire en elle sa demeure, pour devenir chaque jour un peu plus des tabernacles de sa présence, des tentes de la rencontre avec sa gloire. Amen.